Le Sénat repasse à droite : est-ce grave pour Hollande ?
Depuis dimanche, la droite possède 12 sénateurs de plus que la majorité absolue dans la Haute assemblée. Le processus législatif risque-t-il d'être entravé avec cette nouvelle majorité au Sénat ?
Après trois courtes années à gauche, le Sénat est repassé à droite, dimanche 28 septembre. L'UMP et ses alliés du centre ont désormais une large majorité au sein de la Haute Assemblée, avec, selon nos calculs, 187 sénateurs (la majorité absolue est à 175). Un retour "à la normale", pour ainsi dire, puisque le Sénat est traditionnellement positionné à droite depuis le début de la Ve République, en 1958.
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Les communistes ayant refusé de voter plusieurs textes entre 2012 et 2014, notamment sur le budget, le Sénat a déjà, d'une certaine façon, joué son rôle d'opposition au gouvernement. Quelles conséquences supplémentaires cette alternance peut-elle avoir pour François Hollande et les réformes qu'il engage ?
Le travail parlementaire sera plus lent
L'Assemblée à gauche, le Sénat à droite : la navette parlementaire devrait fonctionner à plein durant les prochains mois. Outre le refus de voter un texte, les sénateurs peuvent amender les lois votées à l'Assemblée nationale, forçant ainsi les députés à les réécrire. "C'est sûr, le Sénat va détricoter les lois en commission, anticipe Sophie Joissains, sénatrice UDI contactée par francetv info. Cette élue des Bouches-du-Rhône assure qu'un Sénat à droite sera "bien plus que symbolique. Les discussions en commission mixte paritaire permettront de modifier de façon substantielle les lois adoptées à l'Assemblée". Même si cette dernière garde le dernier mot.
Pour perturber le travail parlementaire, le Sénat dispose de nombreux recours : il peut déposer une motion référendaire (pour demander l'adoption d'une loi par référendum), multiplier les amendements (parfois jusqu'à plusieurs dizaines de milliers) ou encore saisir systématiquement le Conseil constitutionnel pour juger de la validité d'une loi. Selon un ministre cité par Le Monde, le Sénat "va être dans une stricte opposition et freiner le travail parlementaire. Il jouera son rôle, ce qui sera plus intéressant, mais plus fatigant."
Pour Jean-Pierre Sueur, président socialiste de la commission des Lois, cet impact devrait être limité. "Je ne crains rien parce que la Ve République est ainsi faite que le pouvoir exécutif, dès lors qu'il a une majorité a l'Assemblée nationale, ne peut pas être véritablement entravé, dit-il, joint par francetv info. Le rôle du Sénat ne sera pas minoré. Aujourd'hui, il y a davantage d'amendements qui viennent du Sénat que de l'Assemblée nationale. Ce travail approfondi subsistera, même si les procédures seront un peu plus longues."
Le président du Sénat s'opposera à Hollande
Les candidats à la présidence du Sénat, dont l'élection se tient le 1er octobre, sont clairs : le "Plateau" doit être plus qu'un poste honorifique. C'est pourquoi ils promettent, chacun à leur manière, de combattre l'exécutif s'ils accèdent à ce poste. Jean-Pierre Raffarin plaide ainsi pour "un rapport de force républicain avec le président de la République" et promet de passer un accord avec lui sur "les conditions pour que le Sénat soit respecté". Gérard Larcher, de son côté, affirme que si François Hollande "ne veut pas écouter le Sénat sur la réforme territoriale, ce sera un casus belli car le Sénat ne doit pas être contourné sur cette réforme".
La gauche risque de perdre toutes les présidences de commission
Les effets de l'alternance ne seront pas seulement visibles en séance. Une partie de l'organisation du Sénat sera affectée, et notamment les commissions. Leur composition est en effet établie selon une représentation proportionnelle du Sénat, d'après le règlement. Sauf surprise, plus aucune commission ne devrait être présidée par un membre de la majorité présidentielle. Même pas celle des finances : Philippe Marini, candidat à la présidence du Sénat, rejette l'idée selon laquelle le futur président de la commission des Finances serait issu de la gauche en cas de victoire de la droite.
Le socialiste Jean-Pierre Sueur dénonce par avance ces velléités prêtées à la droite. Contacté par francetv info, le président de la commission des lois, qui rappelle que "12 rapports ont été cosignés par la majorité et l'opposition au sein de la commission" qu'il a conduite, affirme : "Si la majorité de droite se comporte de manière revancharde, ce serait une grave erreur. Au Sénat, on peut trouver des convergences et donner toute sa place au groupe politique d'opposition."
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