: Reportage "Et à la fin, le gouvernement israélien dira que c’est de la légitime défense" : en Cisjordanie, le quotidien infernal des Palestiniens face aux colons
Huwara, et ses 7 500 habitants, était un carrefour commercial au milieu de la Cisjordanie occupée. Mais depuis un mois, plus aucune voiture ne passe, exceptées celles des soldats israéliens et des colons installés au-dessus de la ville. L’armée israélienne a coupé les accès nord et sud d’Huwara, conséquence des opérations punitives menées ces derniers mois par les colons. Pour les habitants palestiniens, le quotidien est devenu infernal : "Si tu traverses la route, ne serait-ce que pour acheter ton pain, tu risques ta vie. Et à la fin, le gouvernement israélien dira que c’est de la légitime défense", raconte Fouad.
"Ça s’est déjà produit plusieurs fois que des jeunes soient attaqués par des colons et qu’ils leur tirent dessus", poursuit le jeune homme, qui vient de terminer ses études de commerce à l’Université. L’un de ses amis a été tué le 6 octobre, la veille de l’opération du Hamas. "Il défendait sa maison, attaquée par des colons haineux. Il rêvait de devenir homme d’affaires ou graphique designer", se souvient-il. Il s’appelait Labib, il avait 19 ans.
L'attaque du 7-Octobre, il y a désormais un mois, n'a évidemment pas arrangé une situation déjà difficile depuis de longs mois. En février dernier, deux jeunes colons israéliens ont été tués par des tirs palestiniens. Dans la foulée, des dizaines de colons ont saccagé les magasins, les voitures, les commerces, en guise d'opération punitive. Bilan : un mort et une centaine de blessés côté palestinien. "Ce ne sont pas des combats. Les colons attaquent les gens et les gens se défendent", juge Brahim, régisseur dans une école de la ville.
"Si un colon entre dans ma maison pour me tuer, je suis censé faire quoi : ne pas réagir ? Quand ils descendent, les colons sont accompagnés par l’armée. Ils arrivent avec leurs armes. Nous, on ne peut pas lutter avec des pierres."
Brahim, régisseur dans une école d'Huwaraà franceinfo
"Cela fait un an qu'on ne dort pas à cause des colons"
Tous les Palestiniens le disent ici : le 7 octobre et l'assaut meurtrier du Hamas, aussi inacceptable soit-il, doit être remis en perspective, à la lumière de la politique de colonisation encouragée par Benyamin Nétanyahou qui a généré de la colère. En Cisjordanie, territoire où vivent 2,8 millions de Palestiniens, plus de 475 000 Israéliens résident dans des colonies illégales selon le droit international. Fardouz, palestinienne d’une cinquantaine d’années, vit tout près de la colonie juive d’Ytzhar située sur les hauteurs de la ville. "On habite au sommet de la colline. Je jure devant Dieu que ce n’est pas depuis que la guerre a commencé. Cela fait un an qu’on ne dort pas la nuit à cause des colons, explique-t-elle. Comme vous pouvez le voir, ils ont brûlé des maisons. Le soir, on laisse la lumière allumée, on reste en alerte et au cas où les colons descendent, on demande aux jeunes de venir nous protéger."
Impossible de parler à un habitant de la colonie d’Ytzhar. Son porte-parole a été rappelé par l’armée israélienne et se trouve actuellement dans le sud d’Israël. Il n'a pas répondu à nos appels, mais a envoyé ce message sur WhatsApp : "Ce que je peux dire, c’est que Huwara est un village arabe nazi qui veut massacrer les juifs comme les abominables tueurs de Gaza". Et il ajoute : "Plus jamais ça".
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