Présidentielle américaine : pourquoi le résultat de l'élection ne sera sans doute pas connu cette nuit

Lors de la dernière présidentielle, en 2020, les résultats officiels avaient été publiés quatre jours après le scrutin, en raison, notamment, du délai lié au dépouillement des votes par correspondance.
Article rédigé par Elise Lambert
France Télévisions
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Des électeurs votent de façon anticipée pour la présidentielle dans un bureau à New York, le 26 octobre 2024. (ANTHONY BEHAR / SIPA USA)

Qui sera la ou le 47e président des Etats-Unis ? Les Américains votent, mardi 5 novembre, pour décider qui de Donald Trump ou de Kamala Harris sera le futur locataire de la Maison Blanche. Mais il est peu probable que les urnes révèlent le vainqueur immédiatement, tant le scrutin est incertain.

Les modalités de vote et le risque élevé de contestation des résultats pourraient prolonger l'attente pendant plusieurs jours, comme lors de la dernière présidentielle en 2020. Le nom du gagnant n'avait été révélé que le 7 novembre, quatre jours après le scrutin. Face à Joe Biden, Donald Trump s'était déclaré vainqueur et avait dénoncé des irrégularités supposées dans le processus électoral. Ce refus d'admettre sa défaite avait abouti à l'attaque meurtrière du Capitole par ses partisans, le 6 janvier 2021.

Franceinfo vous explique pourquoi il faudra sûrement patienter pour savoir qui succédera à Joe Biden.

Parce que le décompte des votes par correspondance et des votes anticipés prend du temps

Les citoyens disposent de plusieurs modalités pour élire leur futur président, dont le vote par correspondance. Ce dernier existe depuis la guerre de Sécession (1861-1865). A l'époque, il permettait aux soldats qui se battaient loin de leur domicile de pouvoir voter, rappelle National Geographic. Par la suite, ce procédé a été étendu à tous les Etats américains, sous des conditions diverses. Aujourd'hui, sept Etats – l'Oregon, l'Utah, la Californie, l'Etat de Washington, le Colorado, le Nevada et Hawaï – ont entièrement remplacé le vote physique par le vote par correspondance, détaille le site dédié aux élections du Massachusetts Institute of Technology (MIT).

Ce vote à distance gagne du terrain. Lors de la dernière présidentielle, plus de 43% des électeurs avaient voté par correspondance, notamment en raison de la pandémie de Covid-19, rappelle l'agence AP. Les autres électeurs avaient choisi à parts presque égales de voter par anticipation ou en personne.

Or, le dépouillement des votes anticipés ou par correspondance prend plus de temps que celui des votes physiques. "Il faut vérifier l'identité de la personne, s'assurer qu'elle est inscrite sur les listes électorales", explique Steven Ekovich, professeur de sciences politiques à l'American University of Paris. Dans certains Etats, la vérification inclut notamment la correspondance avec une signature ou une pièce d'identité avec photo, précise le magazine Time.

D'autant que ce 5 novembre, les Américains votent aussi pour des élus locaux, des juges, des shérifs, des référendums... "J'ai moi-même voté par anticipation en Californie, et mon bulletin faisait cinq ou six pages ! Il faut du temps pour relever tous ces résultats", reprend Steven Ekovich. Cette année, les premiers bulletins de vote par correspondance ont commencé à être expédiés le 6 septembre. Dans certains Etats, ils peuvent être comptabilisés à l'avance, mais d'autres interdisent tout décompte avant le jour du scrutin. C'est le cas du Wisconsin, Etat pivot perdu par les démocrates en 2016 et repris en 2020. Cette règle peut entraîner des délais considérables avant l'annonce des résultats.

Pour cette élection, "il y a aussi eu plusieurs recours pour savoir si un bulletin envoyé avant le 5 novembre, mais reçu après le jour fatidique, pouvait être valide", poursuit Steven Ekovich. Chaque Etat est libre de statuer, puisque "le processus électoral est décentralisé", insiste le spécialiste. Quoi qu'il en soit, les Etats auront jusqu'au 11 décembre pour certifier leurs résultats, six jours avant que le collège électoral ne se réunisse, rappelle MSNBC.

Parce que des recours sont attendus en cas de résultats serrés, notamment dans les "swing states"

Comme en 2020, l'élection présidentielle pourrait se jouer à quelques dizaines de milliers de voix près dans une poignée d'Etats particulièrement disputés : la Pennsylvanie, le Michigan, le Wisconsin, la Géorgie, la Caroline du Nord, l'Arizona et le Nevada. Or, la bataille pour remporter ces territoires a déjà débuté dans les tribunaux. En avril, le Parti républicain a lancé "un programme historique pour l'intégrité électorale", mobilisant 100 000 personnes, a-t-il décrit sur X. Le Grand Old Party (GOP) a déposé pas moins de 120 recours en justice dans 26 Etats pour contester les règles électorales, et semer le doute sur les résultats officiels, développe Reuters.

En Géorgie, les républicains ont ainsi tenté, sans succès, d'imposer aux travailleurs électoraux un décompte manuel des bulletins, afin de ralentir le processus et de bloquer la certification des résultats en cas de défaite, explique l'agence Reuters. En Arizona, la Cour suprême fédérale a rétabli une loi électorale locale exigeant une preuve de citoyenneté américaine pour s'inscrire sur les listes électorales, en réponse à une demande des conservateurs, ajoute Reuters. En Pennsylvanie, la Cour suprême de l'Etat a refusé la requête de républicains visant à empêcher les électeurs de corriger les erreurs (signature, informations manquantes...) sur les bulletins de vote par correspondance, détaille CNN.

Le Parti démocrate et les groupes de défense des droits civiques sont aussi mobilisés. En Pennsylvanie, le Comité national démocrate a soutenu un recours, finalement infructueux, visant à faire compter les bulletins de vote par correspondance non datés, rapporte Bloomberg. En Alabama, des organisations progressistes ont poursuivi une directive du secrétaire d'Etat républicain Wes Allen visant à interdire le vote de plus de 3 000 résidents inscrits dans une base de ressortissants étrangers, alors que certains d'entre eux pouvaient y avoir été inscrits par erreur.

Ces dizaines de batailles juridiques risquent de durer au-delà du 5 novembre, car il n'existe pas de règle sur la date à laquelle les tribunaux doivent statuer, pointe Bloomberg. De plus, "d'autres recours sont prévus dans les Etats clés en cas de résultats serrés", explique Robert R. Preuhs, professeur de sciences politiques à la Metropolitan State University de Denver. "S'ils n'aboutissent pas forcément à une modification des résultats, ils pourraient alimenter la méfiance des partisans du camp perdant, menant à des manifestations ou des tensions politiques."

Parce que Donald Trump s'est préparé à contester une éventuelle défaite

"C'est la seule façon pour nous de perdre, parce qu'ils trichent", a déclaré le républicain de 78 ans lors d'un rassemblement dans le Michigan, le 27 septembre. Durant la campagne, Donald Trump n'a cessé d'affirmer que s'il perdait, ce serait uniquement dû à une fraude électorale organisée par les démocrates. En 2020 déjà, il avait affirmé, sans preuves, que le recours croissant au vote par correspondance avait conduit à des fraudes et à sa défaite. Si le scénario se répète cette année, "il va (...) faire tout ce qui est possible pour inverser les résultats", prédit auprès de l'AFP Donald Nieman, professeur de sciences politiques à l'université Binghamton, dans l'Etat de New York.

Pour ce faire, le milliardaire et ses alliés ont mis au point ces derniers mois une vaste organisation de contestation des résultats. En plus des recours juridiques déposés à travers le pays pour faire adopter des lois électorales en leur faveur, les républicains ont mobilisé des milliers de bénévoles pour surveiller le processus de vote le 5 novembre. Ces effectifs incluent 200 000 observateurs, travailleurs électoraux et experts juridiques, rapporte le Wall Street Journal. Un groupe conservateur a également développé un site visant à signaler des fraudes et permettre aux utilisateurs de publier et de commenter des "irrégularités électorales", pour semer le doute sur le scrutin. Selon la même source, un réseau de donateurs conservateurs a investi plus de 140 millions de dollars (environ 130 millions d'euros) pour soutenir ces opérations.

Cette organisation semble porter ses fruits auprès de l'électorat républicain. Un sondage du Public Religion Research Institute publié le 16 octobre montre que 19% des républicains pensent que si Donald Trump perdait, il devrait contester les résultats et chercher à prendre le pouvoir par tous les moyens.

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