Tunisie : le gouvernement d'Elyes Fakhfakh obtient le confiance au Parlement
Le vote de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) met ainsi fin à une incertitude politique qui a duré plusieurs mois.
Sans surprise, le gouvernement de Elyes Fakhfakh a obtenu, dans la nuit du 26 au 27 février 2020, la confiance du Parlement tunisien. Formé après quatre mois d'intenses négociations, il doit désormais se pencher sur de lourds dossiers sociaux et économiques en suspens. Après plus de quatorze heures de débat, le Parlement a approuvé l'équipe d'Elyes Fakhfakh par 129 voix pour, 77 contre et une seule abstention sur un total de 207 députés présents.
Elyes Fakhfakh, ancien ministre des Finances de 47 ans, devient ainsi le huitième Premier ministre en Tunisie depuis la révolution de 2011 qui avait chassé le dictateur Zine El Abidine Ben Ali. Le président tunisien Kaïs Saïed, élu en octobre, avait prévenu qu'il prononcerait la dissolution du Parlement si le nouveau gouvernement n'obtenait pas la confiance des députés.
A l'ouverture de la plénière consacrée le 26 février au vote de confiance, le nouveau chef de gouvernement a affirmé que son gouvernement ambitionnait de "réaliser l'intérêt suprême de la Tunisie". Il a listé les priorités de son équipe: la lutte contre la criminalité et le terrorisme, contre la hausse des prix, la pauvreté, la corruption, ainsi que la relance de l'économie et la création d'emplois. Le rétablissement d'un climat politique sain, le renforcement du rôle de l'Etat et la poursuite de la mise en place d'institutions démocratiques manquantes figurent également sur sa feuille de route.
Ennahdha participe au gouvernement
Le nouveau gouvernement est composé de 15 membres appartenant à divers partis politiques. 17 autres ministres sont présentés comme des personnalités indépendantes qui se voient confier notamment les portefeuilles régaliens. Première force parlementaire, le parti d'inspiration islamiste Ennahdha (54 députés) obtient six postes de ministres, mais pas ceux qu'il convoitait. Elyes Fakhfakh avait trouvé la semaine dernière un accord avec lui. Le candidat au poste de premier ministre d'Ennahdha, Habib Jemli, n'avait pas obtenu en janvier la confiance du Parlement.
La parti libéral Qalb Tounes (38 sièges, deuxième force à l'Assemblée des représentants du peuple, l'ARP), celui de l'homme d'affaires Nabil Karoui, n'a pas été sollicité pour faire partie de ce gouvernement. Il siègera donc dans l'opposition. Nabil Karoui avait été battu par Kaïs Saïed au second tour de la présidentielle.
L'équipe gouvernementale ne compte que six femmes. Les ministères de la Justice et de l'Intérieur, très convoités, ont été confiés respectivement à une juge présentée comme indépendante, Thouraya Jeribi, et à un ancien cadre ministériel récemment nommé conseiller juridique de la présidence, Hichem Mechichi.
La Défense revient à l'ancien dirigeant de l'Instance nationale d'accès à l'information (Inai), Imed Hazgui, et les Affaires étrangères à un ancien ambassadeur à Oman, Noureddine Erraï. Un seul ministre est issue du cabinet sortant, le ministre des Affaires religieuses Ahmed Adhoum. Le ministre du Tourisme René Trabelsi, premier ministre de confession juive en Tunisie depuis la période de l'indépendance, a en revanche été écarté, dans un contexte de forte défiance envers tout ce qui peut être lié à Israël.
Quelle marge de manœuvre ?
La Tunisie a été gérée depuis plus de quatre mois par le gouvernement sortant dirigé par Youssef Chahed. Cette situation a alimenté un attentisme qui ralentit la vie publique et économique du pays.
Le nouveau gouvernement devra notamment relancer les discussions avec les bailleurs de fonds. Tunis va aussi devoir s'atteler à obtenir des financements externes à hauteur de 3 milliards de dollars. Et ce alors qu'un programme de prêt du Fonds monétaire international (FMI) prend fin en avril sans qu'un nouvel accord ait été conclu pour le moment.
Le travail de l'équipe d'Elyes Fakhfakh "sera très difficile et complexe parce le cabinet de M. Fakhfakh est hétérogène, composée de membres ayant des idéologies et des visions différentes", a estimé le politologue Slaheddine Jourchi. "La question qui se pose maintenant, c'est la marge du manœuvre accordée à ce gouvernement, qui permettra de mesurer son efficacité", a souligné le politologue Selim Kharrat, représentant de l'ONG Al Bawsala, observatoire de la vie publique.
Reste aussi à connaître l'avis de l'opinion tunisienne confrontée aux nombreux maux sociaux et économiques qui minent le pays. "La patience a ses limites et tout le monde attend au tournant le nouveau gouvernement avec cette grogne qui risque de s'amplifier", écrit Le Temps dans son éditorial. "Plombé par des dissensions idéologiques entre les membres de son équipe et une opposition qui l'attend de pied ferme, Elyes Fakhfakh aura certainement bien du mal à mettre en pratique son programme", poursuit le quotidien francophone.
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