On vous explique pourquoi la situation budgétaire de la France est un cadeau empoisonné pour le futur gouvernement

Le prochain Premier ministre nommé par Emmanuel Macron n'aura que quelques semaines pour présenter un texte à l'Assemblée et trouver une majorité pour le faire adopter.
Article rédigé par franceinfo
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Le ministère de l'Economie et des Finances, à Paris, le 19 juillet 2024. (ERIC BERACASSAT / AFP)

A peine nommé, le prochain gouvernement aura déjà une urgence à traiter. Alors qu'Emmanuel Macron n'a toujours pas choisi le nom du futur Premier ministre, mardi 3 septembre, près de deux mois après les législatives anticipées que le président a convoquées dans la foulée des élections européennes, les alertes se multiplient autour du budget 2025 de la France. Outre une dégradation imprévue des comptes en 2024, le prochain exécutif n'aura que très peu de temps pour présenter son Projet de loi de finances au Parlement. Franceinfo vous explique pourquoi le prochain budget à tout du cadeau empoisonné.

Parce que le déficit est plus important que prévu

Dans une lettre transmise aux parlementaires lundi et consultée par franceinfo, le ministre des Finances démissionnaire Bruno Le Maire s'inquiète d'une envolée non prévue des dépenses des collectivités de 16 milliards d'euros pour l'année 2024. Déjà abaissées de "près de 30 milliards d'euros" au printemps, les prévisions de recettes fiscales pourraient par ailleurs ne pas être atteintes compte tenu d'une croissance "moins favorable" que prévue, redoute le locataire de Bercy.

Résultat, le déficit public pourrait atteindre 5,6% du produit intérieur brut (PIB) cette année au lieu des 5,1% espérés. Il se creuserait même à 6,2% du PIB en 2025 au lieu de 4,1%, si 60 milliards d'euros d'économies n'étaient pas réalisées l'année prochaine, selon Bercy. Une somme que le prochain gouvernement devra trouver pour boucler son budget 2025 d'ici à la fin de l'année, soit en faisant des coupes budgétaires, soit en augmentant les ressources de l'Etat.

Si le prochain exécutif ne fait rien, le déficit s'aggravera mécaniquement, ce qui risque d'attirer les foudres de l'Union européenne déjà en conflit avec Paris à ce sujet.

Parce que la France doit redresser ses finances

Une autre difficulté attend le prochain locataire de Bercy. La France doit présenter d'ici au 20 septembre son plan de redressement des finances jusqu'à 2027 à l'Union européenne. La Commission européenne a en effet mis Paris en demeure pour procédure de déficit excessif le 26 juillet dernier.

La France et six autres pays dépassaient en effet la limite de déficit public fixée à 3% du PIB par le Pacte de stabilité, qui limite aussi la dette à 60% du PIB. Selon les traités européens, ces Etats membres doivent donc réduire leur déficit de 0,5% point de PIB par an. L'UE demande ainsi à la France de revenir sous la barre dès 3% en 2027.

Si le nouveau gouvernement envoie sa trajectoire à temps à la Commission européenne, celle-ci communiquera ensuite en novembre des évaluations détaillées de ce plan contenant "des recommandations adressées aux Etats membres pour qu'ils prennent des mesures efficaces afin de corriger leur déficit". Les engagements du futur gouvernement seront par ailleurs scrutés par les marchés financiers.

Parce que le budget doit être voté avant la fin de l'année

Le projet de loi de finances doit normalement être transmis aux parlementaires "au plus tard le premier mardi d'octobre de l'année précédant celle de l'exécution du budget", soit le 1er octobre 2024. L'Assemblée nationale et le Sénat doivent ensuite débattre et adopter la loi, qui doit être promulguée le 1er janvier suivant. Le document est un texte conséquent (de 416 pages pour la version de 2024), qui demande un long travail à Bercy et qui concerne tous les ministères. 

Le futur ministre des Finances ne partira cependant pas de rien. Le gouvernement démissionnaire a travaillé sur un budget prévisionnel, reprenant le même que celui de 2024 et incluant 10 milliards d'euros d'économie. Il a même envoyé des lettres plafonds le 20 août avec un mois de retard sur le calendrier habituel. Transmises aux ministères, elles déterminent les plafonds de crédits qui seront disponibles dans le prochain budget.

Parce que les débats à l'Assemblée s'annoncent explosifs

Une fois que le gouvernement aura préparé et transmis son projet de loi de finances, le texte sera débattu à l'Assemblée nationale et au Sénat. Une tâche qui s'avère particulièrement complexe au Palais Bourbon, puisqu'aucun bloc politique n'y dispose de la majorité des sièges. Mettre d'accord au moins deux tiers des députés ne sera pas une mince affaire, tant les visions s'opposent sur la trajectoire budgétaire de la France.

Tandis que le gouvernement sortant propose 10 milliards d'euros d'économies, les parlementaires du Nouveau Front populaire (NFP) proposent plutôt d'accroître les recettes de l'Etat en augmentant les impôts pour les plus riches. Une proposition difficilement entendable pour le camp macroniste, qui promettait de ne pas augmenter les impôts pendant la campagne des législatives. 

Le PLF pourrait être adopté sans débats grâce à l'article 49.3 de la Constitution. La disposition avait été utilisée à plusieurs reprises à l'automne 2023 par l'ancienne Première ministre Elisabeth qui n'avait pas trouvé de majorité pour approuver son budget. Si le futur gouvernement appliquait cette stratégie, il pourrait en retour se retrouver menacé par une motion de censure... qui annulerait par la même occasion le texte voté.

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