Guerre au Proche-Orient : on vous explique pourquoi le Sud-Liban est au cœur du conflit entre Israël et le Hezbollah
Jusqu'où ira Israël au Liban ? Après une campagne de bombardements aériens massifs qui ont tué plusieurs chefs du Hezbollah et fait des centaines de morts, l'Etat hébreu mène depuis mardi une offensive terrestre dans le sud du pays. Bien que l'armée israélienne affirme y mener des opérations "limitées et ciblées", les affrontements se sont intensifiés. Selon Israël, vendredi 4 octobre, 15 combattants du groupe islamiste libanais ont été tués et neuf militaires israéliens ont perdu la vie. Un million de Libanais, selon l'ONU, ont également dû fuir leur domicile, amplifiant le chaos dans un pays déjà en crise.
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Ce conflit ouvert est le prolongement des attaques transfrontalières menées dans le sud du Liban entre Israël et le Hezbollah, depuis le 7-Octobre. Depuis, selon des chiffres officiels, près de 2 000 personnes ont été tuées au Liban, à la frontière avec Israël. Un chiffre voué à augmenter, puisque l'armée israélienne a prévenu qu'elle combattrait le Hezbollah jusqu'à la "victoire". Explications.
Une zone stratégique et de résistance historique à Israël
Le Sud-Liban est une région agricole, dominée par des collines et des montagnes, "dont la population est assez pauvre, composée en majorité de musulmans chiites", développe pour franceinfo Clara Hage, journaliste au quotidien libanais L'Orient-le-Jour. La zone concernée par les combats commence au nord, à Saïda, s'étend au centre urbain de Tyr jusqu'à la ligne bleue tracée par l'ONU en 2000, qui sépare Israël et le Liban. Elle est également traversée par les fleuves Litani et Nahr El Awali. Dans un contexte militaire, ces cours d'eau sont des fortifications naturelles pour obtenir des avantages tactiques, développe le Center for Strategic and International Studies (CSIS), un think thank basé à Washington. Le relief escarpé de la région permet aussi d'organiser des embuscades ou de dissimuler ses attaques.
Le Sud-Liban a toujours été une base de confrontation avec Israël. En 1948, lors de la création de l'Etat hébreu, des milliers de Palestiniens s'exilent vers les pays arabes voisins, et 110 000 d'entre eux s'installent alors au Liban, notamment dans le Sud. En 1964, l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) y établit des bases militaires et lance des attaques contre Israël, développe l'émission "Le Dessous des cartes" sur Arte.
"L'OLP avait besoin d'être dans une région avec une frontière directe avec Israël et la Jordanie l'avait chassée de son territoire. C'est pour ça qu'elle s'est installée au Liban."
Clara Hage, journaliste à "L'Orient-le-Jour"à franceinfo
En mars 1978, afin d'assurer sa sécurité et de mettre fin aux attaques de l'OLP, Israël envahit le Sud-Liban lors de l'opération "Litani", au lourd bilan humain. Cette invasion permet à Israël de repousser l'OLP au-delà du fleuve Litani et conduit à une occupation indirecte de la zone frontalière par Israël, via une milice libanaise chrétienne soutenue par Israël, explique TV5 Monde.
Une région où le Hezbollah est fortement implanté
Au début des années 1980, les populations chiites du Sud-Liban sont délaissées par le gouvernement libanais, administré par des chrétiens maronites et des sunnites. Dans le même temps, la naissance de la République islamique d'Iran, en 1979, bouleverse la région. Téhéran s'impose au Liban auprès des chiites et envoie dans le pays des centaines de Gardiens de la Révolution, résume Le Monde.
Dans ce contexte, le Hezbollah libanais est créé en 1982 avec l'aide de Téhéran. Dans son manifeste fondateur, le mouvement décrit Israël comme le "mal absolu", développe Le Monde. Au Sud-Liban, il "se développe à travers des organisations caritatives pour aider les familles les plus démunies", poursuit Clara Hage, "ce qui lui permet aussi d'étendre son influence et de recruter des membres".
"Il n'y a pas un village dans le Sud-Liban où le Hezbollah n'est pas fortement présent."
Clara Hageà franceinfo
Le Hezbollah prend le relais des organisations palestiniennes pour combattre Israël. Les deux parties s'affrontent régulièrement jusqu'en 2000, année où la gauche israélienne, arrivée au pouvoir, décide de retirer définitivement Tsahal du territoire libanais. Après près de vingt ans d'occupation, ce retrait est vécu en Israël comme une humiliation, souligne Libération, et une victoire historique pour le Hezbollah.
Il permet à la milice chiite de continuer à développer son arsenal militaire. En 2006, Israël envahit à nouveau le Sud-Liban pour détruire les structures du Hezbollah, mais se heurte à la détermination des combattants islamistes. Après 33 jours de combats, l'armée israélienne est à nouveau contrainte de reculer. "C'était une première dans le monde arabe, aucune autre armée n'avait réussi à faire face à Israël", rappelle Clara Hage. Malgré le vote de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies en 2006, qui appelle au désarmement de tous les groupes armés, le Hezbollah n'a fait que gagner en puissance politique et militaire depuis. Son équipement militaire est considéré comme étant l'un des plus importants au monde pour un groupe non étatique.
Le "nouveau centre de gravité" de la guerre entre Israël et le Hamas
Fin septembre, le ministre de la Défense israélien, Yoav Gallant, a affirmé vouloir faire du nord d'Israël le "nouveau centre de gravité de la guerre" menée contre le Hamas depuis le 7-Octobre. Le gouvernement israélien espère ainsi permettre le retour d'environ 60 000 habitants des régions frontalières, déplacés depuis un an par les tirs de roquettes incessants du Hezbollah vers le nord de son territoire. Or, réinstaller ses personnes dans leurs foyers nécessite de créer un environnement sécurisé. Même si l'ONU est présente depuis 2006 dans la région, via la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), elle ne dispose que d'un rôle de surveillance.
Plusieurs des unités du Hezbollah sont déployées au Sud-Liban près de la frontière avec Israël, comme les unités Nasr et Aziz et la force d'élite Radwan, composée de plusieurs milliers de combattants, précise Associated Press. Comme le Hamas, la milice libanaise a également construit un réseau de souterrains dans cette zone. "La véritable raison d'Israël, c'est qu'il veut établir une zone tampon telle que celle créée en 1970", estime auprès de franceinfo Jihane Sfeir, spécialiste du monde arabe contemporaine et enseignante à l'Université libre de Bruxelles. Si elle était respectée, cette zone neutre permettrait d'éloigner définitivement les combattants et structures du Hezbollah de la frontière.
Car la puissance du Hezbollah et son expérience du combat, notamment aux côtés du régime de Bachar Al-Assad en Syrie en 2011, en font une menace bien plus dangereuse que le Hamas, analyse le CSIS. Depuis des années, les responsables israéliens craignent qu'il ne mène une attaque du type de celle menée par le Hamas le 7 octobre 2023, souligne le New York Times.
"Personne ne sait exactement ce qu'est l'objectif des Israéliens, détruire le Hezbollah jusqu'au bout, occuper le territoire, établir une sorte de périmètre de sécurité ?"
Clara Hageà franceinfo
Jeudi 3 octobre, le chef d'état-major de l'armée israélienne, le général Herzi Halevi, a assuré que "les coups sévères portés au Hezbollah" dans le sud du Liban allaient "se poursuivre". Israël n'autorisera pas le Hezbollah à "s'installer" à nouveau dans le sud du Liban, a-t-il affirmé.
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