Guerre en Ukraine : quels sont les enjeux de la quatrième visite de Volodymyr Zelensky en France depuis le début de l'invasion russe ?

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le président français Emmanuel Macron serre la main du président ukrainien Volodymyr Zelensky lors d'une conférence de presse à l'Elysée à Paris, le 16 février 2024. (THIBAULT CAMUS / AFP)
Le président ukrainien est invité aux commémorations du 80e anniversaire du Débarquement jeudi. Il s'exprimera le lendemain à l'Assemblée nationale, à 48 heures des élections européennes.

Une visite scrutée de près. Après trois passages en France depuis le début de la guerre en Ukraine, Volodymyr Zelensky revient cette fois dans l'Hexagone pour participer aux commémorations des 80 ans du Débarquement jeudi 6 juin. Au lendemain de cet hommage de grande ampleur en Normandie, le président ukrainien prononcera un discours à l'Assemblée nationale, peu avant 10 heures. Un tête-à-tête est également prévu vendredi avec Emmanuel Macron à l'Elysée, suivi d'une conférence de presse. Franceinfo revient sur les enjeux de cette venue.

Une présence très symbolique en Normandie

Huit décennies après le Débarquement, sur la plage d'Omaha Beach, où les premiers soldats américains débarquèrent à l'aube du 6 juin 1944, le président ukrainien Volodymyr Zelensky est invité aux côtés des pays alliés pour célébrer la victoire sur le nazisme, tandis que son homologue russe Vladimir Poutine est lui absent de ces commémorations historiques. Une manière pour les pays occidentaux d'afficher leur soutien à l'Ukraine.

Si le président russe ne figure pas aux côtés de Joe Biden, le président des Etats-Unis, et du chancelier allemand Olaf Scholz, alors que la Russie a contribué à la chute du nazisme, c'est bien en raison de la "guerre d'agression" que Moscou mène en Ukraine, a affirmé Paris. La Russie a ainsi été formellement exclue des célébrations cette année, alors que Vladmir Poutine était encore présent en 2014 malgré l'annexion de la Crimée trois mois plus tôt.

Une opportunité pour dialoguer avec ses alliés

Face aux attaques incessantes de la Russie, Volodymyr Zelensky appelle à toujours plus d'aide militaire. Pour ce faire, le président ukrainien multiplie les déplacements dans plusieurs pays européens depuis quelques jours. Mais cette venue en France représente une opportunité particulière : selon l'ancien président François Hollande, interrogé sur Flance Bleu, sa présence pourrait permettre des "dialogues qui peuvent se faire directement", dans la mesure où le président ukrainien "sera au milieu de ses partenaires".

Le chef d'Etat ukrainien rencontrera notamment Joe Biden en marge des commémorations du 80e anniversaire du Débarquement, "pour évoquer l'état des lieux en Ukraine et comment nous pouvons continuer à approfondir notre soutien à l'Ukraine", a déclaré un porte-parole américain. Cet échange est d'autant plus important que le président des Etats-Unis ne sera pas présent lors du sommet de paix pour l'Ukraine, qui doit se tenir en Suisse à la mi-juin.

Une occasion pour signer des accords

Au-delà des discussions officieuses, deux accords seront aussi signés par Volodymyr Zelensky et Emmanuel Macron. Le premier doit permettre de doter l'Agence française de développement (AFD) de "fonds prévisionnels de 400 millions d'euros en prêts et de 50 millions de dons jusqu'en 2027" afin "d'étendre ses activités en Ukraine". Cela permettra à l'AFD de "déployer toute sa palette d'instruments (...) pour intervenir en soutien aux collectivités locales ukrainiennes, en coordination et en complémentarité avec les bailleurs déjà présents en Ukraine", a expliqué l'Elysée. Les domaines d'intervention prioritaires seront les secteurs de l'énergie et des transports. 

Le deuxième accord portera sur la mise en place d'un "fonds de soutien" aux infrastructures critiques, doté de 200 millions d'euros, "pour accompagner les entreprises françaises dans les futurs appels d'offres (...) dans les domaines de l'énergie, des transports, de l'eau et l'assainissement, de la santé et de l'agriculture". "Ces fonds serviront à financer des projets importants, à renforcer ou suppléer les infrastructures énergétiques défaillantes" car particulièrement ciblées par Moscou. Ces deux accords équivalent à un total de 650 millions d'euros sous forme de prêts et de dons à l'Ukraine. 

Une officialisation sur l'envoi de formateurs ?

Si officiellement la France ne dispose pas de militaires formateurs en Ukraine, la question a été largement évoquée ces derniers jours, et laisse entrevoir une annonce sur ce point vendredi. L'idée date de la conférence pour l'Ukraine convoquée à l'Elysée en février. Les pays européens s'étaient accordés sur l'envoi de formateurs sur le sol ukrainien. Cependant, la mission est aujourd'hui réalisée à distance au Royaume-Uni, en France ou en Pologne.

Le projet de Paris, appuyé par des pays comme la Lituanie et l'Estonie, serait donc de former les militaires ukrainiens dans leur propre pays. Des discussions sont en cours entre Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky sur des entraînements au déminage ou sur la formation de brigades motorisées. Dans l'hypothèse où l'envoi d'instructeurs venait à être officialisé vendredi, l'engagement français aux côtés des Ukrainiens constituerait un nouveau message adressé à Moscou.

Anticipant un tel scénario, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov a déclaré mardi devant la presse qu'"aucun instructeur s'occupant de la formation des militaires ukrainiens n'a d'immunité". Autrement dit, Moscou ne s'interdira pas de viser des cibles où se trouvent ces soldats étrangers.

Une venue à visée électorale en pleine campagne ?

Cette venue de Volodymyr Zelensky se heurte toutefois au calendrier des élections européennes : à moins de 72 heures du scrutin, plusieurs voix s'élèvent pour dénoncer les éventuels bénéfices de ce déplacement sur la campagne de la majorité. A l'Assemblée nationale, le député Olivier Marleix, président du groupe Les Républicains, a ainsi jugé "déplacé" d'inviter "le président Zelensky à venir s'exprimer", accusant Emmanuel Macron de "parasiter" le débat des européennes. "Cela n'enlève rien évidemment à notre soutien aux Ukrainiens", a-t-il précisé.

"La ficelle est un peu grosse", a estimé Manon Aubry, la tête de liste de La France insoumise, sur franceinfo, s'interrogeant "sur le timing" de cette visite et pointant une "volonté d'instrumentaliser la guerre en Ukraine". Même scepticisme du côté de Marine Le Pen sur Sud Radio : "Je suis ravie de l'accueillir à l'Assemblée, il est toujours le bienvenu, mais quelques heures avant la fin de la campagne, c'est une volonté de manipulation de l'opinion." 

La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, avait répondu mardi à Olivier Marleix. Selon elle, le président ukrainien est invité "à l'occasion des commémorations des 80 ans du Débarquement", dont "nous ne choisissons pas la date", le 6 juin, "à trois jours du scrutin des élections européennes".

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