Législatives 2024 : "Juridiquement rien ne leur interdit de parler", explique un historien du sport après la prise de parole de certains Bleus

Les deux joueurs de l'équipe de France, Kylian Mbappé et Marcus Thuram, ont appelé les Français à voter pour les élections législatives. Le capitaine des Bleus a également incité lundi à voter "contre les extrêmes". Un positionnement rare de la part de sportifs, encouragés au "devoir de réserve".
Article rédigé par Philippine Thibaudault
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Kylian Mbappé en conférence de presse a appelé les Français à aller voter pour les législatives (ALEXANDRE MARCHI / MAXPPP)

Les élections législatives se sont invitées au cœur de la vie des Tricolores en Allemagne pour l'Euro 2024. Marcus Thuram, l'attaquant de l'Inter Milan, a pris position. "Il faut se battre pour que le RN ne passe pas", a-t-il dit samedi 15 juin. Kylian Mbappé a été interrogé sur ce même sujet lors de la conférence de presse des Bleus. "Je suis contre les extrêmes, les idées qui divisent", a dit le joueur français dimanche. Une parole rare, qui fait réagir.

"La prise de parole de sportifs, avant qu'ils en aient fini avec leur carrière, c'est plutôt rare, ce n'est pas commun", explique Philippe Tétard, historien du sport à l'Université du Mans. L'universitaire prend pour exemple la tribune signée par plus de 200 personnalités du sport, parus lundi 17 juin sur le site de L'Équipe. Parmi les signataires, d'anciens grands sportifs : Yannick Noah, François Gabart, Marie-José Pérec ou encore Marion Bartoli… Un fait rare mais pas sans précédent : en 2002, 300 sportifs avaient signé un appel à voter contre Jean-Marie Le Pen, pour le second tour de la présidentielle.

La "neutralité politique" de la FFF

Dans un communiqué de presse diffusé samedi, la Fédération française de football s'est associée "à l'appel à aller voter" exprimé par certains Bleus, mais souhaite que sa "neutralité" et celle de la sélection soient respectées. Ce principe de "neutralité" apparaît dans la Charte d'éthique et de déontologie du football comme dans la Charte olympique : "Reconnaissant que le sport est pratiqué dans le cadre de la société, les organisations sportives au sein du Mouvement olympique se doivent d’appliquer le principe de neutralité politique".

Seulement, cette "neutralité" n'empêche pas les sportifs de "parler" en dehors du stade : comme tout citoyen, le sportif bénéficie de la liberté d'expression. "Juridiquement rien ne leur interdit de parler", confirme Pascal Charroin, historien du sport, maître de conférences à l'Université Jean-Monnet Saint-Étienne.

"Ce qu'on demande aux sportifs, c'est d'être efficace"

Aucune interdiction et pourtant la prise de parole des sportifs est rare. "Ils se cachent toujours derrière l'apolitisme du sport mais il n'y a aucune raison qu'ils se tiennent à l'écart", avance Philippe Tétard. L'universitaire reconnaît que le monde du sport n'est pas un "monde où la parole est facilement libérée".

"Ils se cachent toujours derrière l'apolitisme du sport mais il n'y a aucune raison qu'ils se tiennent à l'écart"

Philippe Tétard, historien du sport à l'Université du Mans

à franceinfo

L'exemple de Colin Kaepernick est parlant. La star de la National Football League déchue pour s’être agenouillée pendant l’hymne américain en soutien à #blacklivesmatter en 2016. Après ce geste très politique, le joueur n'a plus jamais été recruté dans une équipe de football.

Ces athlètes prennent-ils donc un risque en se positionnant politiquement ? "Pas sûr" pour Philippe Charroin. "Ce qui compte pour le public, comme pour les investisseurs, c'est que Kylian Mbappé continue à mettre des buts. Ce qu'on demande aux sportifs, c'est d'être efficace" conclut-il. L'Euro de football en Allemagne en sera l'occasion.

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