Des frissons, de l'amour, des aventures et un carnet de voyage... Douze romans et récits à dévorer pendant votre été
Le retour de Bret Easton Ellis avec un roman proustien, le deuxième opus de la saga familiale de Pierre Lemaitre, le best-seller d'une jeune autrice iranienne et le carnet de voyage en Iran de François-Henri Déserable, l'humour noir de Lionel Shriver, les affres et bonheurs de la vie familiale avec Aki Shimazaki, Véronique Ovaldé ou Marie-Hélène Lafon, des parties de pêche à la ligne mâtinées de frissons dans le dernier thriller de Peter Heller...
Sagas, pavés, feuilletons, polars, romans français ou étrangers, venez piocher dans notre sélection hétéroclite de romans et récits à lire pendant vos congés d'été. Si vous êtes friands de polars, nous avons également concocté cette liste de polars français pour vous. N'hésitez surtout pas à consulter vos libraires indépendants pour des conseils personnalisés et à partager avec nous en commentaires vos coups de cœur. Bonnes lectures d'été à tous !
"Les éclats", de Bret Easton Ellis
Le romancier américain, auteur de l'emblématique Moins que zéro (1985), d'American Psycho (1991), Glamorama (1998) et plus récemment de White, un essai autobiographique, (2019), revient avec Les éclats, un pavé de plus de 600 pages dans lequel il raconte à la première personne l'histoire de Bret, 17 ans, écrivain et élève dans un lycée privé de Buckley, Los Angeles, Californie. Ce narrateur qui porte le nom de l'auteur vit comme la plupart de ses copains et copines dans une villa dotée d'une piscine, de personnel de maison, mais privé de la présence des parents, voire tout bonnement des adultes, constamment aux abonnés absents. Les fêtes, la drogue, le sexe font partie du quotidien de cette jeunesse dorée livrée à elle-même. La vie se déroule sans incident majeur, jusqu'à l'arrivée au lycée d'un garçon mystérieux, Robert Mallory, qui coïncide avec l'apparition dans les parages d'événements étranges liés au Trawler, un tueur en série ayant sévi l'année précédente dans une région voisine...
À la manière de Proust, Bret Easton Elis pénètre l'intimité de son personnage à travers la mémoire d'événements passés, qui ressurgissent par le biais des sentiments et des sensations ressenties autrefois, mais aussi ceux provoqués aujourd'hui par le souvenir qu'il en a (lui-même, ou son personnage, le flou est constant) au moment d'écrire le livre. Le narrateur déroule ainsi le fil des événements comme dans un rêve, ou plutôt un cauchemar dont il ne s'est jamais vraiment réveillé. Et partant de l'intériorité la plus ultime d'un être, brouillant les pistes avec un personnage qui se confond avec le narrateur, et l'auteur lui-même, Bret Easton Ellis ouvre une porte sur l'âme humaine, et fait plus largement la peinture d'un temps, et d'une société, celle de l'Amérique des années 80 et de la jeunesse dorée (et perdue) des collines d'Hollywood. Du grand art. (Robert Laffont, traduit de l'Anglais (Etats-Unis) par Pierre Guglielmina, 616 p., 26 €, 17,99 € en format numérique)
"Le silence et la colère", de Pierre Lemaitre
Pierre Lemaitre continue à feuilleter le 20e siècle avec le second épisode de cette nouvelle fresque familiale. 1952, on retrouve avec bonheur les aventures de la famille Pelletier dans la seconde partie des Trente Glorieuses. Le père s'est pris de passion pour la boxe. Le fils aîné Jean, dit "Bouboule" tente de mener à bien son projet de magasin de vêtements sous l'œil acerbe de son épouse Geneviève, enceinte et plus féroce que jamais. François, le deuxième fils, tente de comprendre les mystères que lui cache Nine, son amoureuse, tandis qu'Hélène est envoyée par son rédacteur en chef dans un village voué à disparaître sous les eaux d'un barrage hydroélectrique. La marche de l'histoire, dans les pas d'une famille haute en couleurs, voilà de quoi occuper agréablement ses congés payés. (Calmann-Lévy, 592 p., 23,90 €, 16,99 € en format numérique).
"À prendre ou à laisser", de Lionel Shriver
Kay et Cyril, un couple de Britanniques, décident quand ils ont une cinquantaine d'années de se suicider ensemble le jour de leurs 80 ans. Ils ne veulent pas de la déchéance de la vieillesse, ni devenir un poids pour leurs enfants, comme ce fut le cas avec le père de Kay. Que se passera-t-il quand la date fatidique aura sonné ? C'est ce qu'imagine Lionel Shriver en élaborant pas moins de douze scénarios à partir de ce postulat du départ. La romancière explore ainsi dans ce roman à la construction savante toutes les questions liées à la fin de vie, avec une drôlerie inattendue sur un sujet pareil. (Belfond, traduit de l'anglais (États-Unis) par Catherine Gibert, 285 p., 22 €, 6.99 € en format numérique).
La saga "Anne de Green Gables", de Lucy Maud Montgomery
Attendrissante, émouvante, inspirante… Anne Shirley est une héroïne qui donne du baume au cœur, sans cesse émerveillée par ce qui l’entoure, curieuse des gens qu’elle rencontre. Avec ce personnage créé en 1905 par l’autrice canadienne Lucy Maud Montgomery, la série des "Anne" est devenue au 20e siècle un classique de la littérature jeunesse, avant de tomber un peu dans l’oubli. Les aventures de cette jeune orpheline joyeuse et fantasque seront remises au goût du jour par l’excellente série de Moira Walley-Beckett, Anne with an E, diffusée sur Netflix à partir de 2017. La maison d’édition Monsieur Toussaint Louverture s’est attelée à rééditer les huit romans de cette saga depuis 2020, avec une nouvelle traduction. Le dernier de la série, Rilla, ma Rilla, paraîtra en septembre.
Chaque tome est un livre objet, avec une couverture cartonnée recouverte de papier nacré, illustrée des féeriques peintures de Paul Blow et Midori Kusano. Même si ce ne sont pas des livres que l’on trimbalera à la plage de peur de les abîmer, les péripéties d’Anne ne manqueront pas d’égayer vos longues soirées d’été. Et quoi de mieux qu’un grand voyage pour savourer ses vacances ! Ces romans vous emporteront en plein cœur de l’Île-du-Prince-Edouard (Canada), dont la nature sauvage est magnifiée par la plume de Lucy Maud Montgomery. (Ed. Monsieur Toussaint Louverture, traduit de l'anglais (Canada), environ 350 p., 17,50 €, 4,99 € en version numérique).
"Stella Maris", de Cormac McCarthy
Ce roman très singulier du grand romancier américain Cormac McCarthy disparu le 13 juin à l'âge de 89 ans met en scène Alicia Western, vingt ans, internée dans un hôpital psychiatrique. Au cours d'une série de neuf séances avec son thérapeute, on entre dans le monde intérieur de cette jeune mathématicienne à l'esprit brillant, mais à l'âme torturée, peuplée de figures tutélaires, comme sa grand-mère, le mathématicien Alexandre Grothendieck, ou encore son frère, Bobby, à qui elle voue un amour interdit, mais aussi de fantômes ou de créatures imaginaires. Exclusivement construit du dialogue entre les deux personnages, ce livre est un préquel d'un autre roman de Cormac McCarthy, Le Passager, paru en France simultanément (L'Olivier, mars 2023), qui raconte l'histoire de Bobby, le frère d'Alicia. Réflexion sur la science, évocation de la dimension poétique des mathématiques, ce roman peut ouvrir une porte sur l'œuvre de ce grand romancier américain. (Ed. de L'Olivier, traduit de l'anglais (États-Unis) par Paule Guivarch, 256 p., 21,50 €, 15,99 € en format numérique).
"L’automne est la dernière saison", de Nasim Marashi
L’automne est la dernière saison raconte deux saisons de la vie de Leyla, Shabaneh et Rodja, trois Iraniennes qui se sont rencontrées à l'université de Téhéran. Les trois jeunes femmes, inséparables, partagent leurs joies, leurs chagrins, se soutiennent dans les différentes épreuves qu'elles ont à traverser, et se retrouvent dans leur quête de liberté dans un pays où il est encore plus compliqué qu'ailleurs pour la jeunesse de se projeter dans l'avenir. Avec ce roman paru en 2015 en Iran, où il a connu un succès phénoménal et reçu le prix Jalal Al Ahmad, l'un des prix les plus prestigieux du pays, Nasim Marashi brosse une peinture de l'Iran d'aujourd'hui, et touche le cœur d'une génération marquée par une révolution avortée. (Zulma, traduit du persan (Iran) par Christophe Balaÿ 272 p., 22 €, 12,99 € en format numérique).
"Les sources", de Marie-Hélène Lafon
Marie-Hélène Lafon décrit dans ce roman l'intimité d'une famille soumise à la violence du père dans le silence et l'isolement d'une ferme, à la fin des années 60 dans les terres reculées du Cantal. Le roman est construit en trois mouvements, trois points de vue, trois temps, qui s'articulent autour de la maison familiale. La terre, la famille, la transmission, le silence, le langage des corps, des objets, des paysages... Ce roman dense et âpre appuyé par l'écriture à l'os de Marie-Hélène Lafon aborde tous les thèmes chers à cette grande romancière. (Buchet-Chastel, 128 p., 16,50€, 12,99 € en format numérique).
"Fille en colère sur un banc de pierre", de Véronique Ovaldé
Aïda revient à Iazzia pour enterrer son père sur l'île de son enfance, au large de la Sicile. Jugée responsable de la disparition de sa petite sœur Mimi, elle a été bannie et exilée quinze ans plus tôt par sa famille. À son retour, la cadette de cette fratrie de quatre filles est accueillie froidement par ses sœurs. Mais que s'est-il réellement passé cette fameuse nuit de carnaval où s'est noué le drame de la famille ? Véronique Ovaldé décortique dans cet étrange roman les relations, les secrets, et les passions qui se nouent au sein d'une famille à travers la voix d'un narrateur omniprésent, qui donne une distance et une tonalité ironique au récit, sans toutefois lui ôter sa dimension tragique et son mystère (Flammarion 320 p., 21€, 15€ en format numérique).
"Le guide", de Peter Heller
L'auteur de La constellation du chien (2013) nous offre une fois encore un thriller naturaliste. L'action se déroule, comme souvent chez Heller, loin des villes, ici dans un canyon du Colorado. On retrouve avec surprise Jack, protagoniste de son précédent livre, La rivière, sorti en France en 2021. Jack se remet tant bien que mal des traumatismes de sa dernière aventure avec son ami d'enfance, une expédition en canoé à hauts risques dans le nord du Canada. Le jeune homme quitte un temps la ferme de son père et se fait embaucher comme guide de pêche dans un Lodge haut de gamme pour citadins et stars en quête de tranquillité et plaisirs de la nature. Mais Jack et sa cliente, une star de rock qui ne le laisse pas indifférent, découvrent peu à peu les horreurs que cache ce lieu de villégiature idyllique... Virtuose du suspense et peintre des grands espaces, Peter Heller nous régale encore une fois avec un roman que l'on ne lâche pas une seconde. (Actes Sud, traduit de l'Anglais Etats-Unis par Céline Leroy, 304 p., 22,80€, 16,99 € en format numérique).
"La Malnata", de Beatrice Salvioni
Ce premier roman de l'Italienne Beatrice Savioni met en scène dans l'Italie du Nord une amitié entre deux jeunes filles que tout sépare. La narratrice, Francesca, est issue d'une famille bourgeoise, en apparence respectable, et austère, l'autre, Maddelena, que tout le monde appelle la Malanata, est une fille des quartiers pauvres, à l'esprit libre, mal-aimée par sa mère qui la pense responsable de la mort accidentelle de son petit frère, mal-aimée de la société qui la trouve trop délurée. Les deux adolescentes nouent une relation d'amitié par laquelle chacune tentera de trouver son émancipation dans une Italie fasciste et patriarcale qui fonce droit vers la guerre. Roman d'apprentissage sensuel et social, La Malnata est un succès de librairie déjà traduit dans une trentaine de pays. (Albin Michel, traduit de l'Italien par François Bouillot, 336 p., 21,90€, 14,99 € en format numérique).
"L'usure d'un monde, une traversée de l'Iran" de François-Henri Désérable
Comment vont les Iraniens ? Comment vont-ils vraiment depuis la vague de protestations qui a suivi la mort en septembre dernier de Mahsa Amini, à la suite de son arrestation par la police des mœurs pour n'avoir pas bien porté son voile ? L'écrivain français François-Henri Désérable est allé voir par lui-même : durant un mois et demi, fin 2022, il a traversé l’Iran de part en part, à la rencontre de ses habitants. Lancé sur les traces de l'écrivain voyageur Nicolas Bouvier, dont L'usage du monde paru en 1963 fut pour lui "un choc de lecture", il a tiré de ce périple un remarquable carnet de voyage. On y découvre une extraordinaire galerie de personnages et un pays à bout sous le joug des mollahs, une cocotte-minute bouillonnante de vie, de créativité et de colère sous la surface. Informatif, ce récit plein d'allant et d'humour est aussi un délice de lecture. (Gallimard, récit illustré de photos, 160 p., 16€, 11,99 € en format numérique).
"L'usure d'un monde, une traversée de l'Iran" de François-Henri Désérable, 2023 @ GALLIMARD
"Niré", d'Aki Shimazaki
Pour finir, allons au Japon. Après Suzuran (2020), Sémi (2021) et No-no-yuri (2022), la romancière québécoise d'origine japonaise publie Niré, l'avant-dernier opus de son cycle Une clochette sans battant. C'est à Nobuki, le dernier né de la famille, que l'on s'attache ici. Marié et père de deux enfants, un troisième en route, sa vie sans nuage est assombrie par la maladie d'Alzheimer dont souffre sa mère, qui ne le reconnaît plus. C'est pourtant grâce à cette maladie, en découvrant un carnet dans lequel elle note tout pour échapper aux sales tours de sa mémoire, qu'il va découvrir un autre visage de sa mère, et les secrets qui entourent sa naissance. Aki Shimazaki décortique d'une écriture minimaliste la complexité des relations humaines, et familiales. Au fil de ses œuvres, on s'est attaché à cette manière cubiste qu'elle a de raconter les histoires en y entrant par différentes facettes et points de vue, chaque nouvel opus (des livres que l'on peut lire dans le désordre) étant comme une pièce venant compléter un puzzle et éclairer d'un jour nouveau son histoire. (Actes Sud, 144 p., 16€, 11,99€ en format numérique).
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