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Vrai ou faux Présidentielle 2022 : Emmanuel Macron a-t-il dépensé 5 à 7 milliards d'argent public en 15 jours, comme le dit Xavier Bertrand ?

Le candidat de droite à l'élection présidentielle accuse le chef de l'Etat de dépenser à tout-va à l'approche du scrutin. Mais les sommes engagées sont parfois étalées sur plusieurs années et liées au contexte économique.

Article rédigé par Benoît Zagdoun - Julien Nguyen Dang
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 9min
Emmanuel Macron, à l'Elysée, le 20 septembre 2021. (GONZALO FUENTES / POOL / AFP)

Le "quoi qu'il en coûte" décrété pour faire face à la crise sanitaire devient un enjeu électoral. A droite comme à gauche, l'opposition s'étrangle. A sept mois de l'élection présidentielle, Emmanuel Macron et le gouvernement de Jean Castex multiplient les annonces de nouvelles mesures dispendieuses.

Le député La France insoumise Alexis Corbière a ainsi critiqué sur Public Sénat "un président en campagne avec des moyens publics". Même accusation à droite, où la candidate à la primaire Valérie Pécresse a estimé sur BFMTV que le chef de l'Etat était "en train de cramer la caisse".

Son rival, Xavier Bertrand, a de son côté fustigé la politique "absolument irresponsable" d'un président qui "fait campagne avec le chéquier de la France""En 15 jours", de "5 à 7 milliards d'euros" de dépenses auraient été annoncées, a même avancé le président de la région Hauts-de-France. Franceinfo a sorti la calculette pour vérifier ce chiffrage.

Une multiplication d'annonces

Reprenons d'abord le fil des dépenses engagées par le gouvernement depuis début septembre.

1,5 milliard d'euros, le 2 septembre. A l'issue d'une visite de trois jours dans la cité phocéenne, Emmanuel Macron dévoile son plan pour "Marseille en grand" : 1,5 milliard d'euros sont débloqués pour "bâtir le Marseille de 2030" et répondre "aux urgences du moment". Santé, sécurité, éducation, culture... Les transports bénéficient à eux seuls d'un milliard d'euros d'investissement.

150 millions d'euros, le 6 septembre. Quatre jours plus tard, c'est au tour du Premier ministre de débourser 150 millions d'euros pour le programme "Territoires d'industrie". Un dispositif qui vise à relancer de nouvelles activités dans des bassins frappés par des restructurations industrielles, en particulier des villes moyennes et des régions rurales.

21 millions d'euros, le 9 septembre. Sur France 2, le ministre de la Santé Olivier Véran annonce que la contraception sera gratuite pour toutes les jeunes adultes jusqu'à l'âge de 25 ans, alors que cela ne concernait auparavant que les mineures. Le coût de la mesure est chiffré à 21 millions d'euros par an.

1 milliard d'euros, le 10 septembre. Le lendemain, Emmanuel Macron et Jean Castex sortent à nouveau le chéquier. Le premier dans les Alpes-de-Haute-Provence pour la création d'une "assurance récolte" destinée à protéger les cultivateurs des aléas climatiques. Son coût : 600 millions d'euros par an. Le second, à Nantes, pour injecter 400 millions d'euros supplémentaires dans les transports publics.

170 millions d'euros, le 13 septembre. Les plans du gouvernement pour les transports ne s'arrêtent pas là : le ministre Jean-Baptiste Djebbari annonce lui aussi 170 millions d'euros alloués chaque année jusqu'en 2024 pour soutenir fret ferroviaire.

550 millions d'euros, le 14 septembre. Le lendemain, Emmanuel Macron sort à nouveau le carnet de chèques, à l'occasion de deux déplacements. Un demi-milliard d'euros vient renforcer le budget du ministère de l'Intérieur, en conclusion du Beauvau de la sécurité. Cinquante millions d'euros sont quant à eux investis pour renforcer et moderniser le secteur maritime.

2,9 milliards d'euros, le 16 septembre. Ce jour-là, le gouvernement débourse 2,9 milliards d'euros en une journée. En déplacement à Chilly-Mazarin (Essonne), Jean Castex dote MaPrimeRénov', le dispositif d'aide à la rénovation énergétique, de 2 milliards d'euros supplémentaires. Une aide de 100 euros est aussi allouée à 5,8 millions de ménages précaires pour le paiement des factures de gaz et d'électricité. Emmanuel Macron annonce de son côté un plan pour les travailleurs indépendants. Une mesure qui devrait nécessiter 300 millions d'argent public, estime le ministre des PME Alain Griset sur franceinfo. Enfin, Olivier Véran signe un chèque de 40 millions d'euros par an aux sages-femmes, qui vont pouvoir bénéficier d'une prime et d'une hausse d'environ 100 euros brut par mois.

200 millions d'euros, le 17 septembre. A l'occasion des 40 ans du TGV, Emmanuel Macron décide de supprimer, dès 2023, la fiscalité spécifique qui pèse sur la grande vitesse sous la forme de deux taxes. De quoi réduire les rentrées d'argent de l'Etat d'environ 200 millions d'euros, estiment Les Echos.

En additionnant toutes ces annonces, ce sont bien 6,5 milliards d'euros de dépenses nouvelles qui ont été promises depuis le début du mois de septembre, en plus du plan de relance déjà prévu. Et 5 milliards si l'on s'en tient à cette période de deux semaines évoquée par Xavier Bertrand, qui, dès lors, ne prend pas en compte les annonces du chef de l'Etat pour Marseille.

Mais ce calcul mêle des sommes versées ponctuellement, comme les aides aux ménages les plus modestes pour l'accès à l'énergie, et d'autres échelonnées sur plusieurs années, comme le soutien au fret ferroviaire ou le plan pour Marseille, voire promises pour le prochain quinquennat.

L'addition n'est en outre pas terminée, car d'autres annonces sont attendues, et notamment un plan d'investissement destiné à financer l'innovation et les filières d'avenir, dont le coût est estimé à 30 milliards d'euros sur plusieurs années. En définitive, les dépenses devraient atteindre "autour de 16 ou 17 milliards d'euros", de l'aveu même du rapporteur général du Budget à l'Assemblée, le député LREM Laurent Saint-Martin.

Une pratique préexistante

La multiplication des dépenses à l'approche d'une échéance électorale n'est-elle pas une pratique courante de la vie politique ? D'après Xavier Bertrand, "aucun [président] ne s'est livré à cette surenchère". Le rythme des annonces et leur montant cumulé sont certes impressionnants. Mais il suffit de remonter à la précédente présidence pour constater qu'en 2016, alors que François Hollande n'a pas encore renoncé à se représenter, l'exécutif enchaîne les annonces dispendieuses au fil des mois.

En janvier, le gouvernement Valls lance un plan pour l'emploi et la formation à 1,6 milliard d'euros. En février, c'est un plan de soutien aux agriculteurs à 800 millions. En mars, une hausse du point d'indice, qui sert de base à la rémunération des fonctionnaires, dont le coût est estimé à 600 millions, et le prolongement du dispositif de suramortissement des investissements pour les entreprises pour plus 400 millions. En avril, il promet 200 millions encore pour des mesures en faveur des jeunes. En mai, 200 millions enfin pour la prime des enseignants du primaire, liste Le Figaro.

La rapporteure générale de la commission des finances de l’Assemblée nationale, la socialiste Valérie Rabault, sort la calculatrice. Montant de la facture sur l'année, selon elle : 6,5 milliards d'euros, révèle le magazine Challenges. A l'époque, les mêmes accusations fusent en provenance des rangs de l'opposition. Cité par Le Monde, le porte-parole de LR Guillaume Larrivé, un proche de Nicolas Sarkozy, dénonce "une politique du chéquier".

"Les comptes de campagne de Monsieur Hollande, ce n’est pas la même chose que les comptes de la nation."

Guillaume Larrivé

dans "Le Monde"

La fin de mandat de Nicolas Sarkozy, à l'inverse, est marquée par les plans d'austérité. Coup de rabot sur les niches fiscales, hausse des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, contribution exceptionnelle sur les hauts revenus… Le gouvernement Fillon taille dans ses dépenses et augmente ses recettes dans le but de réduire une dette publique creusée par la crise financière de 2009, mais aussi par la loi Tepa.

Un contexte exceptionnel

L'élection présidentielle n'est pas le seul facteur à prendre compte pour expliquer cette frénésie de dépenses. Il ne faut pas perdre de vue les deux années écoulées, où le gouvernement a ouvert les vannes budgétaires pour soutenir l'économie face à la pandémie de Covid-19, analyse Mathieu Plane, directeur adjoint à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). "Là, c'est particulier, on est sur une sortie progressive du 'quoi qu'il en coûte', commente-t-il. La crise n'est pas complètement derrière nous, le plan de relance va prendre le relais et effectivement la priorité c'est de ne pas louper cette reprise qui se passe plutôt bien pour le moment."

"Comme la croissance repart plus vite que prévu, il y a des recettes fiscales qui sont rentrées, de la TVA, des cotisations sociales. C'est la bonne surprise. Cela permet de financer ces dépenses supplémentaires."

Mathieu Plane, économiste

à franceinfo

Le projet de budget repose sur une prévision de croissance de 6% pour 2021 et de 4% pour 2022, une des reprises économiques les plus fortes de la zone euro, après une des récessions les plus importantes en Europe (-8% en 2020). La reprise devrait permettre au déficit public de se résorber un peu plus. Selon les prévisions de Bercy, il devrait passer de 9,2% du PIB en 2020 à 8,4% cette année, puis à 4,8% en 2022.

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