Liban : quel bilan après deux mois de guerre entre Israël et le Hezbollah ?

Un cessez-le-feu est entré en vigueur entre l'Etat hébreu et le groupe armé libanais soutenu par l'Iran. Depuis l'invasion terrestre israélienne le 30 septembre, les combats ont causé plus de 3 800 morts et près de 15 000 blessés.
Article rédigé par Chloé Ferreux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
De la fumée s'élève au-dessus de la banlieue sud de Beyrouth après un bombardement israélien, le 26 novembre 2024. (FADEL ITANI / AFP)

Un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah est entré en vigueur mercredi 27 novembre, après deux mois de guerre ouverte. Le président américain Joe Biden a salué "un nouveau départ" pour le Liban après cet accord négocié à l'initiative des Etats-Unis et de la France. L'armée israélienne dispose désormais de 60 jours pour se retirer progressivement du sud du Liban. De son côté, le Hezbollah doit aussi quitter la zone afin de laisser place à l'armée libanaise.

La guerre, qui a débuté sous la forme d'un conflit de basse intensité au lendemain des attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, a évolué en septembre 2024 avec le déclenchement d’une vague de bombardements israéliens massifs, puis une invasion terrestre. Franceinfo dresse un bilan, deux mois après le début des combats. 

Plus de 4 800 morts et 15 000 blessés au Liban depuis mi-septembre

Depuis le 30 septembre, date de l'invasion terrestre d'Israël au Liban, 3 823 personnes ont été tuées, selon les autorités libanaises. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) a dénoncé un bilan humain "dramatique". "Ces dernières semaines ont été les plus meurtrières et les plus dévastatrices pour le Liban et son peuple depuis des décennies", a-t-il commenté. A ce jour, plus de 15 000 blessés ont été recensés, d’après l'UNHCR. Selon l’Unicef, au moins un enfant meurt et dix autres sont blessés chaque jour dans le pays depuis octobre 2024.

Avant l'invasion terrestre, les bombardements intenses de l'armée israélienne sur le sud du Liban avaient déjà fait plus d'un millier de victimes en seulement une semaine, avec environ 500 morts pour la seule journée du 23 septembre.

Un million de Libanais déplacés et une sécurité alimentaire menacée

Des écoles, des églises et des mosquées servant d’abris bondés… Plus de 1,2 million de personnes ont été déplacées selon le gouvernement libanais, soit environ 20% de la population. "Du jamais-vu dans l’histoire du pays" pour l’UNHCR. 

Malgré les attaques et les dégâts causés par les frappes aériennes israéliennes sur plusieurs points de passage entre la Syrie et le Liban, les civils ont fui les bombardements, principalement à pied. Plus de 557 000 personnes ont traversé la frontière vers la Syrie ces dernières semaines, selon l'UNHCR. Parmi elles, 80% sont des femmes et des enfants.

Les déplacés doivent également faire face à une situation d’insécurité alimentaire inquiétante. Le 31 octobre, les agences alimentaires des Nations unies ont placé le pays sur la liste des "points chauds" de très haute préoccupation. Ce rapport révèle que 1,3 million de personnes, soit 23% de la population libanaise, ont été confrontées à des niveaux élevés d'insécurité alimentaire aiguë, dont 85 000 en situation d'urgence entre avril et septembre 2024.

Des villages rasés et des quartiers détruits à Beyrouth 

Depuis septembre, les frappes israéliennes ont laissé derrière elles de nombreuses ruines dans le sud du Liban. Selon l’Agence nationale d’information libanaise (ANI), des écoles, des centres de santé et des bâtiments municipaux ont été touchés ou complètement détruits.

Israël, qui affirme viser exclusivement les infrastructures militaires du Hezbollah, a également ciblé le cœur de la capitale, Beyrouth. Les quartiers du Sud, bastions historiques de la milice chiite, ont été dévastés par des bombardements intensifs ces dernières semaines. La région de Baalbek, l'un des fiefs du Hezbollah dans l'est du Liban, a aussi été visée à de nombreuses reprises, laissant des petites villes en grande partie désertées. Selon l'Unicef, plus de 13 500 bombardements ont été signalés depuis fin septembre dans tout le pays.

Les zones agricoles sont aussi lourdement affectées. Plus de 1 900 hectares de terres dans le gouvernorat du Liban-Sud et dans celui, voisin, de Nabatieh ont été endommagés ou laissés en friche à cause des bombardements, selon le bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha).

Quant au patrimoine culturel libanais, il est en péril. La guerre a poussé 300 professionnels de la culture à interpeller l’Unesco le 17 novembre, afin de protéger des sites historiques comme Baalbeck. Le lendemain, l’organisation plaçait 34 sites culturels libanais sous protection renforcée, conformément au deuxième protocole de 1999 de la Convention de La Haye de 1954, qui vise à protéger le patrimoine en cas de conflit armé.

Un Hezbollah décimé

Depuis le début du conflit, le Hezbollah a tiré des milliers de roquettes sur le nord d’Israël et le Golan occupé, tandis qu’Israël a répondu par des frappes aériennes et des tirs d’artillerie massifs visant les positions de la milice chiite libanaise dans le sud du pays. Ces frappes ont éliminé une douzaine de hauts responsables du mouvement, dont son leader Hassan Nasrallah, tué le 28 septembre 2024.

Objet d'un véritable culte parmi les membres du Hezbollah, ce religieux chiite de 64 ans était une force incontournable du mouvement. Il avait ouvert le front au sud du Liban pour soutenir son allié palestinien, dès les débuts de la guerre à Gaza entre le Hamas et Israël. 

D’autres figures majeures ont été éliminées, comme Hashem Safieddine, le potentiel successeur de Hassan Nasrallah. Le Hezbollah, qui a finalement nommé à sa tête Naïm Qassem, a été considérablement affaibli par la mort de ces nombreux responsables, observe Michael Young, du Carnegie Middle East Center, interrogé par Politico.

Le 17 et le 18 septembre, des explosions simultanées de bipeurs, un système de radiomessagerie utilisé par le mouvement islamiste, et une attaque similaire sur des talkies-walkies avait marqué le début de l'offensive contre le Hezbollah. Au moins 37 personnes avaient été tuées et 3 000 blessées, selon le ministère de la Santé libanais.

Quarante-neuf soldats israéliens morts au combat

Pendant les deux mois de guerre, le Hezbollah a lancé des roquettes par centaines, atteignant jusqu'à 250 tirs en une seule journée. Une situation qui a provoqué la mort de 49 militaires israéliens. Le 13 novembre, six soldats ont été tués lors d’un raid dans le sud du pays. Il s'agit du nombre de morts le plus élevé pour l'armée israélienne dans un même incident depuis l'invasion terrestre au Liban.

Du côté des civils, 47 Israéliens ont été tués par des tirs du Hezbollah ces treize derniers mois, selon les autorités. Les tirs de roquettes incessants ont par ailleurs empêché le retour de 60 000 habitants dans le nord d'Israël, l'un des objectifs recherchés par le gouvernement israélien lors du lancement de cette offensive.

Une escalade des tensions dans la région

Derrière cette guerre entre le Hezbollah et Israël, la confrontation larvée entre l'Etat hébreu et l'Iran n'a cessé de s'envenimer, avec notamment l'assassinat à Téhéran d'Ismaïl Haniyeh, le chef du bureau politique du Hamas. Fait jusqu'alors inédit, la République islamique a envoyé sur Israël des salves de missiles balistiques à deux reprises ces derniers mois, engendrant des ripostes israéliennes sur le sol iranien.

Soutien et allié régional de l'Iran depuis sa création en 1982, le Hezbollah a agi comme le bras armé de Téhéran contre Israël. Benyamin Nétanyahou a notamment fait valoir que la trêve avec le Liban permettrait à Israël de "se concentrer sur la menace iranienne". Après l'annonce du cessez-le-feu, Téhéran a annoncé de son côté soutenir "fermement le gouvernement, la nation et la résistance libanaise". Les Occidentaux, eux, ont réagi avec soulagement et prudence à l'annonce de ce cessez-le-feu, et restent attentifs à la menace nucléaire que pourrait représenter l'Iran.

Bien que le cessez-le-feu soit entré en vigueur, l'Etat hébreu poursuit son intense campagne militaire à Gaza, où 44 249 morts, en majorité des civils, ont été recensés, selon des données du ministère de la Santé gazaoui.

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