Guerre au Proche-Orient : le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah au Liban peut-il ouvrir la voie à un accord avec le Hamas à Gaza ?
Une trêve précaire dans des combats meurtriers et dévastateurs. Le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah est entré en vigueur, mercredi 27 novembre, au Liban. L'accord a été conclu après une année d'hostilités qui ont viré à la guerre ouverte en septembre entre l'armée israélienne et la puissante organisation islamiste libanaise, soutenue par l'Iran. Le Hezbollah avait commencé à attaquer Israël en représailles à la vaste opération militaire lancée par l'Etat hébreu dans la bande de Gaza contre le Hamas, le mouvement islamiste responsable des attaques terroristes du 7 octobre 2023 sur le sol israélien.
Si les affrontements ont cessé sur le front nord de ce confit qui embrase le Proche-Orient, ils sont toujours en cours dans la bande de Gaza, pilonnée sans relâche par Tsahal. Au moins 33 personnes ont été tuées au cours des dernières 24 heures, selon le ministère de la Santé gazaoui, portant le bilan des morts dans ce territoire à plus de 44 000 depuis octobre 2023. Une trêve, similaire à celle conclue avec le Hezbollah, est-elle possible entre Israël et le Hamas ?
Par la voix de l'un de ses hauts responsables, mercredi, le mouvement palestinien a répété qu'il était prêt "à un accord de cessez-le-feu" avec Israël et en a "informé les médiateurs en Egypte, au Qatar et en Turquie". "On pourrait espérer un cessez-le-feu à Gaza car le rapport de force sur le terrain a changé", avance David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), ajoutant : "Le Hamas a compris qu'il se retrouvait désormais seul sans le Hezbollah."
La libération de prisonniers palestiniens "pas entendable" côté israélien
Car les pourparlers chapeautés cet été par Washington, Le Caire et Doha n'avaient abouti à rien. Les deux belligérants s'opposaient entre autres sur le retrait des troupes israéliennes de la bande de Gaza – indispensable pour le Hamas, inconcevable pour Israël. Le Qatar avait fini par jeter l'éponge, le 11 novembre, et suspendu les négociations jusqu'à ce que les deux opposants fassent preuve de "sérieux" dans les discussions. Cette fois-ci, "le Hamas n'est plus dans une position où il peut maintenir ses exigences maximalistes répétées, jusqu'à décourager les négociateurs attitrés comme le Qatar", estime David Rigoulet-Roze.
Le mouvement islamiste a tout de même demandé "un accord sérieux pour échanger des prisonniers" palestiniens contre des otages. Or, selon Sylvaine Bulle, sociologue à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), côté israélien, "ce n'est pour l'instant pas entendable, ni dans la coalition gouvernementale, ni dans l'opinion publique. Pour que ça le soit, il faudrait des garanties extrêmes", même si "la société civile israélienne va de plus en plus faire pression pour que les otages [encore détenus dans l'enclave] reviennent".
Les Israéliens ont encore en tête le cas de Yahya Sinouar, l'un des cerveaux du 7-Octobre. Cet ancien chef du Hamas, tué par l'armée israélienne en octobre, avait été libéré en 2011 dans le cadre d'un échange de prisonniers après 23 ans passés dans les geôles israéliennes. En août, le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, avait d'ailleurs plaidé pour qu'Israël dispose d'"un veto sur certains prisonniers libérés" et puisse "désigner ceux qui pourront être libérés à l'étranger".
"Pas d'acteurs de substitution" au Hamas à Gaza
Après l'accord négocié entre le Hezbollah et l'Etat hébreu, le président américain Joe Biden a en tout cas annoncé la reprise des médiations "avec la Turquie, l'Egypte, le Qatar, Israël et d'autres pays pour parvenir à un cessez-le-feu à Gaza, à la libération des otages et à la fin de la guerre, sans le Hamas au pouvoir". Cette dernière condition rend les discussions bien plus complexes que celles sur la trêve avec le mouvement libanais, juge Sylvaine Bulle. "Des acteurs de la société libanaise ont salué l'émancipation de leur pays par rapport au Hezbollah. Dans le cas de la bande de Gaza, à l'inverse, on ne connaît pas les projets des Gazaouis et on ne voit pas d'acteurs de substitution", souligne l'experte.
"Il y a une incertitude sur le rapport de force dans le territoire et sur l'adhésion de la société civile au Hamas."
Sylvaine Bulle, sociologue et chercheuse à l'EHESSà franceinfo
Les objectifs visés par Israël ne sont également pas les mêmes entre les fronts sud et nord. Côté libanais, il s'agissait "non pas de détruire le Hezbollah" mais de permettre aux 60 000 Israéliens déplacés par les tirs de roquettes de rentrer chez eux, soutient Mairav Zonszein, spécialiste d'Israël à l'International Crisis Group (ICG), cité par l'AFP. Le cessez-le-feu avec Gaza ne serait, au contraire, possible qu'avec "la conquête du territoire et la destruction du Hamas", juge Amir Avivi, fondateur du cercle de réflexion Forum pour la défense et la sécurité d'Israël (IDSF), interrogé par l'AFP.
Nétanyahou "veut la poursuite de la guerre"
Le Premier ministre israélien s'est d'ailleurs montré clair : la trêve avec le Liban permettra à Tsahal d'"intensifier" sa pression sur le Hamas. "L'armée israélienne sera en mesure de renvoyer davantage d'unités à Gaza", estime Amir Avivi. "Benyamin Nétanyahou veut la poursuite de la guerre, car cela lui permet de ne pas avoir à répondre vis-à-vis des éléments les plus extrêmes dans sa coalition", analyse Frédérique Schillo, spécialiste d'Israël et coautrice de La guerre du Kippour n'aura pas lieu.
Des ministres comme Itamar Ben-Gvir, chargé de la Sécurité nationale de l'Etat hébreu, plaident pour le retour des colons israéliens à Gaza. Le leader d'extrême droite a d'ailleurs dénoncé l'accord conclu avec le Hezbollah, "qualifié d'erreur historique qui va nous empêcher d'éradiquer" le mouvement libanais. "Pour Benyamin Nétanyahou, accepter des négociations avec le Hamas, cela signifie dire à ses alliés qu'ils peuvent remballer leur projet, assure Frédérique Schillo. Cela pourrait entraîner la chute de sa coalition."
A court terme, donc, les observateurs interrogés par franceinfo ont du mal à croire à un cessez-le-feu entre le Hamas et Israël. Pour Sylvaine Bulle, "ce qui est peut-être possible, c'est une pause humanitaire. Joe Biden la demande et Benyamin Nétanyahou l'a entendu."
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