: Reportage Législatives 2024 : financer une campagne en urgence, "un énorme travail" et un casse-tête pour les candidats et les partis politiques
Organiser une campagne électorale en seulement trois semaines. Voilà le défi pour les différents partis politiques, après la dissolution de l'Assemblée nationale décidée par Emmanuel Macron et la tenue de nouvelles élections législatives le 30 juin et le 7 juillet. Chaque camp s'organise pour présenter des candidats et tenter d'obtenir la majorité au Parlement, mais un nouveau casse-tête les attend : celui du financement. Il faut ouvrir des comptes de campagne, trouver de l'argent, tout cela en un temps plus que restreint, alors même que la campagne des européennes est à peine terminée : une situation inédite.
Jean-Philippe Vachia, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), reconnaît l'urgence de cette campagne de législatives anticipées : "D'habitude, la période de financement est de six mois. Là, c'est trois semaines. La première urgence pour le candidat, c'est de trouver un mandataire, la personne ou l'association qui tiendra le compte de campagne. Deuxièmement, le mandataire du candidat doit ouvrir sans délai un compte de dépôt dans une banque. Mais pour cela, il n'a que quelques jours."
"Il faut véritablement que les banques se mettent en ordre de marche pour satisfaire les demandes des candidats."
Jean-Philippe Vachia, président de la CNCCFPà franceinfo
C'est sur ce point que Jean-Phillipe Vachia fait part de sa "grande préoccupation" : "Il faut que les banques fassent preuve de diligence pour ouvrir les comptes bancaires. Sinon, les candidats vont se retrouver dans une situation très fâcheuse puisque nous, quand on nous dépose le compte de campagne pour vérification, nous exigeons qu'on nous présente les relevés bancaires du compte qui a été ouvert. Nous alertons les candidats et nous alertons aussi les banques. Il faut véritablement qu'elles se mettent en ordre de marche pour satisfaire les demandes des candidats."
Jean-Philippe Vachia rappelle aussi les trois sources de financement d'une campagne : un emprunt dans une banque (et là aussi, il y a urgence), les dons de la part des partis politiques ou des dépenses mutualisées (tracts, affiches…), ou les dons de particuliers, limités à 4 600 euros par personne physique. Pour éclairer ceux qui voudraient se lancer dans ces législatives anticipées, un "Guide du candidat et du mandataire, spécial élections législatives" a été réalisé par la CNCCFP.
Une situation "injuste"
"Je dissous ce soir l'Assemblée nationale." Quand elle entend Emmanuel Macron annoncer des législatives anticipées, Audrey Dufeu, 44 ans, ne réfléchit pas longtemps : elle veut se présenter. Cette ancienne députée de la 8 e circonscription de Saint-Nazaire, en Loire-Atlantique, avait été battue en 2022 par un candidat LFI-Nupes après un mandat d'élue dans la majorité présidentielle entre 2017 et 2022. Elle décide d'être à nouveau candidate, pour "faire barrage aux extrêmes" en appelant au rassemblement "de la gauche, du centre et de la droite locale" derrière elle.
Mais impossible de faire campagne sans argent. "La fois dernière, je ne devais pas dépenser plus de 36 000 euros sur un temps long. Là, sur un temps court, j'estime autour de 15 000 euros de dépenses pour ma campagne. Je n'ai pas les fonds nécessaires, personnellement, pour engager une telle somme." Pas le temps de faire un prêt, alors "on se serre les coudes". Audrey Dufeu est alors soutenue par ses proches qui lui font des dons : "C'est vraiment une campagne familiale : c'est ma famille, c'est mon conjoint, c'est un oncle, une cousine…"
Grâce à ses deux campagnes précédentes, l'ancienne députée a les codes et connaît les démarches administratives à réaliser. Et elle a de grandes chances de dépasser les 5% de voix et que tous les frais engagés soient remboursés. Mais elle pense quand même aux autres candidats, non-sortants ou moins expérimentés : "Je trouve que c'est injuste de ne pas permettre à tout le monde de financer sa campagne, sans un niveau de vie à côté qui permet d'avancer les frais et de prendre le risque de perdre cet argent. C'est assez limitant."
"On n'a pas le temps de former des trésoriers dans chaque endroit."
Nour Durand-Raucher, co-trésorier des Écologistes-EELVà franceinfo
La dissolution a aussi plongé les partis politiques dans "l'urgence totale", à l'image des Écologistes-EELV, raconte Nour Durand-Raucher, le co-trésorier du parti : "Trois semaines pour faire campagne, c'est un énorme travail". Une situation qu'il a "heureusement" anticipée dès 2022, lorsque le président n'a pas remporté la majorité absolue : "Nous avons pris des mesures pour épargner et nous permettre de faire face à une dissolution éventuelle." Pour gagner du temps dans les trois semaines avant les législatives anticipées, "des modèles types" de formulaires et autres charges administratives sont distribués. "Les candidats n'ont qu'à adapter, parce qu'on n'a pas le temps de former des trésoriers dans chaque endroit", justifie l'élu parisien.
Juste après les européennes
Qui dit campagne éclair dit moins de frais engagés. De quoi soulager Nour Durand-Raucher : "Nous n'irons pas jusqu'au plafond de dépenses puisque nous n'aurons pas du tout le temps de faire un grand meeting dans chaque circonscription." Cependant, les prochaines semaines s'annoncent intenses : "O n se retrouve à devoir boucler les européennes, repartir sur une campagne tout de suite, donc avec un travail considérable et d'une intensité qui ne va pas cesser tout du long."
Concrètement, une campagne législative coûte, "en moyenne, environ 30 000 euros par candidat" chez les Verts. La centaine de candidats investis pour ces législatives anticipées pourrait donc coûter près d'un million d'euros aux Écologistes, sachant que ce sont les fédérations régionales qui distribuent l'argent aux candidats. Il faut alors faire preuve de stratégie : pour les circonscriptions charnières, gagnables et donc remboursables, il n'y a aucun risque alors il faut "tout donner", mais pour les "candidatures de témoignage" dans des circonscriptions difficiles, pas question de dépenser beaucoup, autour de "5 000 euros", car les 5% ne sont pas assurés.
D'autres, à l'image du Parti animaliste, ont rendu les armes dès l'annonce de la dissolution, faisant l'impasse sur ces législatives anticipées "au regard des conditions matérielles" de leur organisation, selon un communiqué publié sur X. Le parti perd donc son financement public à partir de l'année prochaine, celui-ci étant déterminé par les résultats des élections législatives. Le Parti animaliste en appelle aux dons des militants pour survivre financièrement.
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