Chantage à la vidéo intime à Saint-Etienne : le maire Gaël Perdriau est mis en examen, on vous résume l'affaire dans laquelle l'élu est impliqué
L'affaire secoue la ville de Saint-Etienne (Loire) depuis septembre 2022. Le maire, Gaël Perdriau, a été mis en examen, jeudi 6 avril, a annoncé son avocat. L'élu avait de nouveau été placé en garde à vue, mardi, dans le cadre de ce dossier du chantage à la vidéo intime, dont l'accuse son ancien premier adjoint, le centriste Gilles Artigues.
L'ancien directeur de cabinet de Gaël Perdriau, Pierre Gauttieri, l'ex-adjoint Samy Kéfi-Jérôme et l'ancien compagnon de ce dernier, Gilles Rossary-Lenglet ont également été mis en examen. Gaël Perdriau, exclu des Républicains à cause de cette affaire, a toujours clamé son innocence et répété plusieurs fois qu'il ne démissionnerait pas, même en cas de mise en examen. Il a été placé sous contrôle judiciaire et peut continuer à exercer son mandat de maire, a précisé son avocat.
Franceinfo vous résume ce scandale politique sur fond de rivalités locales, et sur lequel la police judiciaire enquête depuis sept mois.
Mediapart révèle que le premier adjoint a été victime d'un chantage politique
Mediapart révèle le 26 août 2022 que le premier adjoint au maire de Saint-Etienne entre 2014 et 2022, le centriste Gilles Artigues, a été victime d'un chantage politique pendant huit ans. Selon le média d'investigation, l'affaire remonte à l'hiver 2014 et implique deux protagonistes principaux : Samy Kéfi-Jérôme, à l'époque élu au conseil municipal de Saint-Etienne, et son ex-compagnon Gilles Rossary-Lenglet, à l'origine des révélations.
D'après le récit de Mediapart, les deux hommes ont profité d'une réunion à Paris pour filmer, à son insu, Gilles Artigues dans une chambre d'hôtel en compagnie d'un escort-boy. Ce dernier, payé par Samy Kéfi-Jérôme, n'était pas au courant de ce piège. "Après cette soirée à l'hôtel, Samy Kéfi-Jérôme rentre à Saint-Etienne avec une vidéo brute de 30 minutes 33 secondes dans laquelle l'escort procède à un massage érotique de Gilles Artigues. L'élu y apparaît nu sur le lit, l'escort torse nu. Le film ne montre aucune relation sexuelle, mais son contenu est suffisamment compromettant pour le premier adjoint", détaille Mediapart.
Selon l'article, cet enregistrement a ensuite servi à faire chanter Gilles Artigues, "père de famille très impliqué dans la communauté catholique". L'objectif ? "Contenir l'influence de l'élu centriste" et éviter "une dissidence politique". En 2008, sa candidature au second tour des élections municipales avait divisé la droite et contribué à l'élection de Maurice Vincent (PS).
Gilles Artigues porte plainte et dénonce un chantage qui lui a "pourri la vie"
Trois jours après la publication de l'enquête de Mediapart, Gilles Artigues dépose une plainte pour "chantage aggravé, guet-apens en bande organisée, détournement de fonds publics et non-dénonciation de faits délictueux". Elle vise Gilles Rossary-Lenglet et Samy Kéfi-Jérôme, ainsi que le maire de Saint-Etienne, Gaël Perdriau. Pourquoi avoir attendu huit ans pour saisir la justice ? "Au départ, Gilles Artigues n'a pas eu conscience de ce qui s'était réellement passé dans cette chambre d'hôtel", ayant notamment le sentiment d'avoir été drogué. Puis il a cédé au chantage "par souci de préserver sa famille et ses proches", avait alors répondu à l'AFP son avocat, André Buffard.
Gilles Artigues, qui avait démissionné en mai 2022 de ses fonctions de premier adjoint, prend la parole le même jour sur son compte Facebook, affirmant que ce chantage lui a "pourri la vie". "Je tiens à vous remercier pour les centaines de messages de soutien que vous m'avez adressés depuis la révélation par Mediapart de la machination dont j'ai été victime. Cette vie qui est si belle et que j'ai plusieurs fois songé à quitter, tant j'étais désespéré", dit celui qui avait brusquement interrompu au printemps sa campagne pour les législatives en dépit de son investiture LR-UDI.
Des enregistrements compromettants pour Gaël Perdriau et son directeur de cabinet
Selon Gilles Rossary-Lenglet, le maire LR de Saint-Etienne et son directeur de cabinet, Pierre Gauttieri, sont à la manœuvre dans cette affaire de chantage. Il assure avoir touché avec Samy Kéfi-Jérôme "50 000 euros" de la part de la municipalité pour avoir piégé Gilles Artigues, via des subventions à des associations stéphanoises qui l'auraient ensuite rémunéré.
Gaël Perdriau et Pierre Gauttieri contestent tous les deux avoir été informés de cette opération. Le premier porte même plainte pour dénonciation calomnieuse. Mais des extraits de conversations sous forme d'enregistrements sonores remontant au printemps 2022, publiés par Mediapart le 6 septembre, mettent à mal la défense de l'édile. On y entend Gaël Perdriau, en compagnie de Gilles Rossary-Lenglet et Pierre Gauttieri, prononcer la phrase suivante : "Il y a des choses que vous avez faites ensemble. Par exemple, le coup d'Artigues, vous étiez deux." Une évocation de l'affaire qui laisse penser que l'élu de droite était bien au courant de l'existence de cette vidéo.
Une deuxième série d'enregistrements diffusée par Mediapart le 12 septembre enfonce le clou. Gaël Perdriau y déclare à Gilles Artigues avoir connaissance de l'existence de cette vidéo, qui lui serait parvenue par une "clé USB". Le maire menace d'en révéler le contenu par "petits cercles" et "avec parcimonie". Dans une autre conversation enregistrée, c'est au tour du directeur de cabinet, Pierre Gauttieri, de menacer de propager la vidéo, lors d'un échange en présence du maire. "J'ai une vidéo de vous le cul à l'air avec un mec. Le très catholique député Gilles Artigues, très bon père de famille, dans un truc comme ça ? Allez-y, allez vous expliquer aux électeurs", menace Pierre Gauttieri.
Poussé vers la sortie, le maire de Saint-Etienne est exclu des Républicains
Le 13 septembre, Gaël Perdriau, son directeur de cabinet, la directrice de cabinet adjointe Claire Vocanson, ainsi que Gilles Rossary-Lenglet et Samy Kéfi-Jérôme sont placés en garde à vue, dans le cadre de l'information judiciaire ouverte par le parquet. L'ensemble des gardes à vue sont levées en fin de journée, sans poursuites à ce moment-là.
Le même jour, Aurélien Pradié, alors secrétaire général des Républicains, annonce une procédure d'exclusion à l'encontre de Gaël Perdriau. "Les Républicains ne peuvent que condamner les méthodes ignobles utilisées par le maire de Saint-Etienne à l'encontre d'un rival politique", explique le parti dans un communiqué. Son exclusion définitive est effective mi-octobre. "Je suis profondément meurtri", réagit l'intéressé. Egalement confronté aux pressions des élus locaux, Gaël Perdriau finit par mettre un terme aux fonctions de son directeur de cabinet, puis se met en retrait de la présidence de la métropole.
Un bras de fer judiciaire oppose Mediapart à Gaël Perdriau
Au cours de son enquête sur cette affaire, Mediapart découvre "des faits inédits qui, de nouveau, mettent en cause les pratiques du maire de Saint-Etienne, notamment dans le recours à la rumeur comme instrument politique", selon le directeur de la publication du site, Edwy Plenel. Cette fois, la "victime" est le président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez. Mais Gaël Perdriau obtient de la justice, in extremis, une interdiction de publication, dénonçant une "atteinte à sa vie privée". Après plusieurs recours et une vaste polémique, Mediapart, qui dénonce une "censure préalable", est autorisé à publier son article fin novembre.
Celui-ci révèle un nouvel enregistrement, réalisé par Gilles Artigues dans le bureau du maire en novembre 2017. On y entend Gaël Perdriau accuser Laurent Wauquiez d'être un "pédocriminel". Avant même la publication de l'article, le maire de Saint-Etienne avait reconnu lors d'une conférence de presse avoir "tenu des propos grossiers, sans fondement aucun".
Malgré tout, Gaël Perdriau a jusqu'à présent tenu tête à ses adversaires politiques locaux en refusant de démissionner de ses mandats électifs, invoquant la "présomption d'innocence".
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