Cet article date de plus d'un an.

Régimes spéciaux, carrière longue ou hachée… Voici ce que la réforme des retraites pourrait changer selon votre profil

Article rédigé par Alice Galopin
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 13min
Franceinfo a simulé les effets de la réforme des retraites sur sept profils aux carrières différentes. (JEREMIE LUCIANI / FRANCEINFO)
L'examen du projet de loi débute lundi en séance publique à l'Assemblée nationale. A l'aide de sept profils fictifs de carrière, franceinfo vous explique ce que la réforme du gouvernement pourrait changer concrètement pour votre retraite.

La réforme des retraites entre au cœur de la bataille parlementaire. Après son examen en commission des affaires sociales, le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS) va être débattu en séance publique dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale à partir du lundi 6 février. Pendant deux semaines, les débats au Palais-Bourbon entre la majorité et les oppositions s'annoncent houleux sur le recul de l'âge légal à 64 ans, la disparition des régimes spéciaux ou la revalorisation des petites pensions.

Le Parlement ne dispose que de 50 jours pour se prononcer sur ce dossier explosif. Pour y voir plus clair sur le contenu précis de ce texte, nous avons simulé les effets de la future réforme en nous appuyant sur sept profils fictifs aux carrières différentes. Ces projections ont été réalisées à partir du projet initial du gouvernement, et ne tiennent pas compte des modifications qui pourront être apportées au fil des débats parlementaires.

Christine, fonctionnaire née en avril 1962, verra son âge légal de départ repoussé de six mois

Avec la réforme, Christine devra travailler six mois supplémentaires. (JEMERIE LUCIANI / FRANCEINFO)

Dans le système actuel : Christine est fonctionnaire depuis ses 20 ans et a eu une carrière sans interruption. Elle pourra partir à 62 ans, au printemps 2024. Elle bénéficiera alors d'une retraite à taux plein puisqu'elle aura cotisé le nombre d'années fixé par la réforme Touraine de 2014, soit 42 annuités (168 trimestres) pour une personne née en 1962, rappelle le site Service public.

>> Réforme des retraites : simulez votre âge de départ, selon votre année de naissance

Après l'application de la réforme : Christine fait partie des premiers actifs concernés par la réforme, qui doit entrer en vigueur en septembre, selon le calendrier souhaité par le gouvernement. En raison du recul progressif de l'âge légal de départ, elle ne pourra pas liquider ses droits avant 62 ans et demi. Christine devra donc travailler six mois supplémentaires et partira à la retraite fin 2024.

En tant que fonctionnaire, le calcul de sa pension de retraite sera toujours basé sur ses six derniers mois de traitement (salaire sans les primes), et non sur les 25 meilleures années, comme c'est le cas pour les actifs du régime général. Le projet du gouvernement ne prévoit pas de modification sur ce point. 

Pascal, né en mars 1975, devra cotiser un an de plus pour bénéficier d'un départ en carrière longue

Entré sur le marché du travail à 17 ans, Pascal partira en retraite à 61 ans au lieu de 60 ans. (JEREMIE LUCIANI / FRANCEINFO)

Dans le système actuel : Pascal est entré sur le marché du travail à 17 ans. Puisqu'il a cotisé au moins cinq trimestres avant ses 20 ans, il peut bénéficier du dispositif de carrière longue et prétendre à un départ anticipé à 60 ans, à condition d'avoir cotisé 43 annuités (172 trimestres) au cours de sa carrière, explique Service public.

Après l'application de la réforme : Pascal bénéficiera toujours d'un départ à la retraite anticipé, mais il devra travailler plus longtemps. Pour liquider ses droits à la retraite, il devra avoir cotisé 44 annuités (176 trimestres) au cours de sa carrière, soit une année de plus qu'avant la réforme. Son départ à la retraite sera donc repoussé à 61 ans.

Nathalie, née en septembre 1965, a eu une carrière hachée et devra cotiser neuf mois supplémentaires pour une pension complète

Avec la réforme, Nathalie travaillera neuf mois de plus et percevra une pension complète à 64 ans et trois mois. (JEREMIE LUCIANI / FRANCEINFO)

Dans le système actuel : à 57 ans, Nathalie travaille comme vendeuse dans un magasin de bricolage. Elle a connu des interruptions dans sa carrière. Même si, comme l'explique le site de l'Assurance retraite, elle a bénéficié de 16 trimestres supplémentaires après la naissance de ses deux enfants, elle n'aura validé que 163 trimestres sur les 169 requis (42 ans et trois mois) au moment de son âge légal de départ, à 62 ans. Pour toucher une pension complète, elle devra travailler jusqu'à 63 ans et demi.

Après l'application de la réforme : son âge légal de départ sera repoussé à 63 ans et trois mois, conformément au calendrier du gouvernement. En outre, en raison de l'accélération de l'allongement de la durée de cotisation prévue par la réforme, Nathalie devra désormais valider 172 trimestres (43 annuités) pour partir avec une retraite à taux plein, soit trois de plus qu'avant la réforme. Elle travaillera donc neuf mois supplémentaires et percevra une pension complète à 64 ans et trois mois.

Cédric, né en juillet 1983, conducteur de métro, restera affilié au régime spécial de la RATP mais partira plus tard

Avec la réforme, les actifs actuels des régimes spéciaux, comme Cédric, pourront toujours partir plus tôt en retraite que les actifs du régime général. Mais leur âge légal de départ sera tout de même repoussé de deux ans. (JEREMIE LUCIANI / FRANCEINFO)

Dans le système actuel : le régime spécial de la RATP permet d'ouvrir des droits à la retraite jusqu'à dix ans avant l'âge légal du régime général. Cédric peut donc en théorie partir à 52 ans, après 27 années de service à la RATP, note le site du Sénat. Mais pour bénéficier d'une retraite à taux plein, il doit également avoir cotisé 43 annuités (172 trimestres), comme le rappelle la Caisse de retraite du personnel de la RATP (lien PDF). Ou attendre son âge d'annulation de la décote, fixé à 57 ans. L'âge réel de départ à la retraite des conducteurs de la RATP est ainsi bien supérieur à 52 ans et s'élève en moyenne à 55,8 ans, souligne France Bleu.

Après l'application de la réforme : le projet de loi prévoit la suppression de la plupart des régimes spéciaux (RATP, industries électriques et gazières, Banque de France, clercs de notaire et membres du Conseil économique, social et environnemental). Mais seuls les nouveaux embauchés seront affiliés au régime général. Ce fonctionnement s'inspire de la "clause du grand-père" appliquée lors de la réforme du régime de la SNCF en 2018. Les employés actuels, comme Cédric, pourront toujours partir plus tôt à la retraite que les actifs du régime général. Mais ils seront tout de même concernés par le décalage de l'âge légal de départ de deux ans. Le gouvernement précisera les futures modalités après avoir consulté les entreprises et les branches concernées.

A noter : un relèvement de deux ans de l'âge légal s'appliquera également aux "catégories actives" de la fonction publique, comme les pompiers ou les policiers. Selon les métiers, ces professionnels pourront faire valoir leurs droits à la retraite à 54 ou 59 ans, contre 52 et 57 ans avant la réforme.

Samir, né en novembre 1991, a débuté sa carrière à 25 ans et devra cotiser le même nombre d'années

Samir pourra toujours partir à 67 ans avec une retraite à taux plein. (JEREMIE LUCIANI / FRANCEINFO)

Dans le système actuel : Samir peut partir à 62 ans, mais sa pension subira une décote car il n'aura pas validé 172 trimestres de cotisation (43 annuités). Pour percevoir une pension complète, il envisage donc d'attendre ses 68 ans. S'il le souhaite, Samir peut partir un peu plus tôt, à 67 ans, qui correspond à l'âge d'annulation de la décote : il bénéficiera alors d'une pension à taux plein. Mais cela ne signifie pas que sa pension sera complète, puisqu'elle sera calculée au prorata de ses trimestres acquis, comme l'explique l'Assurance-retraite. "Même si votre retraite est calculée au taux maximum, elle peut être réduite si votre durée d'assurance n'est pas suffisante", résume l'organisme.

Pour partir plus tôt avec une pension complète, Samir peut racheter jusqu'à 12 trimestres d'études supérieures. Le coût de rachat dépend de l'âge auquel il dépose sa demande et de ses revenus, comme l'explique le site Service public. Un trimestre peut coûter entre 1 000 et 6 000 euros, détaille la Caisse nationale d'assurance-vieillesse (Cnav) (lien PDF).

Après l'application de la réforme : Samir n'aura toujours pas cotisé suffisamment à 64 ans, le nouvel âge légal de départ. L'âge d'annulation de la décote n'est pas modifié par la réforme et Samir aura donc encore la possibilité de partir à taux plein à 67 ans s'il le souhaite, mais avec une pension au prorata de ses trimestres acquis. S'il veut percevoir une pension complète, il devra donc toujours attendre ses 68 ans pour avoir suffisamment cotisé, ou racheter ses trimestres d'études. Sur ce dernier point, le gouvernement et la majorité présidentielle veulent faciliter le rachat des périodes d'études et de stages.

Sonia, née en octobre 1968 et reconnue en invalidité, pourra toujours partir à 62 ans à taux plein

Le départ des personnes en invalidité, comme Sonia, sera maintenu à 62 ans à taux plein. (JEREMIE LUCIANI / FRANCEINFO)

Dans le système actuel : Sonia a été reconnue en invalidité après une maladie non professionnelle qui a réduit sa capacité à travailler. Sa reconnaissance d'invalidité lui permet de partir à la retraite à 62 ans à taux plein, même si elle n'a pas le nombre d'annuités requis (42 ans et six mois pour une personne née en 1968, soit 170 trimestres). Cependant, même si elle bénéficie du taux plein, sa pension ne sera pas complète puisqu'elle tiendra compte de ses trimestres manquants, comme l'explique l'Agirc-Arrco, qui gère les retraites complémentaires des salariés du privé.

Après l'application de la réforme : la situation de Sonia reste inchangée. Elle pourra toujours partir à 62 ans à taux plein, sans condition de durée de cotisation. Le gouvernement (lien PDF) s'est engagé à maintenir cet âge du taux plein pour les personnes en invalidité ou en inaptitude.

Les personnes en situation de handicap peuvent quant à elles toujours bénéficier d'un départ à partir de 55 ans, avec des conditions d'accès assouplies. Jusqu'ici, rappelle Service public, elles devaient valider jusqu'à 132 trimestres, dont au moins 112 effectivement cotisés (c'est-à-dire des trimestres où des cotisations ont été prélevées sur des revenus d'activité, par opposition aux trimestres assimilés qui sont notamment attribués lors de périodes de chômage, de maternité ou de maladie). Avec la réforme, seule la condition des trimestres cotisés sera maintenue.

Claude, retraité né en juin 1952, verra sa pension revalorisée

Les petites pensions des retraités avec une carrière complète, comme Claude, seront revalorisées. (JEREMIE LUCIANI / FRANCEINFO)

Dans le système actuel : Claude a travaillé toute sa carrière avec des revenus proches du smic. Il est parti à la retraite à 62 ans en ayant validé tous les trimestres requis (164 trimestres pour une personne née en 1952, soit 41 annuités, selon la Cnav). Il perçoit chaque mois le minimum contributif majoré (Mico), soit près de 748 euros brut. En ajoutant sa retraite complémentaire, sa pension mensuelle s'élève à 968 euros brut.

Après l'application de la réforme : le gouvernement a promis d'augmenter les pensions minimales à hauteur de 85% du smic mensuel net, en revalorisant le Mico jusqu'à 100 euros brut. Cette mesure concernera les futurs retraités, mais aussi les retraités actuels, comme Claude. Sa pension totale devrait atteindre environ 1 170 euros brut.

Au total, "1,8 million" de retraités actuels bénéficieront "d'une augmentation de leur pension", selon l'étude d'impact de la réforme (lien PDF). Mais, contrairement à Claude, tous ne toucheront pas les "près de 1 200 euros" évoqués par le gouvernement. Pour les retraités ou futurs retraités avec une carrière incomplète, ce montant sera calculé au prorata des trimestres acquis. D'après l'étude d'impact, le gain moyen pour les retraités actuels sera en réalité de 678 euros par an, soit 56,50 euros par mois. Les futurs retraités de la génération 1962 éligibles à cette mesure gagneront, eux, en moyenne 402 euros supplémentaires, soit 33,50 euros par mois. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.