Au procès de l'assassinat de Samuel Paty, les avocats du prédicateur Abdelhakim Sefrioui plaident l'acquittement, pour une "décision historique"
"Je vous demande d'acquitter en vertu du droit." Ouadie Elhamamouchi, l'un des avocats du prédicateur musulman Abdelhakim Sefrioui, a lancé un appel à la cour d'assises spéciale de Paris, mercredi 18 décembre, afin qu'elle rende une "décision historique". Un message clair, que ses trois avocats soulignent, lorsqu'ils plaident, successivement, l'acquittement de cet homme de 65 ans, renvoyé pour "association de malfaiteurs terroriste". Il est accusé, entre autres, d'avoir suscité, avec Brahim Chnina, le père de la collégienne à l'origine de la rumeur sur Samuel Paty, "un sentiment de haine" à l'égard du professeur, assassiné le 16 octobre 2020 par un jeune islamiste radical tchétchène, Abdoullakh Anzorov.
Aux yeux d'Ouadie Elhamamouchi, "il n'y a eu aucune influence" d'Abdelhakim Sefrioui sur Brahim Chnina. "Il n'y a pas d'association, pas d'entente entre ces deux-là", estime l'avocat, à l'inverse du Parquet national antiterroriste, qui a mis en évidence, dans son réquisitoire, lundi, une "campagne numérique" menée "de manière concertée" contre l'enseignant. Les conseils d'Abdelhakim Sefrioui soutiennent que sa vidéo, mise en ligne cinq jours avant l'attentat, "n'a pas été vue, pas visionnée par le terroriste". De fait, ni l'enquête, ni les débats n'ont permis de prouver que l'assassin l'avait regardée avant son passage à l'acte. Abdelhakim Sefrioui a d'ailleurs maintenu dans son interrogatoire, le 3 décembre, qu'il n'avait "rien à voir" avec l'attentat. "C'est le seul à n'avoir eu aucun lien direct ou indirect avec Abdoullakh Anzorov : leurs trajectoires ne se sont jamais croisées", insiste l'avocate Colomba Grossi. Son confrère Vincent Brengarth enfonce le clou : le terroriste "a tout pour passer à l'acte, et il n'y a pas monsieur Sefrioui dans l'équation."
"Votre décision ne doit pas être une réponse à l'attente de l'opinion publique"
La défense du prédicateur pointe, en outre, "une zone d'ombre qui a plané dans ce dossier : celle de Farrouk Faizimtov". Il s'agit de l'un des propagandistes de l'organisation islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS), qui a renversé le régime de Bachar al-Assad en Syrie. Or, quelques heures avant de décapiter Samuel Paty, Abdoullakh Anzorov a échangé avec lui des messages et une photo. L'information a resurgi le 9 décembre, au lendemain de l'entrée des rebelles à Damas. "Farrouk Faizimtov ne peut pas être considéré comme le commanditaire" de l'attentat, a estimé l'avocat général lundi. Deux jours plus tard, la défense d'Abdelhakim Sefrioui considère au contraire qu'il "avait un rôle d'inspirateur dans ce dossier".
"Samuel Paty est mort du terrorisme et l'acquittement d'Abdelhakim Sefrioui n'y changera rien. Votre décision ne doit pas être une réponse à l'attente de l'opinion publique, ni pour combler l'attente des parties civiles", insiste, de son côté, Vincent Brengarth. L'avocat demande à la cour de ne pas "adresser" "au monde enseignant" un "signal en forme de pansement". "Ne refaisons pas l'histoire !", appuie-t-il, en élevant la voix. Vincent Brengarth, qui s'emporte à plusieurs reprises, regrette que son client soit "toujours présenté comme le prédicateur, l'éminence grise dans le box". "Ce n'est pas parce qu'il a réponse à tout qu'on peut lui prêter un degré d'intelligence qu'il n'a pas", pointe-t-il. Avant de conclure sa plaidoirie, longue de plus de deux heures : "C'est quelqu'un debout uniquement parce qu'il est animé par le combat d'obtenir son acquittement."
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