Mélenchon, Bello ou Faure : dans les coulisses des négociations du Nouveau Front populaire pour trouver un candidat pour Matignon
Que se passe-t-il à gauche ? Les forces du Nouveau front populaire (NFP) devaient annoncer cette semaine le nom d'un Premier ministre pour contraindre Emmanuel Macron à la cohabitation. Mais après cinq jours de tractations, les socialistes et les Insoumis continuent de ferrailler. Les noms d'Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS, et de Jean-Luc Mélenchon, le leader insoumis, ont fait l'objet d'âpres discussions. Un troisième nom s'est invité dans la course, vendredi 12 juillet, pour sortir de l'impasse : celui de Huguette Bello, présidente du conseil régional de La Réunion et proche à la fois des Insoumis et des communistes. Franceinfo fait le point sur les discussions au sein du NFP.
Le bras de fer entre Insoumis et socialistes
Le NFP a beau être arrivé en tête en nombre de sièges, les forces de gauche s'enferment à huis clos depuis cinq jours pour mener des négociations qui durent des heures, du soir jusqu'au petit matin. Alors que les discussions s'enlisent, un communiste évoque vendredi un délai jusqu'à la semaine prochaine. "Ça va prendre plus de temps que prévu", confie-t-il. Car en coulisses, le bras de fer s'intensifie entre les socialistes et les Insoumis, surtout depuis le petit coup de force du PS en début de semaine, qui présente son chef Olivier Faure comme premier ministrable. Depuis, les Insoumis bloquent. "Plus la candidature d'Olivier Faure prend du crédit, plus ils se raidissent pour préserver Mélenchon en vue de 2027", juge l'un des négociateurs socialistes.
Le nom du leader des Insoumis revient d'ailleurs dans les discussions, alors qu'il en était hors de question jusqu'ici. "LFI bloque tout, ce sont des irresponsables qui ne sont pas à la hauteur des attentes. Ils nous ressortent Mélenchon, c'est insupportable", s'agace un socialiste. Un proche du leader insoumis tempère : "On a présenté quatre noms. On a même dit en les présentant qu'on les donnait par ordre alphabétique et pas autrement. Le reste, c'est de l'intox".
Outre Jean-Luc Mélenchon, Manuel Bompard, Clémence Guetté et Mathilde Panot ont également été avancés par LFI pour Matignon. Cette guerre de leadership se déroule après les derniers bons scores du PS aux européennes et aux législatives, qui rééquilibrent le rapport de force avec LFI. Mais qui risquent de faire échouer les négociations.
La présidentielle de 2027 en toile de fond
Des participants aux négociations s'agacent par ailleurs que "les écologistes ne prennent pas parti". "Les Verts vont devoir sortir de leur langage d'animation de colonie et assumer de prendre position", dit sans fard l'un des négociateurs.
Les socialistes estiment, de leurs côtés, que la perspective de la présidentielle de 2027 s'invite dans ces négociations. "LFI se fiche de ce qui se joue cette semaine", croit savoir un proche d'Olivier Faure. Selon lui, les Insoumis cherchent à pousser le PS et les écologistes à aller, sans eux, dans les bras des macronistes. Une stratégie qui permettre de leur coller l'étiquette de traîtres et de se présenter comme la seule vraie gauche en vue de la présidentielle. "Ce sera eux ou nous", martèle Jean-Luc Mélenchon : soit l'extrême droite, soit LFI. L'un de ses proches l'avoue d'ailleurs à franceinfo : "La dissolution n'a fait que repousser l'affrontement final".
Huguette Bello, un "trait d'union" qui ne fait pas consensus
Face à cette situation de blocage, le secrétaire général du Parti communiste, Fabien Roussel, propose vendredi le nom de Huguette Bello. La présidente du conseil régional de La Réunion, peu connue du grand public, est à la fois proche des Insoumis et des communistes. Cette fidèle de Jean-Luc Mélenchon a en effet été députée communiste et candidate sur la liste insoumise de Manon Aubry aux élections européennes, en position non éligible. "C'est un bon trait d'union", défendent les communistes, qui espèrent ainsi sortir de l'impasse. Sa candidature intéresse aussi les écologistes : selon les informations de franceinfo, Marine Tondelier, la patronne des Verts, l'a contactée cette semaine. Fabien Roussel défend une femme "qui connaît le Parlement, qui a la capacité à construire une majorité" et qui a l'habitude d'échanger avec Emmanuel Macron.
Mais cette proposition ne convient, pour le moment, pas du tout au Parti socialiste, qui refuse de balayer la candidature d'Olivier Faure. "C'est le cirque Medrano. [Huguette Bello] est communiste, elle est LFI... Moi, j'ai du mal avec les gens qui n'ont pas de colonne vertébrale, tacle auprès de franceinfo un parlementaire de poids. C'est une bonne présidente de région mais elle n'a pas les compétences pour Matignon." D'autres y voient même un accord secret, les communistes soufflant son nom pour sauver leur groupe à l'Assemblée avec l'inscription de députés ultramarins, réunionnais notamment.
Des voix s'élèvent également pour rappeler qu'elle n'avait pas voté la loi sur le mariage pour tous à l'époque. Autre argument repoussoir pour l'électorat de gauche : la condamnation du conseil régional de La Réunion par le tribunal administratif en mars 2024. La collectivité, présidée par Huguette Bello, a été condamnée à indemniser 18 agents "dont le CDD n'avait pas été reconduit" pour embaucher à leur place des proches de la majorité, selon un article du Monde.
Le Parti socialiste se retrouve samedi en conseil national pour trancher la question du nom à proposer à Emmanuel Macron pour succéder à Gabriel Attal au poste de Premier ministre, a appris vendredi franceinfo.
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