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Afghanistan aux mains des talibans : "Il est évident que cela va se transformer très vite en colonne de réfugiés", énonce un sociologue

Le président du conseil scientifique de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), Smaïn Laacher, estime que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a là "une mission historique" à mener.

Article rédigé par franceinfo
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Le sociologue Smaïn Laacher. (BORIS HORVAT / AFP)

Lors de son allocution lundi, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé plusieurs mesures concernant les migrants en provenance d'Afghanistan, 48 heures après que les talibans ont repris la capitale. "Il est évident que cela va se transformer très vite en colonne de réfugiés", affirme mardi 17 août sur franceinfo Smaïn Laacher, sociologue et président du conseil scientifique de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah).

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franceinfo : Emmanuel Macron a promis que les Afghans qui ont travaillé de près ou de loin avec les Français seraient protégés. Comment cet accueil va-t-il se passer ?

Smaïn Laacher : Ils passeront probablement par une procédure d'asile qui sera grandement facilitée étant donné les circonstances. On parle de 600, parfois de 800 Afghans déjà accueillis. Plusieurs dizaines sont sur le point d'être embarqués dans des avions pour la France. Le président de la République déclare : "Nous sommes mobilisés", je ne sais pas du tout ce que recouvre cette notion. On sait que plusieurs dizaines d'Afghans qui ont travaillé pour les Occidentaux, et en particulier la France, ont demandé des visas et ne les ont pas obtenus.

"Ce n'est pas la première fois qu'une puissance qui a eu des auxiliaires à son service les trahit."

Smaïn Laacher, sociologue et président du conseil scientifique de la Dilcrah

à franceinfo

Des traducteurs, des chauffeurs, des cuisiniers : des centaines de personnes ont collaboré plus ou moins directement avec les puissances étrangères. Indéniablement, il en restera beaucoup en Afghanistan. Ils auront deux possibilités : rejoindre les colonnes de réfugiés et prendre le chemin de l'exil, ou se terrer en Afghanistan en espérant qu'ils ne soient pas reconnus par les villageois ou les talibans. Dans ce type de situation, de flou, de grande confusion avec des rapports qui peuvent se défaire du jour au lendemain, je ne jugerai que sur les actes et on verra combien ont été sauvés et combien ont demandé des demandes d'asile qu'ils n'ont jamais eu.

En même temps, le président a dit vouloir porter l'initiative européenne pour se protéger des flux migratoires irréguliers importants qui pourraient venir d'Afghanistan. Est-ce un vœu pieux cette coordination européenne ?

La configuration générale d'un exode massif est déjà présente. Il est évident que cela va se transformer très vite en colonne de réfugiés, ça ne fait l'ombre d'aucun doute. Cette attention particulière sur les flux migratoires était inévitable, car ce sont des milliers de personnes qui vont partir coûte que coûte. L'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra), a une mission historique. Il doit faire en sorte que les Afghans qui fuient ne fassent pas la route dangereuse de l'exil. Beaucoup d'Afghans passeront par l'Iran pour accéder à la Turquie et en dernier lieu à l'espace européen. Tout le monde s'y attend. 

"À l'Ofpra de prendre ses responsabilités pour faire de l'éligibilité au plus près des frontières, dans les conditions les plus sûres possibles, pour éviter que des familles entières prennent la route très dangereuse de l'exil."

Smaïn Laacher

à franceinfo

Vous partagez l'indignation de certains qui dénoncent "deux poids, deux mesures", selon si on a aidé la France, dans cet accueil des Afghans en France ?

Oui, je partage cette indignation. Il faut exhorter le président de la République et les pays de l'Union européenne à réagir face à cette tragédie qui aura des conséquences incalculables, pas simplement pour les Afghans, mais aussi pour l'Union européenne. Personne ne peut estimer cette vague migratoire qui va se disperser dans les pays alentour, en particulier en Iran, en Turquie et au Pakistan.

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