Législatives 2022 : pourquoi l'affiche de campagne "Mélenchon Premier ministre" fait réagir ses opposants
Fort de sa troisième place à l'élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon tente d’imposer une cohabitation et de devenir le futur Premier ministre d'Emmanuel Macron. Une ambition visible sur son affiche de campagne pour les législatives, que critiquent vivement ses opposants.
L'affiche, dévoilée dès le lendemain de la réélection d'Emmanuel Macron, n'est pas passée inaperçue. Le visage de Jean-Luc Mélenchon plein cadre et, en lettres capitales, les mots "Mélenchon Premier ministre" : tel est le visuel choisi par le leader de La France insoumise pour lancer la bataille des élections législatives. Deux millions de tracts et 200 000 affiches ont déjà été imprimés, et une réimpression a été lancée, a fait savoir L'Union populaire mercredi 27 avril.
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L'affiche choisie confirme que le candidat qui a manqué de justesse sa qualification au second tour de l'élection présidentielle rêve d'imposer une cohabitation au président réélu.
Une personnalisation du scrutin
Mieux placé qu'il y a cinq ans, avec 21,95% des suffrages et 7,7 millions d'électeurs rassemblés sur son nom, Jean-Luc Mélenchon est persuadé qu'il peut remporter les élections législatives des 12 et 19 juin, et ainsi devenir le prochain Premier ministre d'Emmanuel Macron.
Mais le choix détonne et provoque de nombreuses critiques depuis que l'affiche a été dévoilée, certains opposants ou observateurs de la vie politique lui reprochant de ne pas respecter l'esprit de la Ve République : selon la Constitution, c'est en effet le président de la République qui nomme le Premier ministre, et non le peuple qui l'élit, comme Jean-Luc Mélenchon fait mine de le suggérer depuis plusieurs jours.
Avec cette affiche, le député des Bouches-du-Rhône semble jouer une partition solitaire, sans mettre en avant les autres candidats aux législatives qui seront investis le 7 mai. La personnalisation opérée par Jean-Luc Mélenchon est d'autant plus surprenante pour ses détracteurs qu'il souhaite mettre en place une VIe République prônant notamment la "déprésidentialisation" de la fonction de chef de l'Etat.
Au moins les choses sont claires avec cette affiche : @JLMelenchon à un projet pour lui-même. Pas pour le pays. pic.twitter.com/h0gg8tNi9B
— Pieyre-Alexandre Anglade (@PA_Anglade) April 26, 2022
Alors que La France Insoumise négocie actuellement avec les autres forces de gauche pour tenter de construire une coalition historique, le choix de Jean-Luc Mélenchon pour ces élections législatives fait tiquer ses potentiels futurs partenaires. Julien Bayou, le patron d'Europe Ecologie - Les Verts, qui évoque "une différence de culture" avec La France Insoumise, ne cache pas son étonnement. "Ils voient ce scrutin comme uniquement national, mais nous prenons plus en compte les enjeux locaux", a réagi l'élu écologiste chez nos confrères du Huffpost.
Une affiche qui ne porte pas atteinte à l'élection
Cette personnalisation n'a toutefois rien d'illégal. Selon l'avocat Jean-Pierre Mignard, le candidat a tout à fait le droit d'utiliser ce type d'affiche électorale. "Le président choisira son (ou sa) Première(e) ministre dans le groupe parlementaire majoritaire. Cette affiche doit être lue comme cela. La Constitution n'y trouve rien à redire, la philosophie c'est bien mais le droit c'est bien utile aussi", explique-t-il sur son compte Twitter.
Et après tout, avoir son visage sur des affiches de campagne pour des élections législatives est monnaie courante dans d'autres pays comme l'Allemagne ou l'Espagne, sans que cela ne dérange personne, comme le soulève le journaliste Vincent Glad.
Avec cette affiche, Mélenchon est accusé de présidentialiser des élections législatives qui ne serait pas faites pour ça. Rien de bien extraordinaire chez nos voisins aux régimes parlementaires. pic.twitter.com/tb1ZLlxhX2
— Vincent Glad (@vincentglad) April 26, 2022
"Il faut donner un signal clair"
Ces attaques, Jean-Luc Mélenchon les rejette en bloc. "Il faut donner un signal clair et dire des choses que tout le monde comprend, comme 'Je vous demande de m'élire Premier ministre'", a-t-il confié à l'émission "Quotidien", avant de se féliciter que "la consigne se soit répandue comme une traînée de poudre".
"Cette fois-ci, le trou de souris que nous avons est plus confortable qu'en 2017."
Jean-Luc Mélenchonà "Quotidien"
Cette affiche, qui reprend exactement la même photo et les mêmes codes que ceux utilisés par le candidat pour sa campagne présidentielle, fait aussi parler pour des raisons politiques. Le député des Bouches-du-Rhône, qui pourrait cette fois-ci se présenter dans une circonscription parisienne, a en fait très peu de chances de devenir le prochain chef du gouvernement.
Mélenchon Premier ministre ? Un scénario hautement improbable
Même si 56% des personnes interrogées dans un récent sondage Ipsos souhaitent que le parti d'Emmanuel Macron LREM ne remporte pas les élections législatives en juin, le scénario donnant le mouvement de Jean-Luc Mélenchon L'Union populaire vainqueur paraît hautement improbable. Dans l'histoire de la Ve République, jamais un scrutin législatif organisé dans la foulée d'une élection présidentielle n'a abouti à une cohabitation.
Le positionnement de Jean-Luc Mélenchon est d'ailleurs vivement critiqué par le Rassemblement national et Marine Le Pen, qui se voit elle aussi en principale opposante à Emmanuel Macron. "Même si c'est impossible qu'il remporte les législatives, nous comprenons que Jean-Luc Mélenchon ait envie de faire un bout de chemin aux côtés d'Emmanuel Macron puisqu'il a contribué à le faire élire en appelant à voter pour lui au deuxième tour", ironise Sébastien Chenu, député RN du Nord.
"Jean-Luc Mélenchon prend les gens pour des imbéciles, il sait très bien qu'il ne peut pas devenir Premier ministre."
Sébastien Chenu, député et porte-parole du Rassemblement nationalà franceinfo
En se positionnant comme un potentiel futur Premier ministre, Jean-Luc Mélenchon tente de capitaliser sur la dynamique de sa campagne présidentielle, dont il profite pour donner un coup de projecteur sur les élections législatives, qui attirent généralement moins les électeurs que la présidentielle. Et l'édition 2022 risque de ne pas déroger à la règle, après une présidentielle déjà marquée par une faible participation.
Un "booster" pour les élections législatives ?
Or, pour que les candidats de l'Union populaire dépassent la barre des 12,5% des inscrits permettant de se qualifier pour le second tour des législatives, les "Insoumis" devront à tout prix mobiliser et compter sur une abstention la moins forte possible.
"On peut voir dans l'affiche de Mélenchon un horrible détournement des institutions mais, si on est normal et pas militant, on peut y voir aussi une utilisation habituelle de la photo d'un candidat pour les législatives et un formidable boost pour ces élections boudées", plaide sur Twitter l'éditorialiste Françoise Degois.
S'il joue à fond la carte des élections législatives, c'est aussi parce qu'il est conscient que le scrutin sera décisif pour son avenir politique et celui de son mouvement. Un mauvais résultat aux législatives pourrait perturber la succession annoncée de Jean-Luc Mélenchon, qui avait laissé entendre pendant la campagne qu'il ne se représenterait pas à l'élection présidentielle dans cinq ans.
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