Législatives 2024 : a-t-on le droit de dire pour qui l'on vote, à l'image du youtubeur Tibo InShape ?

Article rédigé par Mathilde Bouquerel
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le youtubeur Tibo InShape dans une vidéo publiée sur son compte X le 7 juillet 2024. (CAPTURE D'ECRAN X)
Dimanche 7 juillet au soir, le youtubeur Tibo InShape a révélé sur les réseaux sociaux qu'il avait voté pour Ensemble. Mais a-t-on le droit d'annoncer publiquement son vote ?

Peut-on annoncer publiquement, sur un réseau social, pour qui l'on a voté ? C'est ce qu'a fait le youtubeur Tibo InShape dimanche 7 juillet au soir, après le second tour des élections législatives, sur son compte X (anciennement Twitter). Le créateur de contenus, qui s'est fait connaître pour ses conseils sur le sport et la musculation et est désormais le youtubeur le plus suivi de France, répondait à un internaute qui faisait référence aux résultats du second tour des élections législatives : "J'espère que Tibo Inshape est en train de chialer."

Le youtubeur, qui a refusé d'appeler à faire barrage au Rassemblement national et a confié lors d'une interview au média Brut être "plus de droite", estimant qu'"en France, les gens ne sont pas assez patriotes", est régulièrement accusé de soutenir des idées très conservatrices, voire d'extrême droite. "Pas besoin de pleurer, je vote Ensemble, s'est-il défendu sur X. Maintenant, je peux vous le dire sans vous influencer, les élections sont terminées." 

Ne pas trahir "le secret de l'isoloir"

Le youtubeur a bien le droit d'annoncer ainsi le parti pour lequel il a voté. C'est ce que répond Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à Paris II et constitutionnaliste. "Un citoyen peut tout à fait annoncer publiquement pour qui il compte voter ou a voté, de nombreux artistes le font en interview, évoque-t-il. Ce qui est interdit en revanche, c'est de le faire une fois dans le bureau de vote." Par exemple, un électeur qui manifeste ostensiblement son vote juste avant d'entrer dans l'isoloir s'expose à une amende de 15 000 euros et même à un an d'emprisonnement. De même, "il est interdit de trahir le secret de l'isoloir, explique Benjamin Morel, par exemple en postant sur les réseaux sociaux une photo de votre bulletin dans son enveloppe."

Le constitutionnaliste explique qu'en réalité, le principe de secret du vote (défini à l'article 3 de la Constitution et l'article L.59 du code électoral) sert surtout à protéger la liberté de l'électeur, à s'assurer qu'il n'a de compte à rendre à personne, que personne ne le contraint à voter de telle ou telle façon. "Par exemple, si l'on oblige un électeur à prendre au moins deux bulletins dans le bureau de vote, c'est pour surtout pour s'assurer qu'il a véritablement le choix une fois dans l'isoloir et que personne n'a exercé de pression sur lui pour qu'il n'en prenne qu'un seul", développe Benjamin Morel.

Une période de réserve peu appliquée sur les réseaux sociaux

Enfin, il existe une période de réserve électorale sur Internet comme dans les médias, le week-end précédant le scrutin, à la fin de la campagne (le vendredi 5 juillet minuit concernant le second tour des législatives) et jusqu'à la diffusion des premiers résultats. Pendant cette durée, les radios, télévisions, journaux et sites d'information n'ont pas le droit de diffuser la parole des candidats, de leurs soutiens ou toute information ou contenu qui pourraient influencer les votes.

Légalement, les messages publiés sur les réseaux sociaux sont eux aussi concernés. "Mais dans les faits, c'est très peu appliqué car il serait très difficile de sanctionner tous les utilisateurs de ces réseaux", explique Benjamin Morel. Par ailleurs, le post de Tibo InShape a été publié dimanche 7 juillet à 21 heures 30, soit après la fermeture des derniers bureaux de vote, donc à l'issue de cette période de réserve.

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