Suppressions d'emplois : automobile, chimie, aéronautique… Quels secteurs sont particulièrement concernés ?

Après Michelin et Auchan, les plans sociaux risquent de se multiplier dans les usines françaises, a prévenu le ministre de l'Industrie, Marc Ferracci. L'automobile et la chimie sont particulièrement touchées.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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L'entrée du site Michelin est bloquée par des pneus, à Cholet (Maine-et-Loire), le 8 novembre 2024. (ADRIEN AUZANNEAU / HANS LUCAS / AFP)

"Nous sommes au début d'une violente saignée industrielle." Dans une interview à La Tribune, dimanche 10 novembre, la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, n'a pas mâché ses mots pour dépeindre ce qui se trame dans l'économie française. "On estime que plus de 150 000 emplois vont disparaître, probablement plus", et ce "dans tous les secteurs", a précisé la syndicaliste. Après Michelin, les plans sociaux risquent en effet de se multiplier dans les usines françaises, a prévenu le ministre de l'Industrie, Marc Ferracci, au micro de France Inter, samedi.

Pour Sophie Binet, cette "saignée" est due à la "stratégie" des entreprises de "toujours augmenter les marges" et de "distribuer toujours plus de profits aux actionnaires". Pour le ministre de l'Economie, Antoine Armand, elle est liée à "une conjoncture internationale extraordinairement exigeante avec le coût des matières premières, la question de l'énergie" et "des pratiques commerciales agressives venues de beaucoup de pays". L'automobile et la chimie seront particulièrement concernées, mais pas seulement. Franceinfo fait le tour des secteurs touchés.

L'automobile en première ligne face à la concurrence asiatique

Le groupe Michelin a été le premier à faire trembler le secteur dans l'Hexagone en annonçant, le 5 novembre, la fermeture, avant 2026, des sites de Cholet (Maine-et-Loire) et Vannes (Morbihan), qui comptent au total 1 254 salariés. Le géant français invoque la concurrence asiatique sur les pneus de camionnettes et poids lourds, spécialités de ces deux usines, mais aussi la "dégradation de la compétitivité de l'Europe". "L'engagement de Michelin, c'est que personne ne soit laissé sans solution", a rappelé Marc Ferracci sur France Inter, critiquant toutefois la manière dont l'annonce a été faite par l'équipementier.

Au-delà de Michelin, c'est toute la filière qui est touchée à la fois par le recul des ventes sur le continent, la concurrence chinoise à bas prix et la lenteur de l'électrification. Comme l'a pointé la patronne de la CGT, "il y a un effet domino sur toute la chaîne de sous-traitance". A Châteauroux (Indre), les salariés du sous-traitant automobile GMD craignent ainsi pour leur avenir, rapporte France 3 Centre Val de Loire. Le groupe est un des plus gros équipementiers automobiles français avec 5 259 salariés fin 2023 à travers le monde, dont 1 825 en France. Il totalise près d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires mais il est plombé par ses dettes. Sa cession à une structure du milliardaire Pierre-Edouard Stérin est en discussion.

Les usines françaises du constructeur Stellantis seront pour leur part fixées sur leur sort mi-novembre, au moment où elles recevront leur plan de production à trois ans. Certaines ont déjà taillé dans les effectifs, comme fin octobre à Rennes (250 postes d'intérimaires supprimés) ou début janvier à Mulhouse (600).

La France n'est pas la seule concernée. En Allemagne, l'équipementier automobile Schaeffler a annoncé mardi la suppression de 4 700 emplois en Europe, ainsi que la fermeture de deux sites. Et après les plans sociaux des plus gros équipementiers Bosch, ZF et Continental, le groupe Volkswagen menace à son tour de fermer trois usines et de supprimer des dizaines de milliers d'emplois.

Le problème doit se traiter à l'échelle du continent, estime le ministre de l'Industrie. "La protection commerciale vis-à-vis des véhicules chinois doit se concevoir au niveau européen", a plaidé Marc Ferracci, évoquant "un bonus écologique à l'échelle européenne" ou un "emprunt commun européen" pour financer des "mécanismes de soutien" à la filière.

La chimie victime des coûts de l'énergie

La filière de la chimie, particulièrement sensible aux coûts de l'énergie, a de son côté affirmé, mi-octobre, craindre de perdre "15 000 emplois" sur 200 000 en trois ans. Déjà, un millier de suppressions d'emplois ont eu lieu ces derniers mois chez Solvay, Syensqo, Weylchem Lamotte, qui s'ajoutent aux 670 prévues par le groupe pétrochimique ExxonMobil à Port-Jérôme, en Normandie. En région Auvergne-Rhône-Alpes, la faillite de Vencorex, sur la plateforme chimique du Pont-de-Claix (Isère), met "près de 5 000 emplois en jeu" dans d'autres secteurs industriels que le groupe alimente, estime la CGT.

Là aussi, le décrochage est perceptible dans toute l'Europe. La chimie allemande, première du monde, paye les conséquences de la perte du gaz russe bon marché. Unilever, Evonik, BASF ont également annoncé des réductions d'effectifs.

L'industrie spatiale tangue face à SpaceX

Mi-octobre, les salariés de la branche défense et espace d'Airbus, qui fabrique notamment des satellites et compte 35 000 salariés, ont été informés par mail d'une "réduction du nombre de postes jusqu'à 2 500" en 2026. La société a expliqué que dans la branche espace, "d'importantes charges financières ont été enregistrées en 2023 et 2024". Le ministre de l'Industrie a assuré qu'il veillerait à ce qu'il n'y ait pas de licenciements, les salariés ayant vocation à être reclassés dans d'autres entités d'Airbus.

La branche spatiale du groupe français subit la concurrence américaine, plus particulièrement celle de SpaceX et de son patron Elon Musk, qui dispose d'une technologie très en avance sur l'Europe pour la conquête de l'espace. Les commandes sont ainsi en baisse pour les satellites européens de télécommunications. Thales, l'un des leaders européens du secteur, a annoncé en mars un plan de redéploiement au sein du groupe de 1 300 postes issus de sa branche spatiale Thales Alenia Space, dont 1 000 en France.

En mars, Philippe Baptiste, le président du Cnes, l'agence spatiale française, a prévenu que "l'industrie spatiale européenne aujourd'hui est à risque" car elle ne va "pas assez vite" et "n'a pas réussi à prendre le virage vers l'industrialisation".

La grande distribution, un secteur en mutation qui fait les frais de l'inflation

Le coup de massue est tombé le même jour que l'annonce de Michelin : après plusieurs années difficiles, le distributeur Auchan a annoncé mardi qu'il prévoyait de supprimer 2 389 postes en France sur 54 000 dans le pays, via notamment la fermeture d'une dizaine de magasins. "C'est catastrophique. Ça va laisser beaucoup, beaucoup de salariés dans la difficulté, de familles. C'est choquant, scandaleux", s'est indigné auprès de l'AFP Franck Martineau, délégué syndical FO Auchan Retail. La direction espère limiter le nombre de licenciements secs, via un accompagnement des salariés concernés, des formations de reconversion, des congés de reclassement et un plan de départs volontaires.

Si la situation du groupe est spécifique, avec des coûts de fonctionnement plus élevés que ses concurrents, ses difficultés illustrent les mutations du secteur de la grande distribution. Le sociologue Jean Viard pointe sur franceinfo "l'inflation", la concurrence des chaînes de hard-discount comme Lidl et Aldi, et "un nouvel entrant majeur, l'e-commerce".

"La grande pandémie a poussé tout le monde à commander par internet, et ça fait perdre des emplois dans les grandes surfaces."

Jean Viard, sociologue

sur franceinfo

Loin derrière le leader incontesté, E.Leclerc, les plus fragiles n'ont pas résisté. Le groupe Casino a ainsi vendu la quasi-totalité de ses supermarchés et hypermarchés à plusieurs concurrents, notamment Auchan, Intermarché et Carrefour. Recentré autour des marques Monoprix, Franprix, Vival ou encore Petit Casino, le groupe ne pèse plus que 9 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel, environ six fois moins que Leclerc. Un plan de sauvegarde de l'emploi est en cours et pourrait toucher plus de 3 000 postes. Du côté de Cora, racheté par Carrefour, 340 postes sont menacés avec la fermeture du siège en Seine-et-Marne.

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