Accusations de viols contre Damien Abad : comment les affaires impliquant des ministres ont-elles été traitées pendant le premier quinquennat Macron ?
Parmi les principales affaires impliquant des ministres sous le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, sept se sont soldées par des départs.
Démissionner ou rester à son poste ? Damien Abad, tout juste nommé ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées, est accusé de viol par deux femmes. Alors que le parquet de Paris a fait savoir à franceinfo ne pas ouvrir d'enquête préliminaire "en l'état", après le signalement de l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique, la question du maintien, ou non, de l'ancien élu LR au gouvernement agite l'exécutif.
"Je peux vous assurer que, s'il y a de nouveaux éléments, si la justice est à nouveau saisie, on [en] tirera toutes les conséquences", a réagi la Première ministre, Elisabeth Borne, dimanche 22 mai. Pour comprendre la position adoptée par l'exécutif, franceinfo revient sur la gestion des affaires impliquant des ministres durant le premier mandat d'Emmanuel Macron.
Juin 2017 : embarrassé par l'affaire des Mutuelles de Bretagne, Richard Ferrand rejoint l'Assemblée nationale
Alors ministre de la Cohésion des territoires, Richard Ferrand quitte le gouvernement au soir du 19 juin 2017. Selon les proches du ministre, sondés par franceinfo, "le président [de la République] a demandé à son homme de confiance" de rejoindre les bancs du Palais Bourbon, où il brigue la présidence du groupe LREM.
Quelques semaines plus tôt, Le Canard enchaîné a révélé qu'en 2011, les Mutuelles de Bretagne, dirigées à l'époque par Richard Ferrand, ont choisi de louer des locaux proposés par une société civile immobilière détenue à 99% par sa compagne, Sandrine Doucen. Le parquet de Brest ouvre une enquête préliminaire en juin, classée sans suite, notamment pour prescription.
L'enquête rebondit en novembre 2017 avec la plainte pour "prise illégale d'intérêts", "recel" et "complicité" de ce délit déposée par l'association Anticor. Plainte qui n'empêche pas Richard Ferrand de devenir le quatrième homme de l'Etat en étant nommé président de l'Assemblée à l'automne 2018. Mis en examen en 2019, il conserve cette fonction. En mars 2021, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai retient la prescription en faveur de Richard Ferrand. Anticor se pourvoit en cassation.
Juin 2017 : François Bayrou démissionne après l'ouverture d'une enquête sur les assistants parlementaires du MoDem
Après 34 jours passés en tant que garde des Sceaux, François Bayrou démissionne le 21 juin 2017. Deux autres ministres MoDem, Sylvie Goulard, ministre des Armées, et Marielle de Sarnez, ministre chargée des Affaires européennes, démissionnent également à quelques jours d'intervalle. Une enquête préliminaire a été ouverte le 9 juin sur des soupçons d'emplois fictifs concernant des assistants de députés européens du MoDem, parti dont François Bayrou est le président.
En décembre 2019, François Bayrou est finalement mis en examen (pour "complicité de détournement de fonds publics"), comme une dizaine de membres ou anciens membres du MoDem. Après avoir été un temps en retrait de la vie politique, il est nommé en septembre 2020 à la tête d'un haut-commissariat au Plan par Emmanuel Macron. L'enquête est toujours en cours.
Février 2018 : Nicolas Hulot est soutenu après la révélation d'une plainte pour viol
En février 2018, le magazine Ebdo dévoile la plainte pour viol déposée en 2008, mais classée sans suite pour prescription, contre le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot. Emmanuel Macron et tout son gouvernement font bloc derrière lui.
Marlène Schiappa, alors secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, reproche, dans une tribune publiée dans Le Journal du dimanche, aux "accusateurs de Nicolas Hulot" de "bafouer la parole des femmes". Ce dernier annonce finalement sa démission du gouvernement le 28 août 2018 pour une autre raison, invoquant des décisions prises contraires à ses convictions écologistes.
Depuis, Nicolas Hulot a été visé par de nouvelles accusations. Le 26 novembre 2021, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire contre l'ex-animateur de télévision pour "viol" et "agressions sexuelles", après la diffusion sur France 2 d'un reportage d'"Envoyé spécial". Dans ce document, six femmes accusaient Nicolas Hulot de violences sexuelles qui auraient eu lieu entre 1989 et 2001. Entendu par les enquêteurs le 24 mai dernier, il est ressorti des locaux de la police sans qu'aucune charge ne soit retenue contre lui à ce stade, a appris franceinfo de source judiciaire.
Mai 2018 : entendue dans l'affaire Business France, Muriel Pénicaud reste en place
Le dossier est embarrassant pour l'Elysée. Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, apparaît dans une affaire remontant à la présidence de François Hollande. Deux mois avant sa nomination au gouvernement, le parquet de Paris a ouvert, en mars 2017, une enquête à propos de l'organisation d'un déplacement d'Emmanuel Macron, alors ministre de l'Economie, en janvier 2016, à Las Vegas (Etats-Unis).
L'organisation en avait été confiée sans appel d'offres à la société Havas par Business France, entité dépendant de Bercy et dirigée à l'époque par Muriel Pénicaud. Auditionnée en mai 2018 dans le cadre de l'information judiciaire ouverte pour "favoritisme" et "recel de favoritisme", la ministre n'est pas mise en examen et reste sous le statut de témoin assisté. Elle est maintenue à son poste jusqu'au remaniement de juillet 2020.
Septembre 2018 : craignant des révélations sur sa situation fiscale, Laura Flessel quitte son poste
Le 4 septembre 2018, Laura Flessel, la ministre des Sports, quitte le gouvernement, avançant "des raisons personnelles". Pourtant, selon Le Canard enchaîné et Mediapart (article réservé aux abonnés), la démission de l'ancienne championne d'escrime résulte d'une omission dans sa déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) de ses revenus issus d'une société exploitant son droit à l'image.
Selon Mediapart, le fisc avait informé la Commission des infractions fiscales de Bercy, en vue d'une possible plainte pénale pour fraude, quelque temps avant sa démission.
Octobre 2018 : Françoise Nyssen, visée par une enquête préliminaire, cède sa place
La ministre de la Culture est remplacée par Franck Riester lors d'un remaniement, alors qu'elle est visée, depuis août 2018, par une enquête préliminaire du parquet de Paris. Celle-ci fait suite aux révélations du Canard enchaîné concernant des travaux illégaux réalisés en 1997 au sein des locaux parisiens d'Actes Sud, la maison d'édition que Françoise Nyssen dirigeait avec son époux. L'enquête a été classée sans suite en décembre 2020.
Juillet 2019 : François de Rugy démissionne, malgré l'absence de poursuites judiciaires
Pas d'enquête ouverte, mais une affaire qui tombe mal, en plein mouvement des "gilets jaunes". Le 16 juillet 2019, François de Rugy, ministre de la Transition écologique, démissionne après la parution d'un article de Mediapart (article réservé aux abonnés) qui raconte la "vie de château" menée lorsqu'il présidait l'Assemblée nationale. En plus des repas aux homards, François de Rugy est accusé d'avoir réalisé des "travaux de confort" avec des fonds publics dans son logement de fonction.
Il quitte son ministère à la veille d'une nouvelle révélation : il est épinglé pour avoir utilisé son indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) pour payer une partie de ses cotisations à Europe Ecologie-Les Verts. Une somme ensuite déduite de son impôt sur le revenu. Pourtant, 24 heures avant sa démission, Emmanuel Macron lui avait renouvelé sa confiance. "Je ne prends pas de décisions sur la base de révélations, mais de faits", avait-il martelé.
Novembre 2019 : éclaboussé par l'affaire Avenir lycéen, Jean-Michel Blanquer reste inébranlable
Le ministre de l'Education nationale est soupçonné par Libération et Mediapart (articles réservés aux abonnés) d'avoir téléguidé la création du petit syndicat Avenir lycéen, à la ligne pro-gouvernementale. Problème, ce même syndicat a reçu de généreuses subventions publiques de 65 000 euros en 2019, utilisées en frais de bouche et hôtels de luxe. Le ministère diligente une enquête administrative sur les subventions accordées à cette association. Le 1er décembre 2020, le parquet de Paris ouvre une enquête pour "détournement de fonds publics" à l'encontre du syndicat. L'enquête est toujours en cours.
Décembre 2019 : Jean-Paul Delevoye se retire avant l'ouverture d'une enquête
Le haut commissaire aux Retraites quitte ses fonctions le 16 décembre 2019 après que plusieurs journaux, dont Le Parisien, ont pointé treize "omissions" de mandats dans sa déclaration à la HATVP. Il accepte "la dure loi de la responsabilité, de l'exemplarité et de la transparence" lors de sa démission. Deux jours après son retrait, la HATVP saisit la justice. Le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire le 19 décembre pour "abus de biens sociaux", "abus de confiance" et "recel". Il a été condamné en décembre 2021 à quatre mois de prison avec sursis et 15 000 euros d'amende.
Depuis juin 2020 : Olivier Dussopt, visé par une enquête du Parquet national financier, est maintenu
Mediapart (article réservé aux abonnés) révèle en juin 2020 qu'Olivier Dussopt, ministre de l'Action et des Comptes publics, est visé par une enquête préliminaire du Parquet national financier pour "prise illégale d'intérêts" et "corruption". Une affaire qui n'a pas freiné l'ascension de celui qui vient d'être nommé ministre du Travail dans le gouvernement d'Elisabeth Borne.
Alors qu'il était député-maire d'Annonay (Ardèche) en janvier 2017, il avait accepté deux lithographies en cadeau par la société de traitement de l'eau Saur. Olivier Dussopt avait signé un contrat entre l'entreprise et sa commune, six mois après la réception des œuvres. "J'ai restitué (...) les lithographies", s'est défendu l'intéressé après une perquisition de son domicile par l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales en août 2020.
Depuis juillet 2020 : Gérald Darmanin reste en place malgré les accusations de violences sexuelles
C'est "une relation de confiance d'homme à homme" entre un président et son ministre qui permet à Gérald Darmanin de rester en fonction. Alors qu'en juillet 2020, sa nomination à l'Intérieur provoque la colère de nombreuses associations féministes, Emmanuel Macron martèle ne pas vouloir que la France devienne une "démocratie d'opinion". "A partir du moment où il est accusé, mais pas jugé, il devient en quelque sorte la victime d'un jugement de rue ou de réseaux sociaux", commente alors le président.
En juin 2017, une première femme dépose plainte pour "viol" contre le ministre de l'Intérieur pour des faits remontant à 2009. Selon la plaignante, celui qui est alors chargé de mission au service juridique de l'UMP la reçoit pour tenter de faire réviser une condamnation de 2004 pour chantage et appels malveillants à l'égard d'un ex-compagnon. Après avoir classé la plainte sans suite en 2017 puis en 2018, la justice relance une enquête en 2020. Le ministre de l'Intérieur est placé sous le statut de témoin assisté. En janvier dernier, le parquet de Paris requiert finalement un non-lieu.
En février 2018, une seconde femme l'accuse d'"abus de faiblesse" pour l'avoir contrainte à des rapports sexuels en échange de l'obtention d'un logement social et d'un emploi à Tourcoing (Nord), ville dont il a été maire de 2014 à 2017. La justice a classé cette enquête sans suite en mai 2018.
Depuis janvier 2021 : visé par une enquête, Sébastien Lecornu est promu dans le gouvernement Borne
Autre ministre à avoir été maintenu malgré une enquête pour "prise illégale d'intérêts" et "omission de déclaration à la HATVP" : Sébastien Lecornu, ex-ministre des Outre-Mer. Il a récemment pris la suite de Florence Parly au ministère des Armées, dans le gouvernement Borne.
L'enquête, lancée en janvier 2021, vise ses activités passées à la tête du département de l'Eure. Dans sa déclaration à la HATVP, le ministre mentionne avoir touché 7 874 euros brut de "jetons de présence" en tant qu'administrateur de la Société des autoroutes Paris Normandie (SAPN) entre 2016 et 2017. Or, celui qui était alors président du conseil départemental de l'Eure aurait approuvé plusieurs délibérations de la collectivité ayant trait à la SAPN. Il a été entendu en avril par la police anticorruption lors d'une audition libre. L'enquête suit son cours.
Juillet 2021 : Eric Dupond-Moretti, mis en examen, ne démissionne pas
En janvier 2021, une enquête pour "prise illégale d'intérêts" est ouverte à l'encontre du garde des Sceaux, par la Cour de justice de la République (CJR). Mis en examen le 16 juillet 2021, Eric Dupond-Moretti s'est toujours refusé à démissionner : "Rien n'entamera ma détermination, je suis extrêmement serein. Ma légitimité, je la tiens du président de la République et du Premier ministre", déclarait-il l'été dernier lors d'un déplacement. Au cœur du dossier, les plaintes de trois syndicats de magistrats et de l'association Anticor. Ils lui reprochent d'avoir utilisé son rôle de ministre de la Justice pour régler ses comptes contre des magistrats avec qui il avait eu maille à partir lorsqu'il était avocat, notamment dans l'affaire dite "des fadettes".
Le 15 avril dernier, les magistrats instructeurs de la CJR ont clos leurs investigations. Mardi 10 mai, le ministère public a requis un procès contre le garde des Sceaux, estimant qu'il "existe des charges suffisantes contre ce dernier d’avoir commis ces faits". Il revient maintenant aux magistrats de la commission d'instruction de la Cour de justice de la République de décider s'ils renvoient l'ancien avocat devant cette Cour ou s'ils prononcent un non-lieu.
Décembre 2021 : Alain Griset démissionne une fois condamné
Le 8 décembre 2021, le ministre délégué aux PME est condamné à six mois de prison avec sursis et à une peine d'inéligibilité de trois ans avec sursis. En cause, une "déclaration incomplète ou mensongère de sa situation patrimoniale" et "de ses intérêts". Il démissionne du gouvernement et annonce faire appel de la condamnation.
Dans cette affaire, Alain Griset est soupçonné par la HATVP d'avoir sciemment omis de déclarer "des participations financières détenues dans un plan d'épargne en actions, ainsi que le compte espèces associé, pour un montant total de 171 000 euros", ainsi que des "participations directes" dans plusieurs sociétés telles que la Française des Jeux ou Natixis. Quelques semaines avant le procès, le ministre affirmait avoir "la confiance renouvelée du président de la République et du Premier ministre".
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