Après Montebourg l'énervé, Montebourg l'apaisé
Très en verve durant ses premiers mois au gouvernement, le ministre a montré jeudi soir sur France 2 un visage beaucoup plus lisse.
"Pour être nuancé, il faut de la nuance." Mais où est donc passé cet Arnaud Montebourg qui, il y a quelques années, se présentait comme "le jeune lion du PS" ? Celui qui, lors de la primaire socialiste, s'adressait d'abord à l'aile gauche du parti ? Celui qui, durant ses premiers mois au gouvernement, n'hésitait pas à s'en prendre à la famille Peugeot puis violemment à Lakshmi Mittal, avant de s'afficher au côté des syndicalistes d'Arcelor, puis de brandir l'arme de la nationalisation du site de Florange ? Jeudi soir, les téléspectateurs qui ont regardé la prestation du ministre du Redressement productif dans l'émission "Des paroles et des actes", sur France 2, ont découvert un Montebourg nouveau.
Visiblement calmé par le violent incident qui l'a opposé à Jean-Marc Ayrault courant décembre sur le dossier Florange, l'électron libre du gouvernement n'est plus. Cravate gris métallique, costume bleu, coiffure impeccable et gestuelle maîtrisée, Arnaud Montebourg ne se laisse plus aller aux déclarations à l'emporte-pièce. Au risque de laisser, sur plusieurs sujets, l'impression de renier ses convictions d'hier.
Ainsi, alors qu'il maintenait fin décembre que la nationalisation temporaire restait "une solution d'avenir" pour les entreprises en difficulté, il se montre aujourd'hui plus nuancé : "Quand c'est arbitré, nous travaillons ensemble, esquive-t-il. Dans cette équipe gouvernementale, (...) nous avons de la fraternité les uns avec les autres." Quant au PDG d'ArcelorMittal, dont il avait dit ne plus vouloir la présence en France, Montebourg concède sa faute, et reconnaît que ses propos ont dû être depuis "corrigés".
PSA et Renault épargnés
Puis de battre sa coulpe à propos du dossier PSA : alors qu'il avait affirmé en juillet avoir un problème avec la stratégie du groupe dirigé par Philippe Varin, Arnaud Montebourg assure aujourd'hui avoir "beaucoup d'estime pour Monsieur Varin. C'est un homme très droit, et d'ailleurs, (...) si vous voulez me faire dire qu'on aurait pu s'y prendre autrement, je pense que je peux vous le dire". Un mea culpa en bonne due forme.
Même prudence à l'égard de Renault : alors que les syndicats dénoncent un chantage à l'emploi de la part de leur employeur, lui refuse de reprendre l'accusation à son compte, et se contente d'affirmer qu'"il n'est pas possible qu'il y ait le moindre chantage à la fermeture de site". Très prudent encore – et même surprenant de fatalisme – quand il évoque les 7 500 fermetures de postes (par départs à la retraite) dans le groupe automobile d'ici à 2016 : "Mais c'est mieux que des licenciements ! Que feriez-vous à ma place ?"
Montebourg défend son "travail de bénédictin"
Face à l'un des vice-présidents de l'UMP, Laurent Wauquiez, qui l'accuse d'être "un marchand d'illusion" à qui "il ne reste pas grand chose quand on enlève la marinière", le chantre du "made in France" s'efforce de répondre posément. Plutôt que de s'enfoncer dans la joute oratoire, le ministre préfère défendre humblement son "travail de bénédictin" qui, selon ses dires, a permis de sauver près de 43 000 emplois depuis l'élection de François Hollande. Et demande à être jugé seulement quand sa mission prendra fin : "Comme on dit dans mon pays, c'est à la fin de la foire qu'on compte les bouses."
Humble, là encore, sur sa popularité dans l'opinion publique – le baromètre TNS-Sofres fait de lui le deuxième ministre le plus populaire du gouvernement : "Ça n'a pas d'importance", commente-t-il laconiquement.
Penser à Matignon ? "Jamais !"
Tout cela n'est-il que le fruit d'une méticuleuse opération de communication mise au service de son ambition ? "Il vise Matignon, à la faveur d'un changement de ligne politique de François Hollande", assure l'un de ses amis, cité – anonymement – par L'Express. Selon ses proches, c'est donc dans ce but délibéré que Montebourg l'énervé est devenu Montebourg l'apaisé.
Lui s'en défend férocement. "Jamais", assure-t-il, ne lui vient à l'idée de penser à devenir, un jour, chef du gouvernement. "Pour une raison simple (...) : le travail est si immense [au sein de mon ministère] que j'ai dit que je m'y attellerais pendant cinq ans, pour que le renouveau de notre industrie puisse être tangible."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.