Groupes de besoins, brevet obligatoire, évaluations des élèves... Les dossiers brûlants de la rentrée scolaire
Nicole Belloubet ne souhaite pas que "les sonneries des salles de classe se calent sur celles sur Palais-Bourbon". Lors de sa conférence de presse de rentrée, la ministre de l'Education nationale démissionnaire a tenté de démêler les nœuds d'un début d'année scolaire marqué par des nouveautés et beaucoup d'incertitudes, lundi 2 septembre.
En cause, l'attente de la nomination d'un gouvernement complet et des réformes annoncées, puis mises entre parenthèses, comme celle du brevet des collèges. D'autres, comme la création des groupes de besoins en 6e et 5e, doivent bien entrer en vigueur, mais suscitent la méfiance de la communauté éducative. Quant à la crise d'attractivité du métier d'enseignant, elle perdure, avec toujours plusieurs milliers de places non pourvues aux concours de l'enseignement. Franceinfo revient sur les dossiers sensibles de cette rentrée.
Des groupes de besoins déjà critiqués
C'est le dossier le plus délicat de cette rentrée. En 6e et 5e, les élèves de chaque classe seront répartis en trois groupes distincts en français et mathématiques. Cette mesure, issue de la réforme du "choc des savoirs", annoncée en décembre par Gabriel Attal lorsqu'il était ministre de l'Education nationale, est vivement critiquée par les syndicats d'enseignants et redoutée par une partie des parents.
Objectif affiché : rehausser le niveau de tous les élèves dans ces matières fondamentales. La majorité des syndicats et des associations de parents d'élèves dénoncent un tri des collégiens qui ne va pas dans le sens de la mixité sociale et scolaire. Ils craignent notamment que les élèves les plus en difficulté se sentent stigmatisés et ne progressent pas dans un groupe homogène, ce que confirment des études sur la question.
Cette organisation pose aussi des difficultés concrètes de mise en œuvre aux chefs d'établissements. Elle ajoute une contrainte d'emploi du temps : les cours pour les trois groupes doivent avoir lieu en même temps. Contrainte qui entraîne une question sur les moyens, pour arriver à un professeur par groupe. "Le ministère a identifié 2 300 postes supplémentaires, on pense qu'il en fallait deux à trois fois plus", évalue auprès de franceinfo Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du SNPDEN-Unsa. Le Snes-FSU, principal syndicat des enseignants du second degré, s'est montré dubitatif lors de sa conférence de presse de rentrée. "Il n'y aura certainement pas un prof de français et de maths" devant chaque groupe, a déclaré jeudi la secrétaire générale Sophie Vénétitay.
De nouvelles évaluations à l'origine d'une grève
Les évaluations nationales sont, à partir de cette rentrée, généralisées à tous les niveaux de l'école élémentaire. En plus des CP, CE1 et CM1, les élèves de CE2 et de CM2 seront donc aussi concernés par ces tests, qui ont vocation à aider "les professeurs à ajuster leurs interventions pédagogiques pour s'assurer que les élèves maîtrisent les savoirs fondamentaux", justifie le ministère de l'Education.
Trois syndicats enseignants ont appelé à la grève dans les écoles, le 10 septembre, pour dénoncer cette généralisation. FSU-SNUipp, CGT-Educ'action et SUD-Education appellent d'ailleurs les professeurs des écoles à ne pas faire passer ces évaluations qui démarrent une semaine après la rentrée, "pour faire blocage".
Pour la FSU-SNUipp, ces évaluations "ne sont pas utiles pour les enseignants". "Elles ne vont pas prédire ce qu'ils vont faire ensuite dans leur classe et, surtout, elles vont certainement avoir pour conséquence des injonctions qui vont réduire la liberté pédagogique", a dénoncé lundi la co-secrétaire générale Guislaine David. Son syndicat estime aussi que ces tests mettent l'accent sur certaines compétences, comme la vitesse de lecture, mais pas sur d'autres aptitudes jugées essentielles, comme la compréhension de texte.
Les évaluations nationales "ne sont pas utiles aux élèves et ne répondent pas aux difficultés scolaires, au contraire, elles nient l’hétérogénéité des rythmes d’apprentissage des élèves et constituent une source de stress et de mal-être pour les élèves", peut-on également lire dans un communiqué de SUD-Education.
Une réforme du brevet en suspens
Les élèves de 3e ne savent pas encore ce qui les attend en fin d'année. Alors que le gouvernement de Gabriel Attal voulait rendre obligatoire l'obtention du diplôme national du brevet (DNB) pour entrer au lycée, le décret est "gelé", a annoncé mardi Nicole Belloubet. L'incertitude plane aussi sur les modalités d'évaluation du brevet : la réforme suspendue prévoyait d'augmenter la part des épreuves terminales dans la note finale (60% au lieu de 50% actuellement) et de prendre en compte toutes les matières de 3e dans les 40% restants. Sur ce point, la ministre démissionnaire envisage un simple report. "Dès la fin de la période des affaires courantes", "nous devrions pouvoir en assurer la publication pour qu'ils puissent entrer en vigueur pour le brevet 2025", a-t-elle annoncé mardi.
D'ici là, enseignants et chefs d'établissement déplorent l'absence de consigne clair pour l'examen de fin d'année scolaire. "Pour le SE-Unsa, changer les règles du brevet en cours d’année est inacceptable et un envisageable", écrit sur X son secrétaire national, Jérôme Fournier. Dans sa substance aussi, la réforme est critiquée. Le Snes-FSU explique soutenir, depuis 2016, le mode de notation 60/40 proposé par le ministère, mais "refuse que le DNB devienne un couperet".
D'autres chantiers du gouvernement Attal sont par ailleurs tombés dans les limbes : la refonte des programmes de la petite section au CE2 et la labellisation des manuels scolaires. Leur officialisation dépend, encore une fois, des choix du futur gouvernement. Il en va de même du devenir de plusieurs expérimentations lancées cette rentrée. Les classes prépa-seconde, sorte de sas entre le collège et le lycée pour les recalés du brevet, sont testées dans une centaine d'établissements et pourraient être généralisées à la prochaine rentrée. L'interdiction des téléphones testée dans quelque 200 établissements pourrait aussi devenir la règle partout dès janvier. La réforme de la formation initiale des enseignants, censée renforcer l'attractivité du métier dès la rentrée 2025, est, elle aussi, à l'arrêt.
La crainte persistante du non-remplacement
La crise de recrutement d'enseignants perdure, avec plus de 3 000 postes non pourvus aux concours du premier et second degré, selon le ministère. Comme l'année précédente, l'enjeu de cette rentrée est d'assurer la présence d'un enseignant devant chaque classe, le premier jour de cours et sur la durée. "A la réouverture des académies, nous étions tout proches de l'atteinte de nos objectifs de 100% de couverture du besoin en enseignants", a assuré Nicole Belloubet.
"On sait aujourd'hui qu'il y a environ 1 000 annonces sur France Travail pour trouver des enseignants à la veille de la rentrée", a dénoncé Grégoire Ensel, vice-président de la FCPE, sur France Bleu Bourgogne vendredi. "Entre 2018 et 2023, à la rentrée, il a manqué de plus en plus de professeurs, et de plus en plus longtemps", a aussi relevé Sophie Vénétitay en conférence de presse. D'après les calculs du Snes-FSU, la durée moyenne de vacance d'un poste non pourvu s'établit désormais à 28 jours. En avril, l'Etat a par ailleurs été condamné pour les heures perdues par des élèves de l'académie de Versailles, faute de remplacement d'enseignants.
Pour palier ces failles, la question des moyens mis sur la table sera essentielle. Mais Nicole Belloubet l'a admis mardi : le projet budgétaire adressé par Matignon à son ministère "ne répond pas à l'ensemble [des] besoins". Et a exhorté le futur gouvernement à inverser la tendance. Il devra "y être très attentif [au budget] s'il souhaite maintenir une réelle ambition pour cette priorité nationale".
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