Agriculture, classes moyennes, éducation... Que faut-il attendre de la déclaration de politique générale de Gabriel Attal à l'Assemblée ?

Article rédigé par Margaux Duguet, Clément Parrot - avec le service politique de France Télévisions
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Temps de lecture : 5 min
Le Premier ministre, Gabriel Attal, lors d'une séance de questions au gouvernement, à l'Assemblée nationale, le 23 janvier 2024. (VIRGINIE HAFFNER / HANS LUCAS / AFP)
En pleine colère du monde agricole, le nouveau Premier ministre va présenter mardi sa feuille de route et ses priorités devant les députés. Si le chef du gouvernement ne sollicitera pas de vote de confiance, il va tâcher de détailler les grandes réformes à venir pour cette nouvelle phase du quinquennat d'Emmanuel Macron.

Gabriel Attal est attendu pour son grand oral. Le nouveau Premier ministre doit prononcer devant l'Assemblée nationale sa déclaration de politique générale (ou "DPG"), mardi 30 janvier. Trois semaines après son arrivée à Matignon, en plein mouvement de colère du monde agricole, le jeune chef de gouvernement est déjà sous pression. Il va devoir faire ses preuves en détaillant les priorités de son action devant la représentation nationale.

L'exercice est une possibilité offerte par l'article 50-1 de la Constitution. S'il n'y a aucune obligation à prononcer une DPG, il s'agit néanmoins d'une tradition républicaine. Il est aussi d'usage que le nouveau Premier ministre engage après son discours sa responsabilité via un vote de confiance, mais Gabriel Attal a déjà annoncé qu'il ne prendrait pas un tel risque, l'hémicycle étant toujours dépourvu de majorité absolue. "Un vote de confiance face à des oppositions qui sont dans la défiance a priori et dans un réflexe pavlovien de rejet, cela n'a pas beaucoup de sens", justifie le député Renaissance Antoine Armand. 

Vent debout contre les hausses annoncées des franchises médicales et des prix de l'électricité, les oppositions ne comptent pas faire de cadeau au nouveau chef du gouvernement. "On se prépare à un programme de souffrance générale", a par exemple ironisé le coordinateur de la France insoumise, Manuel Bompard, après avoir rencontré Gabriel Attal. "La seule chose qu'il nous ait dite, c'est qu'il était là pour faire du Borne en plus rapide, en plus puissant", a également déploré le chef du Parti socialiste, Olivier Faure.

"Il va sortir la sulfateuse"

Dans ce contexte, quelles nouveautés Gabriel Attal va-t-il pouvoir annoncer, alors même qu'Emmanuel Macron a déjà occupé le terrain pendant plus de deux heures lors d'une conférence de presse le 16 janvier ? "En interne, il y a eu un 'effet waouh' lors de sa nomination. Mais maintenant, il doit donner une vision", réclame un député de la majorité. "Il devra montrer comment il compte mettre en musique les grandes orientations données par le président en termes de textes législatifs, de calendrier. Il y a le SNU [Service national universel], la loi travail 2, le choc de simplification, la formation des enseignants, l'uniforme... L'attente portera aussi sur comment ça va se concrétiser de manière opérationnelle", anticipe le député Renaissance Pierre Cazeneuve.

"Si le chef de l'Etat a déjà annoncé un certain nombre de choses, l'enjeu sera de continuer à démontrer qu'il est très pro-actif, qu'il est un Premier ministre réformateur consacré à l'action à 100%."

Pierre Cazeneuve, député Renaissance

à franceinfo

"Le président de la République a dessiné sa vision pour la suite du quinquennat, Gabriel Attal va aller dans le concret, donner sa feuille de route et ses projets de loi. Et il va continuer à faire du Attal, c'est-à-dire sortir la sulfateuse", espère un autre député de la majorité. Lors de son déplacement dimanche en Indre-et-Loire, le Premier ministre a évoqué les "trois piliers" qui devraient structurer sa déclaration : "le travail", "les services publics" et la "transition écologique".

Sur le travail, Gabriel Attal pense d'abord aux classes moyennes, "ceux qui ne peuvent compter que sur leur boulot et ont le sentiment de ne rien recevoir en retour". Concernant les services publics, le chef du gouvernement devrait parler de l'accès aux soins, de l'éducation – la "mère des batailles" –, la sécurité et l'autorité. Enfin, sur l'écologie, le Premier ministre dit espérer "sortir des débats stériles entre croissance et climat", promettant de bâtir "un nouveau modèle de croissance, car l'écologie crée des emplois". Son discours dans l'hémicycle du Palais-Bourbon devrait durer environ une heure et comporter des annonces "fortes" sur l'éducation, mais aussi en direction des classes moyennes. 

En pleine mobilisation des agriculteurs, Gabriel Attal ne va pas pouvoir éviter le sujet de l'agriculture, d'autant qu'il a promis de compléter les premières annonces faites vendredi dernier, jugées insuffisantes par les agriculteurs. "Sa déclaration de politique générale tombe évidemment dans une actualité qu'il ne peut éluder", admet le député Renaissance Robin Reda. D'autant que le chef du gouvernement a choisi d'être en première ligne dans cette crise, "alors même que ce n'était pas son premier domaine de prédilection", constate un député. "La crise agricole ne va pas guider son calendrier d'annonces, il savait que la crise ne se réglerait pas d'un coup de baguette magique. Ensuite, quand le président parle de choc de simplification et de choc de productivité, cela résonne bien avec la crise actuelle", estime un proche du chef de l'Etat.

S'imposer comme le chef de la majorité

Cette DPG au moment de la colère des agriculteurs, c'est à la fois "un risque et une opportunité, analyse un député de la majorité. Il y a le risque d'être percuté par cette actualité, mais aussi l'opportunité de montrer qu'il peut s'emparer d'autres sujets." La crise agricole ressemble en tout cas bien à un baptême du feu. "S'il passe cet obstacle, il devient notre chef de file incontesté, le leader de la majorité. Et il fait taire les Le Maire, Darmanin et Bayrou", espère un autre élu macroniste.

Même si Emmanuel Macron a réclamé des résultats rapides, Gabriel Attal a pris le temps de la concertation pour ne pas rater son rendez-vous avec les députés et l'opinion publique. Il s'est ainsi nourri "auprès des Français" pendant près de deux heures, le 20 janvier dans le Rhône. "Je n'envisage pas de préparer [la déclaration de politique générale] en restant dans mon bureau avec mes conseillers. J'aime le terrain, me déplacer", avait-il alors expliqué.

Il a également reçu les syndicats, les parlementaires, pris conseil auprès de ses ministres et échangé avec l'Elysée. "Il a largement coconstruit sa déclaration de politique générale avec les forces vives et les parlementaires. On attend maintenant que Gabriel Attal fasse du Gabriel Attal : lucidité sans concession sur le diagnostic, autorité et fermeté dans sa volonté d'accélérer les choses, mesures concrètes et calendrier", énumère le député Antoine Armand. "C'était très habile de ne pas faire sa déclaration de politique générale tout de suite, ça permet de montrer qu'il consulte, de faire retomber l'écho de la conférence du président. Ça permet aussi d'enjamber la décision du Conseil constitutionnel [sur la loi immigration]", observe un ministre.

"Ses tout premiers pas sont un sans-faute."

Un ministre

à France Télévisions

Ils sont nombreux dans la majorité à attendre également du discours une confirmation de la nouvelle méthode du Premier ministre, un mélange de "pragmatisme" et "d'efficacité", selon les mots de plusieurs interlocuteurs. "C'est l'occasion d'imprimer la patte Attal : pro et rassembleur", souhaite aussi le député Robin Reda. Gabriel Attal, jugé comme un excellent communiquant au sein de la macronie, va désormais devoir démontrer qu'il peut aussi se transformer en homme d'action et de résultats.

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