Viols de Mazan : six questions sur le procès en appel prévu fin 2025 devant la cour d'assises du Gard
Désormais, évoquer le procès des viols de Mazan imposera une précision : "lequel ?" Depuis lundi 30 décembre, le nom de cette affaire historique ne se réfère plus seulement aux trois mois et demi d'audience étouffante devant la cour criminelle de Vaucluse : il désigne aussi le second acte judiciaire, après que 17 coaccusés de Dominique Pelicot ont fait appel de leurs condamnations.
Cette annonce ouvre la voie à un procès en deuxième instance, qui aura lieu à la fin de l'année 2025 devant la cour d'assises du Gard, selon le communiqué du parquet de Nîmes. Franceinfo fait le point sur ce second volet judiciaire en six questions.
1 Qui sont les accusés qui ont fait appel ?
Sur les 51 accusés condamnés, 17 ont décidé de frapper d'appel le verdict rendu par la cour criminelle du Vaucluse le 19 décembre, à l'issue du délai légal de dix jours pour prendre leurs décisions. Ils peuvent toutefois encore choisir de se désister de leur appel, selon l'article 380-11 du code pénal. Dominique Pelicot, qui a écopé de vingt ans de réclusion criminelle pour avoir drogué son ex-femme, Gisèle, afin de la violer et la livrer à des dizaines d'inconnus à Mazan (Vaucluse), ne figure pas dans la liste des hommes qui ont contesté le verdict.
Ce n'est pas le cas de Charly Arbo, condamné à treize ans de prison en première instance, ni de Joan Kawai et Karim Sebaoui, tous deux condamnés à la peine de dix ans de prison. Simone Mekenese, Cyril Beaubis et Husamettin Dogan, condamnés à neuf ans de réclusion criminelle par la cour criminelle du Vaucluse, comparaîtront tous les trois également à Nîmes en tant qu'accusés. Même chose pour Redouan El Farihi, Mahdi Daoudi, Boris Moulin, Jean Tirano, Omar Douiri, Lionel Rodriguez, Cyrille Delville, Nicolas François et Ahmed Tbarik, qui avaient initialement écopé de huit ans de prison. Enfin, Cyprien Culieras et Jean-Marc Leloup, condamnés à six ans de prison en première instance, ont, eux aussi, décidé de faire appel de leur condamnation. Parmi ces 17 accusés, certains, à l'instar de Cyrille Delville, employé dans le BTP, contestent leur peine, mais pas le verdict de culpabilité, a annoncé à l'AFP l'avocat de ce dernier, Paul-Roger Gontard.
2 Pourquoi Dominique Pelicot n'a-t-il pas fait appel ?
L'avocate de Dominique Pelicot, Béatrice Zavarro, a expliqué au micro de franceinfo que son client ne souhaitait pas "infliger une nouvelle épreuve et de nouveaux affrontements" à son ex-épouse, Gisèle Pelicot, qui "n'est pas et n'a jamais été son adversaire". Elle a aussi estimé "préférable de jouer sur l'exécution de la peine et de se préoccuper de Dominique Pelicot, de son état de santé, de son âge" et "d'essayer d'obtenir de la justice un aménagement" de la sentence, plutôt que de "courir le risque" de faire appel, les faits pouvant être requalifiés et lui faire encourir une sanction plus lourde. Dominique Pelicot accepte donc la peine de vingt ans de réclusion (le maximum prévu par la loi) assortie d'une mesure de sûreté des deux tiers (soit environ quatorze ans) qui lui a été infligée.
Contactée par franceinfo mardi, l'avocate souligne aussi que sur les "35 accusés qui ont plaidé l'acquittement, seulement 17 interjettent appel". Ce qui montre, selon elle, un manque de cohérence pour les 18 d'entre eux qui ont accepté leurs peines, alors qu'ils contestaient leur responsabilité durant le procès. "Les uns et les autres apprécieront", ajoute Béatrice Zavarro.
3 Comment a réagi Gisèle Pelicot à cette annonce ?
Devenue une icône féministe pour avoir refusé que ce procèsse tienne à huis clos, afin que la "honte change de camp" et ne pèse plus sur les épaules des victimes de viols, Gisèle Pelicot s'est exprimée par la voix de son avocat, Stéphane Babonneau. Sa cliente, "n'a pas peur de ce second procès" et "prévoit d'ores et déjà de s'y présenter et de demander, comme la première fois, que ce procès soit public", a-t-il affirmé sur franceinfo, lundi. Antoine Camus, un autre de ses conseils, est allé dans le même sens auprès de l'AFP. "Elle entend en être et se prépare à affronter ce nouveau procès avec la même détermination et le même courage", a-t-il assuré.
"On peut considérer que le fait qu'il n'y ait que 17 accusés qui aient fait appel signifie que les deux tiers ont accepté la décision", a ensuite commenté Stéphane Babonneau, considérant que "c'est quelque chose de plutôt positif". Gisèle Pelicot, 71 ans, "ne va certainement pas arrêter de vivre dans l'attente de ce deuxième procès", a insisté l'avocat. Il a toutefois précisé "qu'elle aurait préféré qu'il n'y ait pas de second procès pour pouvoir se projeter définitivement dans le futur" mais qu'elle n'est pas "surprise". Enfin, son avocat a aussi assuré ne voir "aucune raison" à ce "que les décisions soient différentes en appel".
4 Pourquoi le procès se tiendra-t-il cette fois devant des jurés populaires ?
Si Stéphane Babonneau n'était pas en mesure d'apporter certaines précisions au sujet du procès en appel (parmi lesquelles sa durée et l'éventualité que les vidéos soient projetées), il a reconnu que ce second procès "sera très certainement très différent dans son déroulement du premier". Le changement majeur, au-delà du nombre d'accusés, tient à la composition de la cour : cette fois, le procès aura lieu devant une cour d'assises, composé d'un jury populaire, et non devant une cour criminelle départementale (CCD), composée de cinq magistrats professionnels, comme en première instance. Cela signifie que les 17 accusés qui ont fait appel seront jugés par trois magistrats professionnels et neuf jurés populaires, tirés au sort.
Cette situation s'explique par la généralisation des cours criminelles en janvier 2023. Depuis cette réforme, les CCD sont compétentes pour juger les crimes passibles de quinze à vingt ans de réclusion (principalement les viols, mais aussi les coups mortels, les violences à main armée ou encore les actes de torture et de barbarie). Les cours d'assises, elles, sont consacrées aux procès en appel et aux crimes punis de plus de vingt ans d'emprisonnement, comme les meurtres et les assassinats.
5 Quelles sont les conséquences de l'appel incident du parquet ?
Après l'annonce de l'appel des 17 accusés lundi, le parquet disposait de cinq jours pour interjeter appel incident (au cas par cas), ce qui est très généralement le cas. Il n'a d'ailleurs pas fallu attendre un tel délai pour qu'il fasse part de sa décision : le soir-même, le procureur général de la cour d'appel de Nîmes déclarait dans un communiqué avoir interjeté appel. Cela signifie que la peine des accusés pourra être aggravée. Sans cet appel du parquet, leur peine n'aurait pu être que minorée, confirmée ou annulée. L'objectif est que la cour d'assises d'appel rejuge à la fois la culpabilité et la peine.
En première instance, les 51 accusés ont été condamnés à des peines allant de trois ans d'emprisonnement (dont deux avec sursis) à vingt ans de réclusion criminelle. Les peines prononcées étaient toutes largement en dessous des réquisitions du ministère public, parfois même de moitié. Pour autant, le parquet a décidé de ne pas interjeter d'appel général (pour tous les accusés) : les condamnations de Dominique Pelicot et des 33 coaccusés qui n'ont pas décidé de faire appel sont désormais définitives.
6 Dominique Pelicot sera-t-il présent lors des débats ?
Celui qui a orchestré une décennie de viols sur sa désormais ex-épouse Gisèle ne sera donc pas dans le box des accusés pour ce second procès. Toutefois, sa présence n'est pas exclue : il pourra être cité à comparaître en tant que témoin. Le parquet général étant en charge de la gestion de l'audience d'appel, c'est lui qui prendra la décision.
En renonçant à faire appel, Dominique Pelicot a décidé qu'"il est temps d'en finir judiciairement" avec cette affaire, selon son avocate, Béatrice Zavarro. Pour autant, la possibilité de le voir revenir dans une salle de cour d'assises dans le futur, et pas seulement en tant que témoin, est aussi possible. Mis en examen par le pôle "cold cases", il pourrait devoir répondre prochainement à deux autres accusations : une tentative de viol en 1999 en Seine-et-Marne, et un viol suivi de meurtre en 1991 à Paris, celui d'une jeune agente immobilière de 23 ans.
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