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Romney dit au revoir à son ambition présidentielle

Le candidat républicain, milliardaire et mormon, n'a pas su convaincre dans les "swing states". 

Article rédigé par Ariane Nicolas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le candidat républicain Mitt Romney s'apprête à monter dans son avion de campagne à quelques heures de l'annonce de sa défaite face à Barack Obama, le 6 novembre 2012.  (BRIAN SNYDER / REUTERS)

PRESIDENTIELLE AMERICAINE – Mitt Romney n'a pas su convaincre. A l'issue d'une campagne haletante et d'un scrutin incertain,le candidat républicain a été battu mardi 6 novembre par le président sortant, le démocrate Barack Obama.

Plébiscité sans surprise dans les bastions conservateurs du Sud et du Midwest, il a échoué dans quasiment tout les états décisifs, ces "swing states", tant convoités par les candidats et dans lesquels l'équipe de Romney avait mis les bouchées doubles, misant sur l'expertise du candidat chef d'entreprises pour séduire l'Amérique en crise.

Avant de s'impliquer à plein temps dans la politique, Mitt Romney a connu un passé d'homme d'affaires. Une expérience qu'il a mise à profit dans sa vie publique, au point parfois d'en faire un argument de campagne. Portrait de cet entrepreneur, qui fait de la politique comme du business. 

Retrouvez ici les résultats de l'élection avec notre carte interactive. 

Multimillionnaire et fils de gouverneur

Mitt Romney n'est pas vraiment un "self-made man". Diplômé d'Harvard, après avoir fréquenté des écoles huppées, il est le fils de George W. Romney, gouverneur du Michigan entre 1963 et 1969 et cadre important de l'industrie automobile.

Devenu brillant homme d'affaires, Mitt Romney a amassé, en vingt-cinq ans de carrière, une fortune colossale à la tête du fonds d'investissement Bain Capital. Ce fonds, qu'il a cofondé en 1984 et quitté à la fin des années 1990, a investi ou racheté plusieurs centaines d'entreprises. De quoi lui assurer une fortune estimée à près de 200 millions d'euros.

L'expérience, un argument en temps de crise

Aux Etats-Unis, travailler dans le secteur privé n'est pas mal perçu chez les politiques. Pas étonnant, donc, que Mitt Romney fasse de son passé de businessman un argument de campagne, et de l'emploi sa priorité. "Sa forte expérience de businessman lui a appris quelles étaient les mesures de bon sens à mettre en place pour garantir la prospérité d'un pays", justifie ainsi le site Mitt Romney France.

Lors du premier débat avec Barack Obama, début octobre, Mitt Romney a attaqué le président sortant : "Je ne sais pas comment le président a pu arriver à la Maison Blanche avec 23 millions de personnes sans emploi (...) et dépenser toute son énergie à se battre pour Obamacare", la couverture santé défendue par Obama dès les premières semaines de son mandat.

Une stratégie qui a séduit. Réduction de la dette, relance de la croissance, résistance contre la puissance économique chinoise : les militants républicains, que nous avions rencontrés pendant la convention de Tampa (Floride) cet été, n'avaient que le mot "économie"à la bouche et en oubliaient presque les thématiques sociales.

Dans un sondage réalisé pour ABC News (lien en anglais), début octobre, les électeurs disaient d'ailleurs faire plus confiance à Romney qu'Obama pour redresser l'économie (47% contre 45%).

Des casseroles de campagne

Pour autant, la campagne de Mitt Romney n'a pas été de tout repos. Les démocrates ont mis en avant deux gros problèmes liés à son passé d'homme d'affaires.

• L'épine Bain capital. Le fonds d'investissement créé par Mitt Romney a été montré du doigt lorsqu'il a voulu délocaliser en Chine 170 emplois d'une usine automobile de l'Illinois, alors même que Romney promettait de protéger les emplois aux Etats-Unis.

Plus grave, des documents secrets révélés par la presse indiquent que le candidat a placé de l'argent à l'étranger, et notamment dans les paradis fiscaux. Selon Vanity Fair (lien en anglais), Romney détiendrait encore près de 25 millions d'euros dans des fonds d'investissements propriétés de Bain Capital, hébergés aux Iles Caïmans.

Deux salariés de Sensata Technologies, firme rachetée par Bain, protestent contre les délocalisations prévues en Chine, à Freeport (Illinois), le 19 septembre 2012. (MIRA OBERMAN / AFP)

• Le mélodrame de la feuille d'impôts. Deuxième épine, consécutive de la première, Mitt Romney a longtemps refusé de dévoiler sa feuille d'impôts. Sous la pression des démocrates, il a finalement rendu public, fin septembre, son taux d'imposition pour l'année 2011, qui s'élève à 14,1%. Le multimillionnaire affirme donc avoir payé 1,5 million d'euros d'impôts l'an passé, pour 10 millions d'euros de revenus déclarés.

Mais pour certains médias, comme CNN (lien en anglais), ce geste est loin d'avoir levé toutes les ambiguïtés sur ses revenus. De nombreuses personnes demandent toujours à voir ses feuilles d'impôts sur les dix dernières années, et pas seulement sur les années 2010 et 2011, comme son père l'avait fait en son temps, lorsqu'il était gouverneur du Michigan.

• La bourde des 47%. Son Surmoi de businessman a-t-il repris le dessus ? Mi-septembre, Mitt Romney a été filmé en caméra cachée en train de tenir des propos insultants envers les électeurs de Barack Obama. Le milliardaire mormon ironise notamment sur la mentalité de "victimes" des électeurs démocrates, dans une vidéo mise en ligne par Mother Jones (article en anglais), un site d'information marqué à gauche. Il a fait amende honorable le 4 octobre, sur Fox News, expliquant avoir "dit quelque chose qui était tout simplement complètement faux".

Un républicain girouette ?

A force de jouer les pragmatiques, Mitt Romney est accusé jusque dans son camp de ne pas être assez lisible. Contrairement à d'autres politiques, ce républicain conserve l'image d'un homme aux idées pas très arrêtées. Deux thèmes de campagne ont concentré les interrogations.

• L'avortement. Officiellement, Mitt Romney est fermement opposé à l'avortement, sauf "en cas de viol, d'inceste et de danger pour la vie de la mère". Mais le 10 octobre, il a déclaré qu'"aucune législation sur l'avortement" ne faisait partie de son programme. Si son camp affirme que le candidat est un vrai "pro-life", la majorité de ceux qui ont suivi son parcours pensent qu'au fond, l'ex-gouverneur du Massachusetts est une sorte de "pro-life modéré", prêt au compromis.

"Du bon sens pour une richesse commune". Mitt Romney, alors gouverneur du Massachussetts, donne un discours à Boston, le 25 février 2003. (ELISE AMENDOLA / AP / SIPA)

"Obamacare". Une des principales promesses de campagne de Mitt Romney portait sur l'abrogation d'"Obamacare", le volet de la réforme de santé de Barack Obama qui permet la création d’une couverture santé universelle. Problème, Romney a mis en place un système similaire dans le Massachusetts lorsqu’il en était le gouverneur. Le candidat a dû trouver une pirouette pour ne pas se contredire : supprimer "Obamacare" au niveau fédéral et permettre aux Etats de légiférer s'ils le souhaitent.

Longtemps considéré comme un pragmatique modéré, le candidat a radicalisé son discours durant la campagne des primaires. Le choix de Paul Ryan comme colistier, un catholique très conservateur, montre bien sa difficulté à se positionner sur l'échiquier politique. Pour ne pas effrayer les électeurs indécis, Romney s'est vu contraint d'adoucir son discours en fin de campagne. Séduire au centre sans perdre la base du parti républicain : ce pari, il ne l'a finalement pas relevé. 

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