Guerre entre Israël et le Hamas : qui était Mohammed Deif, l'insaisissable chef militaire du Hamas dont l'armée israélienne a annoncé la mort ?
Israël en est désormais certain. Mohammed Deif, le chef de la branche armée du Hamas, a été "éliminé" dans une frappe le 13 juillet dans la bande Gaza. L'armée israélienne l'a annoncé, jeudi 1er août, sur la base "d'une analyse de renseignements". L'homme était aux côtés de Rafa Salama, commandant de la branche armée du Hamas à Khan Younès, également tué lors de cette frappe sur le camp d'Al-Mawasi, qui avait causé la mort de 92 Palestiniens et blessé plus de 300 autres dans le sud de l'enclave palestinienne, selon le Hamas. Le mouvement islamiste avait nié que Mohammed Deif faisait parmi les victimes. Il n'avait pas encore commenté, jeudi, l'annonce de l'armée israélienne. Qui était cet homme considéré comme l'un des plus vieux ennemis d'Israël ? Eléments de réponse.
L'un des cerveaux de l'attaque du 7 octobre
Chef depuis vingt ans des Brigades Ezzedine al-Qassam, la branche armée du Hamas, Mohammed Deif est considéré, avec Rafa Salama, comme l'un des organisateurs de l'attaque du 7 octobre sur le sol israélien. C'est lui qui avait annoncé, dans un enregistrement diffusé par le Hamas, le matin même, le début de l'opération "Déluge d'Al-Aqsa". Sur la bande audio, on entend ce très secret chef militaire déclarer que "les positions et les fortifications de l'ennemi ont été visées par 5 000 roquettes et obus lors des vingt premières minutes" de l'attaque. "Le jour est venu de faire comprendre à notre ennemi criminel que son temps est révolu", ajoute-t-il.
Pour illustrer l'enregistrement de Mohammed Deif, dont l'un des rares portraits connus est une photo floue datant de son incarcération en Israël, en 1989, le Hamas avait publié l'image d'un homme dont on ne distingue que l'ombre et les contours, comme le mouvement le fait toujours pour que ses membres ne soient pas identifiés. Il était, depuis, encore plus recherché par Israël, qui a promis de détruire le Hamas et ses leaders.
Selon l'agence de presse Reuters, c'est en mai 2021, après les images montrant des soldats israéliens prenant d'assaut la mosquée Al-Aqsa pendant le ramadan, que Mohammed Deif a commencé à planifier l'opération du 7 octobre.
Né dans un camp de réfugiés et engagé très tôt au sein du Hamas
Mohammed Deif – surnom signifiant "invité" en arabe, parce qu'il est contraint de dormir chaque nuit dans un lieu différent – est né sous le nom de Mohammed Diab Ibrahim Al-Masri en 1965, dans le camp de réfugiés de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza. Etudiant en biologie à l'université islamique de Gaza, il a été le chef de l'Union étudiante des Frères musulmans, mouvement autour duquel a été créé le Hamas en 1987. Il entame à cette période son parcours clandestin.
En 2000, au début de la seconde Intifada dans les Territoires palestiniens contre l'occupation israélienne, Mohammed Deif s'échappe – ou est libéré – d'une prison de l'Autorité palestinienne, du temps de Yasser Arafat. Au grand dam des Israéliens. Il est désigné en 2002 à la tête de la branche armée du Hamas. En 2003, France Télévisions l'avait rencontré lors d'un reportage à Gaza, dans lequel il apparaissait masqué. "Nous affirmons qu'il n'y aura pas de négociations avec Israël ou avec l'Amérique", assénait-il.
Rescapé de plusieurs tentatives d'assassinat
Mohammed Deif avait survécu à au moins sept tentatives d'assassinat israéliennes avant celle du 13 juillet. Juste après son accession au commandement des Brigades al-Qassam, il est la cible d'une première tentative d'élimination par Israël dans une attaque à la voiture piégée. En 2006, il perd un bras et une jambe dans une frappe de F16 qui atteint l'immeuble où il se trouve. Plus tard, en 2014, il survit au largage de cinq bombes anti-bunkers, qui tuent sa femme et son enfant de sept mois. Lors de leurs funérailles, la foule n'a qu'un seul cri : "Vengeance, vengeance !" Mohammed Deif passe de nouveau entre les mailles du filet en 2021, lors de la plus récente attaque connue contre lui, selon Reuters.
A force d'échapper à Israël, Mohammed Deif, surnommé "tête de serpent" par les médias israéliens, a gagné un autre surnom, celui de "chat aux neuf vies". Pour le Hamas, il est le "chef d'état-major de la résistance".
A l'origine du renforcement de l'armée du Hamas et des tunnels sous Gaza
Dans les années 1990, Mohammed Deif fait évoluer la stratégie militaire du Hamas, avec des attentats-suicides dans les bus en Israël, des captures de soldats israéliens et les premières roquettes tirées depuis Gaza sur Israël. "Il a laissé son empreinte sur la transformation des brigades Ezzedine al-Qassam, qui sont passées d'un nombre limité de cellules armées à une armée officielle comptant des dizaines de milliers de combattants", observe dans le New York Times Ibrahim Madhoun, un analyste proche du Hamas. Selon le quotidien américain, les analystes israéliens reconnaissent également que Mohammed Deif a transformé la branche militaire du Hamas en une force de combat plus puissante et mieux organisée.
Il est aussi à l'origine de la construction des tunnels sous Gaza, depuis lesquels opéraient les dirigeants et les soldats du Hamas, notamment pour préparer l'attaque du 7 octobre. Autant de faits d'armes qui lui conféraient, parmi les Palestiniens, une aura renforcée par le secret qui l'entourait. Début janvier, l'armée israélienne avait publié une photo d'un homme allongé sur un sol sablonneux avec un acolyte au pied d'un bosquet, barbe fine, le visage rond, les cheveux poivre et sel. Selon Tsahal, il s'agissait de Mohammed Deif sur un cliché retrouvé sur un disque dur dans un de ces bunkers souterrains du Hamas.
En 2015, l'intéressé avait été inscrit sur la liste américaine des "terroristes internationaux". Cette année, en mai, le procureur de la Cour pénale internationale avait demandé un mandat d'arrêt contre lui et deux autres hauts responsables du Hamas, Yahya Sinwar, chef du mouvement islamiste à Gaza, et Ismaïl Haniyeh, chef du bureau politique en exil. Ce dernier a lui aussi été éliminé par l'armée israélienne à Téhéran, en Iran, mercredi.
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