: Reportage "L'action est le meilleur remède" : des sympathisants du Nouveau Front populaire mobilisés pour une campagne de démarchage téléphonique
L'opération est lancée un 18 juin, référence à l'appel lancé par le général de Gaulle il y a 84 ans. À 12 jours du premier tour des législatives provoquées par la dissolution surprise de l'Assemblée, des militants de gauche ont décidé de lancer leur propre appel. Il s'agit d'un appel à la mobilisation via une grande action de campagne par téléphone pour les électeurs de sensibilité de gauche de se déplacer aux urnes, de voter Nouveau Front populaire, de multiplier les procurations et de faire campagne dans leur entourage proche : famille, amis, voisins. L'objectif affiché est de faire barrage au Rassemblement National en tête dans les sondages.
Trois plateformes de "phoning" se sont ainsi mises en action de 9h à 21h à Marseille, à Lyon et à Saint-Denis. "Bonjour Fabrice, je m'appelle Lisa. Je suis bénévole pour faire gagner le Front populaire aux législatives le 30 juin. Est-ce que je vous dérange ?", se lance Lisa. Elle a 27 ans. Elle fait partie d'une équipe d'une cinquantaine de sympathisants mobilisés à Saint-Denis. La plupart des opérateurs d'un jour à l'action dans ce grand local associatif ne sont encartés dans aucun des partis signataires du Nouveau Front populaire et ont entre 25 et 30 ans. Assis à leurs bureaux, concentrés devant leurs ordinateurs portables, casques sur les oreilles, ils multiplient les appels qui durent de deux à sept minutes en moyenne. "On a un site qui permet de mettre en relation les gens qui sont dans le même bureau de vote. Est-ce que vous seriez d'accord pour prendre la procuration de quelqu'un qui n'est pas présent ?", continue Lisa.
"C'est un peu vertigineux"
Les numéros que composent la jeune femme et ses camarades autour proviennent du listing de ceux qui, il y a deux ans, ont organisé la primaire populaire et citoyenne pour une gauche unie. L'objectif est ici pour tout le monde de se concentrer sur les circonscriptions partout en France où le résultat s'annonce serré, àù cela peut se jouer à quelques voix seulement. Avant de se lancer dans le marathon, les bénévoles sont formés, quelques minutes, par Clément.
En 2020, ce jeune homme a participé aux États-Unis aux opérations de phoning de la campagne de Bernie Sanders, modèle en la matière : "On forme les gens à la bonne posture dans l'appel, au script et à l'outil technique, le logiciel CallHub. J'explique par exemple que pour commencer, il faut sourire. Cela s'entend à l'appareil, c'est tout de suite plus chaleureux. Cette méthode-là de démarchage a fait ses preuves dans plusieurs pays à l'occasion de divers scrutins, notamment en Pologne dernièrement. Elle a le mérite de galvaniser les militants. C'est un peu vertigineux. Nous-mêmes, cette nuit quand on paramétrait tout ça, on ne faisait pas les malins."
"On n'était pas certains que les gens soient au rendez-vous. Ça fait très très plaisir."
Clémentà franceinfo
"2 076 appels dans la matinée, c'est super on continue", lance à voix haute Clément dans l'openspace. "C'est l'appel du 18 juin mais ça va continuer les jours suivants au moins jusqu'au 30 juillet", commente-t-il, "Charles de Gaulle ne s'est pas arrêté au 18 juin, il a poursuivi l'effort un moment. C'est une dynamique", assure-t-il.
Dans cette grande pièce, se trouve un coin repos et un coin café-restauration pour que chacun puisse reprendre des forces quand la fatigue se fait sentir. Sur les murs, des messages de mobilisation sont accrochés convoquant entre autres modèles de ténacité l'abbé Pierre, avec photo et citations de l'abbé.
Élodie, 40 ans, a posé une RTT pour être là : "J'ai eu cette dernière demi-heure deux personnes qui étaient prêtes à faire des procurations et une personne qui était prête à faire une campagne de phoning ce soir même. Ça remonte le moral. Je pense qu'on est tous angoissés de ce qui pourrait arriver le 7 juillet. Le risque n'a jamais été aussi grand. Alors dans ce contexte, l'action est le meilleur des remèdes." Floraine, juste à côté, motive les troupes : "Notre idée, c'est de tisser comme une grande toile d'araignée, la plus grande possible et imaginable. On sait très bien que si une personne va chercher trois personnes autour d'elle, ça peut créer un mouvement exponentiel et complètement faire la différence à la fin."
La comédienne Anna Mouglalis en renfort
Derrière elle, Nicolas, pilote de ligne de 30 ans, Parisien, a fait le déplacement jusqu'à Saint-Denis sur un jour de repos. Lundi soir, il était au rassemblement de Montreuil, tractera demain à la sortie du métro en bas de chez lui. Le phoning est pour lui une solution entre d'autres pour influer sur le vote des Français. "L'urgence de la situation a fait que j'ai décidé de donner beaucoup de moi", explique-t-il.
"Je ne milite dans aucun parti. Je suis de gauche, c'est tout. Et je ne peux pas tolérer que mon pays bascule à l'extrême droite."
Nicolasà franceinfo
"Parfois au bout du fil, des personnes me disent qu'elles ont des membres de leur famille qui votent RN, séduits par le programme qu'elle qualifie de 'social' du Rassemblement national. Alors dans ces cas-là, je leur souffle des arguments à leur retorquer pour les aider. Je leur dis qu'il n'y a qu'à regarder comment en quelques jours ils ont déjà remisé certaines de leurs promesses sur la baisse de TVA ou les retraites", confie le jeune homme.
Certains des sympathisants de gauche joints par les bénévoles se disent quelquefois frileux à voter pour une union qui inclut La France insoumise, pointant du doigt des "excès", dénonçant des "propos équivoques" de certains de ses leaders. Juliette, la vingtaine par exemple vient de raccrocher de son dixième appel et raconte : "Je viens d'avoir une conversation assez intéressante avec quelqu'un qui disait qu'il avait quand même besoin d'être rassuré au sujet des positions contre l'antisémitisme qu'aura le Front populaire. La discussion était assez constructive et il a compris que oui, il y a des choses que Jean-Luc Mélenchon dit qui ne sont pas du tout les propos des autres membres du Front populaire."
"Je l'ai rassuré en lui rappelant que Jean-Luc Mélenchon ne se présentait pas, qu'il n'irait pas à Matignon et qu'il n'aurait pas le pouvoir que nos détracteurs lui prêtent."
Julietteà franceinfo
Ce soir, une bénévole de choix venait en renfort passer quelques coups de fil sur la plateforme citoyenne de Saint-Denis pour tenter, elle aussi, de mobiliser : la comédienne Anna Mouglalis, depuis toujours engagée à gauche et figure de la série de fiction politique Baron noir.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.