Croissance, inflation, chômage... A quoi faut-il s'attendre pour l'économie française en 2025 ?
La France a entamé l'année 2025 sans budget après la chute du gouvernement de Michel Barnier, mais avec une loi spéciale permettant à l'Etat de continuer à fonctionner. Dans les prochaines semaines, les ministres de l'Economie, Eric Lombard, et des Comptes publics, Amélie de Montchalin, auront la lourde tâche de mener les discussions pour doter le pays d'un budget. Un défi alors que le contexte économique est très incertain en France et dans le monde. L'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et la Banque de France prédisent une croissance "morose" et une remontée du taux de chômage en 2025, dans le contexte inédit de l'instabilité politique et du dérapage des finances publiques. Seul le ralentissement de l'inflation constitue une bonne nouvelle.
Une croissance au ralenti
Dans sa note de conjoncture datée de décembre, l'Insee anticipe un début d'année timide pour l'économie française, avec une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 0,2% par trimestre au premier semestre 2025. "Les signaux qui se dégagent des enquêtes sur les ménages et les entreprises dessinent un paysage morose", avait affirmé Dorian Roucher, chef du département de la conjoncture, lors de la présentation des prévisions de l'Insee.
De son côté, la Banque de France a calculé juste avant la censure du gouvernement de Michel Barnier une prévision couvrant la totalité de l'année. En 2025, la croissance serait de 0,9%, soit 0,3 point de moins que lors de ses précédentes prévisions publiées en septembre. Et 0,2 de point de moins que les 1,1% enregistrés en 2023 et 2024, année marquée par l'effet JO. Une révision à la baisse due en partie à "l'incertitude au niveau international".
Selon Anne-Sophie Alsif, économiste à BDO France, la politique protectionniste de Donald Trump, qui souhaite augmenter les droits de douane, pourrait avoir "un impact très défavorable sur la zone euro", en particulier sur l'Allemagne et dans une moindre mesure sur la France. Un rapport du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (PDF) prédit ainsi que la France va voir "ses exportations baisser de 0,5% et son PIB de 0,1%" avec l'arrivée au pouvoir du milliardaire d'extrême droite.
"Il y a des risques géopolitiques [avec l'élection de Donald Trump], mais ce qui est central, c'est la crise en France. 2025 devait être une année de reprise, qui est obérée par le contexte politique."
Anne-Sophie Alsif, économisteà franceinfo
Si les différents acteurs économiques prévoient un ralentissement du commerce extérieur et un gel de l'investissement privé, ils anticipent en revanche une hausse de la consommation des ménages. Seul "le consommateur porterait un peu la croissance", avec une augmentation de 0,1% puis 0,3% de ses dépenses en début d'année, prévoit ainsi l'Insee. L'institut souligne par ailleurs que le taux d'épargne des Français, qui s'établit à 18,2% du revenu brut disponible en 2024, un niveau record, "pourrait se réduire un peu, pour peu que la période d’incertitude politique prenne fin". "Nous ne sommes pas dans un scénario de récession, plutôt de croissance faible", conclut Mathieu Plane, directeur adjoint du département Analyses et prévisions de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Un déficit réduit mais excessif
La situation des finances publiques s'annonce toujours aussi incertaine en 2025. Le déficit public (l'écart entre les rentrées fiscales des administrations et leurs dépenses), qui a atteint 5,5% du produit intérieur brut en 2023, s'est encore s'aggravé en 2024. Le ministère de l'Economie avait estimé, en novembre, qu'il atteindrait 6,1% du PIB, ce qui aurait pour conséquence de creuser la dette. Cette situation inédite avait contraint Michel Barnier à présenter un budget 2025 dans lequel il prévoyait un effort budgétaire de 60 milliards d'euros (40 milliards d'économies en réduisant des dépenses et 20 milliards de recettes supplémentaires).
Depuis, le gouvernement a été censuré et la France navigue sans budget. Le nouveau Premier ministre, François Bayrou, n'a pas encore officiellement défini l'objectif de déficit pour 2025, qui sera inscrit dans le futur budget. Mais il pourrait dépasser légèrement la barre des 5% qui avait été fixée par son prédécesseur. Eric Lombard, le nouveau ministre de l'Economie, a esquissé plusieurs pistes pour contenir le déficit : il s'est notamment prononcé en faveur d'éventuelles hausses d'impôts "très limitées" et entend réaliser "des économies supplémentaires".
Alors qu'une procédure pour déficit excessif a été ouverte par la Commission européenne – le seuil de 3% a été fixé par l'Union européenne – la Banque de France évoque "une fourchette de déficit comprise entre 5 % et 5,5%", une modélisation évidemment incertaine puisqu'aucun projet de loi de finances pour 2025 n'a encore été présenté. "C'est le flou le plus total, observe Mathieu Plane. Au vu de l'éclatement politique et de la censure du gouvernement de Michel Barnier, il est difficile d'imaginer un consensus pour un programme d'ajustement budgétaire sévère."
Une inflation qui se calme
Les différents acteurs économiques s'accordent toutefois sur une bonne nouvelle : l'inflation va continuer de ralentir en 2025. L'Insee table sur une inflation à 1% en juin 2025. Sur l'année, la Banque de France prédit un chiffre de 1,6%, contre environ 2% pour l'année 2024. Elle continuerait ainsi à nettement refluer après le choc inflationniste qui a suivi le début de la guerre en Ukraine : la hausse des prix avait atteint 5,2% en 2022 et 4,9% en 2023, selon l'Insee. "Ce recul s'expliquerait en particulier par une inflation négative des prix de l'énergie", souligne la Banque de France.
"C'est certainement la meilleure nouvelle pour l'ensemble de l'économie."
Mathieu Plane, économisteà franceinfo
"On retrouve des niveaux d'inflation modérés, poursuit le directeur adjoint du département Analyses et prévisions de l'OFCE, et si les prix augmentent, cela permet de moins peser sur le pouvoir d'achat des ménages." La baisse attendue des taux d'intérêt va aussi donner plus de latitude aux ménages.
Un taux de chômage à la hausse
Actuellement à 7,4%, le taux de chômage en France devrait remonter à 7,6% de la population active d'ici à la mi-2025, selon l'Insee. De son côté, la Banque de France table sur un taux de demandeurs d'emploi de 7,8% en 2025 et observe que "le marché du travail montre des signes de fléchissement, après avoir été étonnamment dynamique depuis la pandémie (1,1 million de créations nettes d'emplois depuis fin 2019)".
Plusieurs facteurs sont mis en avant pour expliquer cette remontée du chômage : une croissance en berne, le rétablissement de la productivité (qui avait chuté pendant le Covid-19) et des politiques publiques moins favorables à l'emploi. Le projet de loi de finances du gouvernement de Michel Barnier (dont François Bayrou devrait largement s'inspirer) prévoyait notamment une diminution de la prime à l'apprentissage et la baisse des exonérations de cotisations sociales.
Les effets concrets de cette conjoncture sont déjà visibles, avec des défaillances d'entreprises et des plans sociaux qui se multiplient. "D'ici mi-2025, le secteur privé commencerait à détruire des postes salariés, en particulier d'apprentis, et l'emploi devrait freiner nettement dans le secteur public", écrit l'Insee. L'institut estime que les créations d'emploi ne compenseraient pas "la hausse de la population active", notamment sous l'effet de l'entrée en vigueur de la réforme des retraites qui a reculé l'âge de départ de 62 à 64 ans. Par ailleurs, sa note de conjoncture ne prend pas en considération les effets sur l'emploi d'éventuelles restrictions budgétaires qui pourraient être prises.
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