: Témoignage Guerre en Ukraine : "Marioupol tout entière est l'objet d'un crime de guerre", dénonce un médecin ukrainien
La ville de Marioupol, située dans le sud de l'Ukraine, est assiégée et bombardée sans relâche depuis les premières heures de la guerre. Pour un médecin ukrainien qui vient de trouver refuge à Zaporijia, cette ville côtière est le théâtre d’un crime de guerre.
Son visage cerné témoigne de son épuisement après des semaines éprouvantes. Alexander est responsable des hôpitaux de Marioupol où il vient de passer un mois. Une cité portuaire, située au sud est de l'Ukraine, pilonnée et assiégée par les forces russes depuis le début de la guerre. Il raconte l'absence d'eau et d'électricité par des températures allant jusqu'à -11°C. Ce médecin était dans la maternité de Marioupol lorsqu'elle a été bombardée, et il a aidé à évacuer les patients. Le médecin a ce regard éteint que l'on voit chez les rescapés de l'enfer de Marioupol qui arrivent à Zaporijia.
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Après Boutcha, les Ukrainiens redoutent de retrouver d’autres scènes de crimes de guerre dans les villes occupées par les forces russes et qu’ils viennent de libérer. Des craintes particulièrement vives concernant Marioupol, même si la situation dans ce port de la mer d'Azov est différente de celle de Boutcha. La ville n'est pas occupée entièrement. Des combats se déroulent toujours en ce moment, quartier par quartier. Les forces ukrainiennes résistent et le front bouge sans cesse.
Selon ce médecin, les Russes n'ont pas eu la possibilité de commettre ces exactions dans toute la ville, mais ce serait déjà le cas dans les quartiers qu'ils occupent. "Les premiers à entrer ce sont les séparatistes, indique Alexander. Ensuite, ce sont les Bouriates de Russie. Ils pillent tout ce qu'ils peuvent. Et en troisième vague, on a vu les Tchétchènes. Ils liquident les gens qui sont dans les caves et tous les hommes qui passent devant leurs yeux. Ils les tuent."
"Marioupol, ce n'est pas Boutcha. La ville n'a pas été entièrement occupée, mais ce qui se passe à Marioupol, c'est tout simplement une extermination de la population civile. Un génocide."
Alexander, medecin ukrainienà franceinfo
Alexander reprend le terme employé par le président Volodymyr Zelensky qui, depuis Boutcha, a dénoncé "des crimes de guerre qui seront reconnus par le monde comme un génocide". Le médecin enchaîne : "J’ai une question pour vous, qu'est ce que c'est qu'un crime de guerre ? Quand les hélicoptères lancent des missiles sur les immeubles d’habitation, vous appelez ça un crime ou non ? Quand de villages entiers, il ne reste rien, juste comme des champs brûlés de plusieurs kilomètres carrés, est ce que c'est un crime?" Et Alexander répond dans la foulée : ”Ces frappes aériennes, sans cesse toute la journée sur les bâtiments, ces corps d'enfants et de leurs parents déchiquetés, c'est un crime, tout simplement."
"Ils nous détruisent psychologiquement. Ils ont entrepris de détruire toute part d'humanité en l'homme. Ils veulent faire de nous des bêtes. Ils ont mis en place toutes les conditions pour que les gens perdent la tête de faim, de peur de mourir, de ne pas avoir d'issue."
Alexander, médecin ukrainienà franceinfo
La Russie interdit l'accès de toute aide humanitaire. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui espère toujours entrer dans la ville pour en évacuer des civils, a dû renoncer à convoyer vivres et médicaments alors que la population qui reste, environ 100 000 personnes, manque de tout. La situation humanitaire est terrible, selon les autorités locales et comme pour les organisations internationales. Pour Alexander, en tous cas, le doute n'est pas permis. Avant de nous quitter, il insiste encore : “Marioupol tout entière, dit-il, est l'objet d'un crime de guerre. Ils nous terrorisent, ils veulent tous nous exterminer.”
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