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Les cinq ratés de la campagne de Sarkozy

Nicolas Sarkozy n'a recueilli que 48,33% des suffrages, selon des résultats définitifs (hors Français de l'étranger). FTVi explique les principales raisons de la défaite du président candidat.

Article rédigé par Bastien Hugues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Nicolas Sarkozy participe à une émission télévisée sur France 2, le 6 mars 2012. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Nicolas Sarkozy n'a recueilli que 48,33% des suffrages, selon des résultats définitifs (hors Français de l'étranger). FTVi explique les principales raisons de la défaite du président candidat, dimanche 6 mai.

1- Une entrée en campagne tardive

Face à la crise, Nicolas Sarkozy a voulu être un président à l'œuvre "jusqu'au bout". Pour lui, il ne pouvait en être autrement : enfiler trop tôt les habits de candidat l'aurait empêché de se montrer à la tâche jusqu'à la fin de son mandat. Il n'a donc officialisé sa candidature que le 15 février. 

Problème : les socialistes, eux, battaient campagne depuis leur très médiatisée primaire. Et en dépit de quelques piques envoyées entre impétrants, les débats télévisés ont au moins permis d'entrer rapidement dans le fond de leur programme. De quoi permettre à François Hollande de prendre une longueur d'avance, de préciser son projet au fil des semaines et de publier ses 60 engagements dès le mois de janvier.

Au final, Nicolas Sarkozy a regagné bien du terrain sur son adversaire – François Hollande était donné vainqueur avec 59% à la mi-février par l'institut Ipsos –, mais à aucun moment le président sortant n'a réussi à véritablement renverser la vapeur.  

2- Un projet trop restreint et qui s'est fait attendre

Alors que Jean-François Copé, le secrétaire général de l'UMP, et ses lieutenants accusaient depuis le mois de septembre François Hollande de manquer de clarté et de fermeté, Nicolas Sarkozy a attendu le 5 avril pour publier son programme, une courte liste de 32 mesures dont bon nombre figuraient déjà dans son projet de 2007. Résultat : aucune de ses propositions n'a véritablement marqué les esprits – y compris auprès de ses partisans, comme le montre ce reportage vidéo de StreetPress.com

Une situation inverse à celle de la campagne de 2007, au cours de laquelle il était parvenu à traduire son fameux "travailler plus pour gagner plus" par un ensemble cohérent de dispositions sur le thème du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (heures supplémentaires exonérées de charges, allègement des droits de succession, bouclier fiscal, RSA...).

Depuis, la crise a plombé le pouvoir d'achat, et le taux de chômage, descendu à 7,5% début 2008, est remonté à 10%. Un bilan dont Nicolas Sarkozy n'aura pas réussi à se dépêtrer au cours de la campagne.

3- Une droitisation inefficace

En 2007, Nicolas Sarkozy avait réussi à siphonner les voix du Front national en opposant sa fermeté au laxisme supposé de la gauche. Immigration "choisie", lutte accrue contre la délinquance... Nombre d'électeurs tentés de voter Le Pen avaient cru en lui. Mais, cinq ans plus tard, ceux-là ont constaté que l'immigration légale n'avait pas diminué, tout comme leur sentiment d'insécurité.

Des affiches électorales de Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy, le 8 avril 2012. (PATRICK KOVARIK / AFP)

Lorsqu'ils ont entendu cette année le président sortant réitérer ses promesses de fermeté sur les questions d'immigration, d'insécurité ou de laïcité, comme à Bordeaux début mars, ils ont eu le sentiment d'être "pris pour des imbéciles", selon l'expression de Marine Le Pen. 

La campagne très à droite de Nicolas Sarkozy – particulièrement entre le premier et second tour – a par ailleurs déstabilisé le centre et le centre-droit. Si certains ont préféré ne rien dire pour ne pas semer le désordre le temps de la campagne, d'autres, comme Jean-Pierre Raffarin, Chantal Jouanno, Patrick Devedjian, Martin Hirsch, Fadela Amara, le député filloniste Etienne Pinte ainsi que plusieurs proches de l'ancien président Jacques Chirac ont fait entendre leurs plus grandes réserves. Déplorant une campagne "violente" et une "course à l'extrême droite", François Bayrou, le président du MoDem, a finalement décidé de voter en faveur de François Hollande, tout comme une importante partie de l'électorat centriste.

4- Une rupture de style peu cohérente

Sur la forme, deux autres éléments majeurs ont pu contribuer à l'échec de Nicolas Sarkozy. Primo, avoir voulu "rendre la parole au peuple". Une formule étonnante pour un président de la République sortant, dans la mesure où elle sous-entend qu'il l'avait jusqu'à présent confisquée.

Secundo, la répétition, tout au long de la campagne, de la supplique "Aidez-moi !". "Une formule paradoxale puisque lui-même ou son parti ont depuis dix ans tous les pouvoirs. Pourquoi et par qui devrait-il être aidé ?" s'interrogeait le linguiste Jean Véronis sur FTVi début mars. "C'est aujourd'hui le commandant de 'la France forte' qui implore qu'on lui envoie... une bouée", raillait également Claude Posternak, communicant proche du Parti socialiste. "Ne comptez pas sur moi pour lancer un quelconque appel à l'aide à la fin de mon quinquennat. Ce que je veux, moi, c'est avoir aidé les Français !" a lui-même critiqué François Hollande à plusieurs reprises.

5- Une campagne qui ne lui a pas permis de renouer avec le peuple

Plus largement, Nicolas Sarkozy n'est pas parvenu à "renouer avec le peuple". C'était pourtant le défi qu'il s'était lancé dès la mi-février : il a reconnu la maladresse du Fouquet's, a fait campagne contre les élites, a dit vouloir s'affranchir des "corps intermédiaires" et a proposé de recourir fréquemment au référendum si les Français lui renouvelaient leur confiance... En vain. L'épisode de la visite chahutée de Bayonne, le 1er mars, est venu lui rappeler l'ampleur de l'antisarkozysme.

Selon le dernier baromètre TNS Sofres publié le 3 mai, seuls 37% des sondés accordaient leur confiance à Nicolas Sarkozy pour résoudre les problèmes. Mieux qu'un an plus tôt (sa cote de confiance n'était alors que de 20%), mais insuffisant pour être réélu.

Signe de cette fracture : une autre enquête, publiée par l'institut LH2 jeudi, au lendemain du débat d'entre-deux-tours, révèle que seuls 33% des sondés jugent Nicolas Sarkozy "proche de leurs préoccupations" (contre 47% pour François Hollande) et que le candidat socialiste est jugé nettement plus convaincant sur le pouvoir d'achat, l'emploi, la lutte contre les inégalités sociales et l'éducation, les quatre premières préoccupations des Français.

Au terme de cette campagne, et au-delà de ses erreurs tactiques, Nicolas Sarkozy ne sera finalement pas parvenu à échapper à une lame de fond : dans une Europe frappée par la crise économique, tous les dirigeants politiques, de droite ou de gauche, ont été désavoués par les électeurs, le Britannique Gordon Brown en mai 2010, le Grec Georges Papandréou et l'Italien Silvio Berlusconi en novembre 2011, l'Espagnol José Luis Zapatero en décembre 2011. 

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