Reportage Européennes 2024 : à Puteaux, les militants Renaissance face à des électeurs qui "hésitent" à redonner leur voix au camp présidentiel

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Des militants Renaissance s'apprêtent à faire du porte-à-porte pour les élections européennes, le 29 mai 2024, à Puteaux (Hauts-de-Seine). (MARGAUX DUGUET / FRANCEINFO)
A quelques jours du scrutin, les soutiens d'Emmanuel Macron se mobilisent sur le terrain pour tenter de réduire l'écart face au Rassemblement national, donné largement en tête dans les sondages. Mais ils font face à un électorat macroniste plus qu'indécis.

La pluie ruisselle sur les visages des militants Renaissance réunis devant l'imposante résidence Bellerive, au cœur de Puteaux (Hauts-de-Seine). Plus d'un millier de logements et neuf copropriétés : voici le terrain de jeu de leur porte-à-porte du jour. "Une population qui nous est plutôt favorable, mais on peut avoir des personnes hésitantes", explique Pierre Collardey, coordinateur du comité local du parti présidentiel. Il tablait sur une grosse dizaine de militants, et surtout sur la présence de Prisca Thevenot, la porte-parole du gouvernement, élue du département. Ils seront finalement sept tout au plus, ce mercredi 29 mai, sans la ministre, retenue ailleurs.

Pas de quoi décourager Romain Atlante, en 58e position sur la liste de Valérie Hayer pour les élections européennes. "On est sur le terrain tous les jours. Depuis qu'on a le programme, on a un très bon accueil", assure ce directeur juridique dans l'immobilier, qui ne croit pas aux mauvais sondages. "Pour la présidentielle, personne n'a fait le score annoncé par les sondages", balaye-t-il, alors que les intentions de vote pour la tête de liste du RN, Jordan Bardella, culminent à plus de 30% quand Valérie Hayer stagne autour de 15%.

La ville de Puteaux, dirigée depuis vingt ans par la maire LR Joëlle Ceccaldi-Raynaud, a voté a plus de 37% pour Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle de 2022. Lors des européennes de 2019, le camp présidentiel avait ici surclassé ses concurrents en faisant plus de 30%. Mais après sept ans au pouvoir, l'usure se fait sentir. "La mobilisation du socle macroniste est faible, relevait il y a quelques semaines Mathieu Gallard, directeur d'études pour l'institut Ipsos. Les électeurs d'Emmanuel Macron du premier tour de la présidentielle 2022 sont parmi ceux qui ont le moins l'intention de se déplacer." 

"Je ne vois pas bien les enjeux"

Alors, à une dizaine de jours du scrutin, les militants Renaissance savent qu'il leur faut réveiller leur électorat pour espérer un sursaut dans les urnes le 9 juin. Armé de son caddie rouge bourré de tracts et de programmes de Valérie Hayer, Pierre Collardey ouvre avec son pass l'entrée de la résidence. Des binômes se forment et chacun part à l'assaut d'une tour. Il est 18h30. Pour Pierre et Romain, ce sera "la 10 bis", avec pas moins de seize étages composés de six logements. Les militants attaquent par le haut. Mauvaise pioche. "Le démarchage est interdit, je vous demande de quitter l'immeuble", tonne un homme âgé qui menace de prévenir le gardien d'immeuble. Entre les multiples portes qui ne s'ouvrent pas, les "je ne suis pas intéressé" et les résidents qui n'ont pas le droit de vote, les militants du parti présidentiel font grise mine.

Romain Atlante (à droite) et Pierre Collardey (à gauche) en porte-à-porte dans la résidence Bellerive à Puteaux (Hauts-de-Seine), le 29 mai 2024. (MARGAUX DUGUET / FRANCEINFO)

La chance leur sourit à peine davantage un étage plus bas. Alia entrebâille sa porte et glisse qu'elle est en télétravail. Romain tend son tract, vante le "bon bilan" des macronistes au Parlement européen et répète le slogan de la majorité : "Un seul tour, un seul vote". Les yeux rivés sur le portrait de Valérie Hayer, Alia, qui travaille dans l'informatique, glisse : "Je pourrais voter pour elle, mais il faut que je regarde le truc". Son entourage est partagé "entre le chef de l'Etat et Marine Le Pen", mais "moi, c'est plutôt Macron. C'est pas mal ce qu'il fait, j'aime bien aussi les écologistes". Romain saisit l'occasion pour vanter "la planification écologique de Béchu." "Christophe Béchu, le ministre de l'Ecologie", précise Pierre, face au regard dubitatif d'Alia. "On a fait voter le pacte vert au Parlement européen aussi. Il faut voter Hayer pour l'écologie, tout ce que je vous dis est sourcé sur internet", enchaîne Romain. La porte se referme. 

Frédéric, autre militant à Puteaux, arrive pour prêter main forte au duo. Au 11e étage, Alexandra et Vincent, parents d'une petite Diane âgée de 20 mois, sont partants pour discuter. Electeurs d'Emmanuel Macron, eux aussi sont un peu déboussolés. "J'ai regardé les panneaux, mais très honnêtement, les européennes, c'est moins concernant, je ne vois pas bien les enjeux", livre Vincent. "Toutes les questions que l'on se pose ont une réponse au niveau européen, on l'a encore vu pendant la crise sanitaire", argumente Romain. Vincent, personnel naviguant dans l'aéronautique, n'est pas convaincu par le camp présidentiel. 

"J'hésite par rapport aux résultats de Macron, à son bilan. Je suis mitigé sur sa façon de faire. C'est important de voter, mais pour lui, je ne sais pas encore."

Vincent, résident à Puteaux

à franceinfo

"Il y a trop d'aides et trop d'abus. Trop de social tue le social", ajoute le quadragénaire. Romain tente de battre le discours en brèche, incite à regarder les statistiques, plaide pour l'accompagnement des chômeurs, en citant son cas personnel. Si Vincent est d'accord pour "battre les extrêmes", il ajoute aussitôt que "c'est le reflet d'un certain ras-le-bol". 

"J'hésite entre Macron et Glucksmann"

C'est justement ce que craint Rosalia, un étage plus bas. "Si [Jordan] Bardella gagne, je vais devoir partir parce que je suis d'origine étrangère et je travaille dans la fonction publique", livre, inquiète, cette femme de 58 ans. Elle aussi a voté Emmanuel Macron en 2017 et 2022 et estime qu'il "a fait de bonnes choses pour le pays". Mais comme d'autres électeurs macronistes, elle hésite entre "l'équipe de M. Attal et le socialiste" Raphaël Glucksmann. En face, le discours est rodé. "Valérie Hayer, c'est la femme la plus influente du Parlement européen, Glucksmann n'a pas d'influence. Il s'associe avec la Nupes, l'extrême gauche la plus terrible de l'histoire de France", déroule Romain. "Oui, je comprends", opine Rosalia, qui demande des tracts pour ses enfants et ses collègues.

Un tract pour la liste Renaissance déposée dans la résidence Bellerive à Puteaux (Hauts-de-Seine), le 29 mai 2024. (MARGAUX DUGUET / FRANCEINFO)

Au même étage, les militants macronistes rencontrent une autre électrice partagée entre le candidat du PS et la liste de la majorité. "J'hésite entre Macron et Glusckmann, j'avais toujours voté socialiste avant Macron", confie Isabelle, dans l'entrée de son appartement. Cueillie en pyjama et sandales par les soutiens du chef de l'Etat, cette femme seule, qui travaille à l'Afnor (l'Association française de normalisation), garde la réforme des retraites en travers de la gorge. 

"Le problème, c'est que j'ai eu 59 ans et que je dois travailler un trimestre de plus à cause de la réforme des retraites. J'ai beaucoup de stress, il y a un ras-le-bol."

Isabelle, résidente à Puteaux

à franceinfo

Sans laisser le temps aux militants de répondre, Isabelle dédouane cependant Emmanuel Macron concernant l'inflation. "Bon, ça, il n'y peut rien et il a enlevé la taxe d'habitation". "Oui, je suis heureux de ne plus la payer", sourit Romain. Isabelle lui promet de voter "utile" le 9 juin.

Il est 19h40 et le porte-à-porte se termine. Dans le hall d'entrée, les militants se rassemblent et regardent la pluie qui tombe à grosses gouttes à l'extérieur du bâtiment. "Quand on parle de notre bilan et de notre programme, les gens sont plutôt d'accord", se rassure Romain, tout en reconnaissant que les propositions de la liste de Valérie Hayer sont arrivées tardivement. "La campagne est partie un peu tard, rebondit immédiatement Frédéric. Et Bardella est parti très tôt, c'est un bulldozer." Mais le militant tente aussitôt de se rassurer : "Il y en a qui sont indécis avec Glucksmann, mais au final, ils vont voter pour Hayer. lls vont se dire que notre bilan n'est pas si mal."

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