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Guerre en Syrie : que font les Etats officiellement… et en coulisses ?

Après deux ans d'une contestation qui s'est muée en conflit armé, francetv info fait le point sur les positions des principaux Etats impliqués et sur leurs actions moins officielles. 

Article rédigé par Gaël Cogné
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 14min
L'Assemblée générale de l'ONU, à New York, lors d'un discours de Kofi Annan sur la situation en Syrie, le 7 juin 2012. (TIMOTHY A. CLARY / AFP)

Après deux ans d'une contestation qui s'est muée en conflit armé, de nombreux Etats ont pris position sur la crise qui déchire la Syrie. Les uns tentent de résister à une contamination du conflit, d'autres cherchent à en tirer avantage pour déstabiliser un concurrent… et ils ne disent pas toujours la même chose officiellement et en coulisses. Revue de détail.

Les pays frontaliers

La Turquie, refuge de rebelles

Officiellement, la Turquie est l’un des chefs de file de l’opposition internationale au régime de Damas. Le Premier ministre turc a été parmi les premiers chefs d’Etat à réclamer la démission du président syrien, Bachar Al-Assad, en novembre 2011. Il a comparé la répression menée par le régime aux méthodes de "l'Allemagne nazie".

Des incidents frontaliers surviennent fréquemment avec la Syrie. Le 22 juin, un avion F4 Phantom turc a été abattu par l’armée syrienne au-dessus de la Méditerranée. Une crise diplomatique a suivi.

La Turquie a pris fait et cause pour la rébellion, qu’elle a reconnue. Elle est un des onze membres de la conférence des “Amis du peuple syrien”. Signe de la proximité d'Ankara avec l’opposition, celle-ci a pu organiser, sur le sol turc, le 3 mars, une élection pour la province d’Alep.

Officieusement, des rebelles se trouvent en Turquie et le pays héberge une base secrète à Adana. Si cette base est censée fournir une assistance militaire et un soutien logistique en matière de communications, Damas accuse régulièrement Ankara de fournir des armes, qui circulent beaucoup en Turquie.


L'Irak, pays fragile et divisé

Officiellement, l’Irak, pays multiconfessionnel, reste très mesuré. Il tente de se relever d’une grave guerre civile. Son exécutif a été porté à bout de bras par les Américains. Mais le conflit en Syrie le fragilise à nouveau. Début mars, 48 soldats syriens réfugiés en Irak ont été tués par Al-Qaïda, menaçant d'importer la guerre sur le sol irakien.

Officieusement, le gouvernement, dominé par les chiites, est proche de l’Iran, et donc du régime syrien. Malgré la pression américaine, il refuse de désavouer Bachar Al-Assad. Un rapport des services de renseignements occidentaux révélé par Reuters en septembre 2012 a affirmé que des armes circulent de l’Iran vers le régime syrien, via l’espace aérien irakien. Bagdad dément.

Si le pouvoir est enclin à pencher du côté du régime syrien, ce n’est pas le cas de toute la population. Environ un tiers des Irakiens sont sunnites, la principale confession des rebelles syriens. Les habitants de l’ouest de l’Irak entretiennent des liens très étroits avec leurs voisins de l’est de la Syrie, hostile à Bachar Al-Assad. Le Front Al-Nosra, un important groupe rebelle en Syrie, est une émanation d’Al-Qaïda en Irak (AQI), classé comme organisation terroriste par les Etats-Unis. Et AQI est accusé de piloter le Front Al-Nosra depuis l’Irak.

Le Liban, l’impossible neutralité

Officiellement, depuis le début du conflit, le Liban a cherché à se maintenir à l’écart du conflit. Pas évident. Le pays a été pendant trois décennies sous la tutelle politique et militaire de la Syrie. Son armée ne s’est retirée qu'en 2005.

Le multiconfessionnel Liban reste divisé au sujet du conflit syrien et a failli s’embraser en octobre 2012. Le puissant parti chiite Hezbollah est proche du régime de Damas, mais le gouvernement, qu'il domine avec ses alliés, a appelé à se distancier du conflit en Syrie pour ne pas plonger le pays dans le chaos.

Officieusement, des rebelles trouvent parfois refuge de l’autre côté de la frontière. Les forces politiques s’accusent mutuellement de soutenir rebelles ou régime. Fin février, le secrétaire général de l’ONU a laissé entendre que le Hezbollah pourrait s’être engagé en Syrie contre les rebelles.

Israël, l’ennemi de toujours

Officiellement, Israël et la Syrie sont en guerre, depuis 1967, même si un accord de cessez-le-feu a été signé. Il établit que l’armée syrienne n’a pas le droit de pénétrer sur le plateau du Golan. En novembre, Israël a effectué un tir de sommation après qu’un obus syrien eut touché un poste-frontière israélien sur le plateau. Le 4 mars, il s’est plaint de la chute de projectiles tirés depuis le territoire syrien. L'Etat hébreu a prévenu qu’il ne resterait pas “les bras croisés”.

Officieusement, des forces spéciales israéliennes opéreraient en territoire syrien, selon le Sunday Times. Leur objectif : tracer les armes chimiques et biologiques pour prévenir leur utilisation. En janvier, un mystérieux raid aérien attribué à Israël a visé un centre de recherche sur les armes biologiques et chimiques en Syrie. Et le 7 mars, Damas a dit avoir découvert du matériel d’espionnage israélien : une caméra qui aurait été cachée dans de faux rochers sur la côte, à proximité d’un site sensible.

La Jordanie, prudent précurseur

Officiellement, le roi de Jordanie, Abdallah II, a été le premier dirigeant arabe à exhorter Bachar Al-Assad à quitter le pouvoir, en novembre 2011. Le pays, membre de la conférence des “Amis du peuple syrien”, affirme accueillir 350 000 réfugiés. Le royaume a déployé douze lanceurs de missiles Himar pour se protéger en cas de "geste de désespoir" syrien. Des incidents ont eu lieu à la frontière.

Officieusement, la Jordanie est hostile à la livraison d’armes lourdes aux rebelles syriens. Abdallah II redoute que les armes se retrouvent entre les mains d’islamistes, première force d’opposition en Jordanie. Mais le pays servirait de base arrière pour les rebelles. Selon Le Figaro, certains seraient entraînés depuis décembre par les forces spéciales américaines au "King Abdullah II special operations training center", au nord de la capitale jordanienne.

Les puissances régionales

L'Iran, l’allié historique de la Syrie

Officiellement, Téhéran est le plus fervent défenseur de Damas. La chute de son allié syrien affaiblirait sa position au Moyen-Orient, face aux puissances sunnites. L'Iran n’est pas forcément opposé à un changement à la tête de l’Etat syrien, mais réclame qu’il y ait des élections auxquelles participerait Bachar Al-Assad en 2014.

Officieusement, l'Iran œuvre pour soutenir son allié. Des combattants d’élite iraniens, des pasdarans, se trouveraient aux côtés de l’armée syrienne. L’Iran n’évoque qu’une aide "non militaire". Mais il est encore accusé d’armer les forces syriennes quotidiennement par avion.

L'Arabie saoudite, l’aide discrète aux insurgés

Officiellement, la monarchie sunnite, engagée dans un bras de fer avec l’Iran chiite, s’oppose au régime syrien. Le pays, qui compte parmi les onze membres de la conférence des “Amis du peuple syrien”, y voit une opportunité d’affaiblir les Iraniens et le croissant chiite Iran-Syrie-Hezbollah. 

Officieusement, il fait peu de mystère que l’Arabie saoudite finance et arme les rebelles discrètement. Reste à savoir dans quelle mesure. Riyad pourrait cependant limiter cette aide, de peur que la situation ne lui échappe, comme en Afghanistan, ou que les Frères musulmans ne mettent la main sur la révolution.

Le Qatar, relais des rebelles

Officiellement, le Qatar, qui fait partie des onze membres de la conférence des “Amis du peuple syrien”, a reconnu l’opposition syrienne comme seule représentante légitime. Comme l’Arabie saoudite, le Qatar cherche à déstabiliser le croissant chiite. En septembre, il a demandé une intervention des pays arabes en Syrie pour faire cesser le conflit.

Officieusement, le Qatar, proche des Frères musulmans, soutient cette organisation puissante au sein de la rébellion syrienne. Pas de doutes, selon tous les observateurs, le Qatar livre des armes aux rebelles. Il s’y était dit favorable par principe dès février 2012.

Les membres du Conseil de sécurité de l'ONU

Les Etats-Unis, inquiets face aux jidahistes

Officiellement, les Etats-Unis sont hostiles à Bachar Al-Assad et à son régime. Mais, après la France, il aura fallu un mois aux Américains, par la voix de Barack Obama, pour reconnaître à leur tour la nouvelle coalition de l'opposition syrienne comme "représentante légitime" des Syriens. A plusieurs reprises depuis juillet 2012, les Etats-Unis ont fait part de leurs inquiétudes sur l'utilisation du stock d’armes chimiques dont dispose Bachar Al-Assad. La Syrie a répondu qu’elle n’hésiterait pas à s’en servir en cas d’"agression extérieure".

Le 28 février, les Etats-Unis, qui font partie des onze membres de la conférence des “Amis du peuple syrien”, ont annoncé une aide de 60 millions de dollars destinée à fournir une "aide non létale" aux rebelles. Car Washington s’inquiète aussi de la présence de plus en plus importante de jihadistes sur le sol syrien. Un peu avant de reconnaître l’opposition, les Etats-Unis ont ainsi placé sur leur liste noire antiterroriste le Front Al-Nosra.

Officieusement, un rapport dévoilé par le New York Times affirme que les Etats-Unis fournissent des renseignements, notamment pour des livraisons de fusils et grenades par l’Arabie saoudite et le Qatar. Des forces spéciales forment aussi des rebelles sur le sol jordanien.

La France, chef de file des amis de l’opposition

Officiellement, François Hollande a pris les devants en étant le premier chef d’Etat à reconnaître la coalition nationale syrienne comme autorité légitime. Par ailleurs, son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, a été l’un des initiateurs du groupe des "Amis du peuple syrien" après le deuxième veto sino-russe au Conseil de sécurité de l’ONU.

Officieusement, la France est accusée par Damas de financer et d’armer les "terroristes", terme utilisé par le régime syrien pour désigner les insurgés. Jeudi 14 mars, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a affirmé que si l'Union européenne ne levait pas l'embargo sur les armes vers la Syrie, Paris livrerait des armes aux rebelles sans son accord. Selon Le Figaro, la France participe à la formation de rebelles en Jordanie. Elle a aussi permis à Manaf Tlass, général et ami de Bachar Al-Assad, de faire défection et d’être exfiltré.

Le Royaume-Uni, aligné sur la position des Occidentaux

Officiellement, Londres a pris parti pour la coalition de l’opposition syrienne. Les Britanniques n’envisagent toutefois pas d’opération militaire en Syrie. Le pays, qui compte parmi les onze de la conférence des "Amis du peuple syrien", accueille l’Observatoire syrien des droits de l’homme. Cette ONG comptabilise les victimes de la guerre.

Officieusement, Damas accuse Londres de financer et d’armer les rebelles syriens. Au même titre que la France, le Royaume-Uni formerait des rebelles en Jordanie.

La Chine, anti-ingérence et hostile à l’islamisme

Officiellement, Pékin a utilisé à trois reprises son droit de veto pour bloquer des résolutions au Conseil de sécurité de l’ONU. Elle est toutefois en retrait de Moscou sur ce dossier. La Chine, hostile à l’ingérence étrangère, a le sentiment de s’être fait berner par la France et le Royaume-Uni lors de la crise libyenne. Mais c’est aussi un pays hostile à l’islamisme. La Chine a toutefois proposé, le 1er novembre 2012, son propre plan de résolution du conflit.

Officieusement, des Chinois ouïgours combattraient en Syrie contre le régime et entraîneraient des jihadistes, dénonce Pékin.

La Russie, un soutien intéressé au régime

Officiellement, Moscou est l’un des principaux alliés du régime syrien. Avec la Chine, la Russie a utilisé à trois reprises son droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU pour bloquer des résolutions condamnant le régime d'Al-Assad. Quelques 25 000 à 30 000 Russes vivraient en Syrie. La Russie dispose d’une base navale à Tartous, son seul accès à la Méditerranée. Un point stratégique au Moyen-Orient. Les investissements russes sont importants en Syrie où Moscou ne fait aucun mystère de ses livraisons d'armes. D’autant que Moscou redoute l’islamisme que l'armée russe affronte dans le Caucase voisin.

Officieusement, depuis quelques mois, Moscou semble prendre ses distances avec Damas et assouplir sa position. Il a été évoqué des négociations secrètes avec les Etats-Unis pour préparer l’après-Assad, en contrepartie de concessions sur d’autres dossiers. Plus récemment, France et Russie ont semblé se rapprocher.

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