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Elections législatives : de La France insoumise au Parti socialiste en passant par les Verts, la gauche réussira-t-elle à s'unir ?

Impossible pour l'élection présidentielle, l'union des différents partis de gauche pour les législatives de juin est plus que jamais d'actualité. Les négociations s'intensifient, sous l'impulsion du mouvement créé par Jean-Luc Mélenchon.

Article rédigé par Thibaud Le Meneec
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Jean-Luc Mélenchon, chef de file de La France insoumise, à l'Assemblée nationale, à Paris. (ILLUSTRATION PIERRE-ALBERT JOSSERAND / FRANCEINFO)

A gauche, la question de l'union revient à chaque saison. Ou plutôt, à chaque échéance électorale. Les prochaines législatives n'échappent pas à la règle. Divisés pour l'Elysée, les différents partis sont actuellement en discussion pour présenter des candidats communs les dimanches 12 et 19 juin, dans ce qui est présenté par certains comme un "troisième tour" de la présidentielle. Le temps presse : les différents partis se sont fixés jusqu'à la fin avril.

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Pour ce scrutin, "toutes les forces politiques, affaiblies, ont un intérêt objectif au rassemblement", explique le politologue Rémi Lefebvre, l'un des 800 universitaires qui ont appelé début avril à voter pour Jean-Luc Mélenchon. Il y a d'abord La France insoumise (LFI), arrivée largement en tête à gauche au premier tour de l'élection présidentielle, le 10 avril. Avec 22% des suffrages, le mouvement incarné par Jean-Luc Mélenchon, qui a demandé aux électeurs de "l'élire Premier ministre", cherche à transformer l'essai en juin et à agrandir un groupe parlementaire de 17 députés aujourd'hui. En évitant la multiplication des candidats à gauche, LFI veut parvenir à rassembler dans un maximum de circonscriptions 12,5% des inscrits au premier tour, le seuil fixé pour pouvoir se maintenir au second tour.

La France insoumise fixe ses conditions

Chez les "Insoumis", officiellement, le ton a changé par rapport à 2017, lorsqu'ils avaient balayé tout accord avec leurs potentiels alliés. "Je ne veux pas affaiblir le Parti socialiste, je veux le remplacer", déclarait à l'époque Jean-Luc Mélenchon. Cette année, des membres de LFI et du Parti socialiste (PS) négocient depuis le mercredi 27 avril.

"Il ne faut pas être naïf, La France insoumise veut la destruction des autres partis de gauche."

Rémi Lefebvre

à franceinfo

Pour mener l'union, la France insoumise a posé ses conditions au PS, comme aux autres alliés potentiels que sont Europe Ecologie-Les Verts (EELV), le Parti communiste français (PCF) et le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA). Ainsi, LFI exige de prendre comme base "L'Avenir en commun", son programme présidentiel. "Il y a des points incontournables, comme la retraite à 60 ans, le blocage des prix, la VIe République, la planification écologique", expliquait dimanche Manuel Bompard, à la baguette des négociations côté insoumis.

Avant de parler du partage des circonscriptions et d'une bannière commune, "on a d'abord des choses à balayer sur le fond", observe auprès de franceinfo un négociateur socialiste. Les "désaccords" portent notamment sur les retraites mais, à l'issue d'une première réunion "positive", mercredi matin, La France insoumise a assuré qu'il n'y avait "pas de points insurmontables" entre les deux partis.

Les communistes, eux, ont des positions différentes sur la question du nucléaire, énergie qu'ils préconisent. Mais ils tiennent à ces négociations. Dès dimanche, Fabien Roussel a appelé à un "accord global" pour les législatives. Lundi, sur franceinfo, son directeur de campagne, Ian Brossat, a déploré le fait que les négociations "durent" sans aboutir.

De nombreuses divisions à EELV

Avec les écologistes, dépourvus de députés sortants, les divergences de points de vue ne manquent pas non plus. Lors d'une conférence de presse, mercredi 27 avril, les dirigeants EELV ont regretté le fait que les négociations bloquent sur la désobéissance aux directives européennes. Les deux parties vont-elles réussir à s'entendre ? "On a le sentiment que LFI revient à des réflexes qui sont ceux de 2017, des réflexes hégémoniques", estime Alain Coulombel, membre de la direction du parti écologiste.

Chez EELV, les désaccords sont aussi internes. D'un côté, Yannick Jadot exclut de se ranger "derrière" le leader insoumis dans une coalition qui, dans ces conditions, "ne marchera pas". De l'autre, Sandrine Rousseau, battue par Yannick Jadot à la primaire écologiste, estime auprès de Mediapart qu'"il y a un chef dans cette équipe, qui s'appelle Mélenchon". La direction du parti veut éviter la simple bannière "Union populaire" pour les législatives.

Les querelles internes des écologistes irritent LFI, qui présentera ses candidats le samedi 7 mai. "Ce n'est pas le sujet pour nous de trancher des débats internes de congrès. Il faut avancer !" a pesté le groupe parlementaire LFI dans un communiqué, mardi.

La question de l'union de la gauche divise aussi les socialistes. Hélène Geoffroy, proche de François Hollande, estime ainsi que "ce n'est pas une négociation ou un accord qui est proposé" par La France insoumise, mais "une reddition", déplore-t-elle dans une lettre publiée mardi. Plus tard dans la journée, en marge du Bureau national, plusieurs des membres du PS ont décidé de démissionner, mettant en avant leur opposition aux négociations avec les "Insoumis". 

La difficile question des députés sortants

La direction du Parti socialiste voit plutôt dans ces négociations une manière de conserver une partie de son groupe parlementaire de 27 députés, rescapés de la Berezina de 2017. "On a une base de sortants, ce qui n'est pas rien, tente de se rassurer un cadre du PS. Si on n'y touche pas, c'est bon signe." "Le PS n'a pas grand-chose à mettre dans la balance", rétorque le politiste Rémi Lefebvre.

Avec 1,7% des voix à la présidentielle pour Anne Hidalgo, les socialistes sont en danger au niveau national. Ils pourraient faire les frais d'une volonté de LFI de présenter des candidats dans des circonscriptions favorables à la gauche, qu'il y ait des députés sortants PS ou non.

"Quand t'es à 6% ou 7%, tu peux encore demander des choses, pas quand tu es à 1% ou 2%".

Un sénateur PS

à franceinfo

Cette question des investitures est centrale, dans la mesure où disposer de parlementaires est une source primordiale de financement pour les partis. Les partis dont les candidats obtiennent au moins 1% des suffrages dans au moins 50 circonscriptions reçoivent chaque année 1,42 euro par votant. Ensuite, chaque député rapporte 37 280 euros par an à son parti.

Dans ces conditions, l'union de la gauche, impossible pendant cinq ans, peut-elle aboutir en quelques jours ? Surtout, peut-elle conduire à une victoire de ces forces conjointes, le 19 juin ? Aux législatives, la gauche pourrait affronter deux autres pôles eux aussi rassemblés. Avec, d'un côté, la majorité sortante réunissant des membres de LR et des déçus du PS. De l'autre, un bloc d'extrême droite avec le Rassemblement national, Reconquête ! et Debout la France. La victoire de la gauche, et donc la cohabitation, reste donc encore une hypothèse peu probable. "Personne n'y croit, balaie Rémi Lefebvre, mais c'est une stratégie de mobilisation". Suffira-t-elle à fédérer la gauche en ce printemps 2022 ?

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