Les cinq solutions de François Hollande pour sortir du brouillard
Après l'affaire Leonarda et les difficiles primaires à Marseille, l'exécutif et la gauche sont mal en point. Et les marges de manœuvre du chef de l'Etat pour sortir de cette situation sont limitées.
Une gauche fébrile, comme dans le dossier Leonarda, des municipales mal engagées, comme à Marseille, des résultats économiques incertains, une cote de popularité en chute libre et des Français qui oscillent entre morosité et colère. La position de François Hollande n’a rien d’enviable, presque 18 mois après son élection. Pointé du doigt pour son "manque de poigne" ou son "immobilisme", il est pressé d'agir par ses adversaires, mais aussi par ses soutiens. Mais comment ? Francetv info liste les choix qui s'offrent au chef de l’Etat pour tenter de reprendre la main.
1 Prendre un virage à gauche
C'est ce que préconisent l'aile gauche du PS, Europe Ecologie-Les Verts et le Front de gauche, tendance PCF. Ils souhaitent voir François Hollande reprendre les accents de sa campagne présidentielle, lorsqu'il évoquait "le monde de la finance" comme un "adversaire" et annonçait une "renégociation du traité européen". Aujourd'hui, d'autres mesures pourraient faire pencher la balance à gauche : retour de la retraite à 60 ans, amnistie sociale, investissement dans les services publics, droit de vote accordé aux étrangers. En prenant un tel virage, François Hollande souderait une gauche aujourd'hui fragilisée et renouerait avec les déçus de la présidentielle.
Taux de réussite : faible. En choisissant de muscler son jeu par la gauche, François Hollande risque de faire plonger un peu plus sa cote de popularité. Car le champion des sondages, Manuel Valls, se situe plus à droite. "On le voit dans les enquêtes sur les avancées sociales, après le mariage pour tous les Français sont moins prêts à soutenir ce genre de mesures, analyse Emmanuel Rivière, directeur du service opinion chez TNS-Sofres. Sur la question des Roms comme sur l'affaire Leonarda, ils donnent raison à Manuel Valls et à une politique plutôt tournée vers la droite. Aujourd'hui, faire un virage à gauche c'est avancer en terrain miné, à quelques mois des municipales et des européennes."
Mais surtout, en misant sur des mesures synonymes de dépenses publiques, le président balaierait d’un revers de la main le redressement budgétaire nécessaire qu'il avait lui-même annoncé. Un renoncement qui risque de mécontenter la Commission européenne et les marchés financiers, "qui s'attaqueraient aux taux d'intérêt et plomberaient la dette française", selon Emmanuel Rivière.
2 Jouer plus à droite
Ce pourrait être la solution pour tenter de remonter la pente des sondages et du chômage : choisir de se rapprocher du centre-gauche et de la ligne Valls, faite de pragmatisme et de fermeté. Dans le même élan, le président pourrait un peu plus libéraliser son action : durcir le ton sur l'immigration, choisir l'austérité budgétaire, relancer la filière nucléaire ou baisser encore le pied sur la taxation des entreprises pour soutenir le timide redémarrage de la croissance. Cette stratégie pourrait également convaincre l'électorat centriste, pas encore mobilisé par l'attelage MoDem-UDI. François Hollande occuperait alors un territoire quelque peu abandonné par l'UMP, occupée à droitiser son discours.
Taux de réussite : très faible. La majorité exploserait sans aucun doute. Les deux ministres écologistes, déjà échaudés par la polémique sur les Roms et par l'éviction de Delphine Batho, quitteraient le gouvernement. Dans la foulée, Europe Ecologie-Les Verts passerait dans l’opposition. La majorité s'avèrerait trop fragile pour gouverner, les parlementaires socialistes frondeurs empêchant les textes de passer.
Renier ses promesses de campagne pourrait surtout placer François Hollande dans la même situation que Jacques Chirac en 1995, qui avait choisi la rigueur budgétaire, provoquant des grèves massives qui ont bloqué le pays. "Le centre de gravité politique s'est bien déplacé à droite, mais seulement en matière sociétale, explique Emmanuel Rivière. Quand on parle d'économie, les Français sont encore adeptes de l'interventionnisme, pas de l'austérité."
3 Faire une crise d’autoritarisme
C'est ce que lui demande l'opposition, qui pointe du doigt le manque d'autorité du président jusque dans son propre gouvernement, en proie aux couacs. La solution serait alors de taper du poing sur la table pour mettre de l’ordre dans les rangs. Renvoyer un ou deux ministres, convoquer les députés pour les obliger à suivre les règles, remplacer Harlem Désir par un proche et faire trembler les murs au PS, arrêter de jouer le compromis avec les syndicats et le patronat, gouverner plus à l’Elysée, ne plus déléguer, considérer Jean-Marc Ayrault comme un "collaborateur".
Taux de réussite : insignifiant. Le président a déjà testé la méthode, sans grande réussite. L’éviction de Delphine Batho ? Une source de crispation. La tentative de recadrage d'Arnaud Montebourg ? "Un gouvernement, ce n'est pas une caserne", lui avait répondu le ministre. "C'est trop tard, estime Philippe Braud, politologue à Sciences Po. C'est comme un professeur qui s'est laissé déborder par le chahut et ne peut plus rétablir l'ordre dans sa classe. De toute façon, certains comme Valls ou Taubira sont intouchables."
Et taper encore plus fort serait surtout renier le principal engagement de sa campagne : en finir avec l’interventionnisme acharné de Nicolas Sarkozy. "Il ne le pourrait pas, car ce n'est pas dans le caractère de François Hollande, devine Philippe Braud. Lorsqu'il est choisi pour succéder à Jospin à la tête du PS en 1997, c'est parce qu'il assure le consensus dans un parti très agité. Aujourd'hui, ce sens du compromis, c'est son défaut."
4 Dissoudre l'Assemblée
C’est ce que prône Jean-Louis Borloo. Choisir une dissolution de l'Assemblée nationale mettrait les Français devant leurs responsabilités : faire revenir la droite ou renforcer la gauche. Pour l'emporter, le PS pourrait toujours compter sur un Front de gauche divisé et une UMP trop concurrencée par le Front national. En cas de victoire à ces législatives, le président aurait alors toute la légitimité pour appliquer son programme et affirmerait sa position de leader.
Taux de réussite : inexistant. La cote de popularité de François Hollande est catastrophique et le risque de tout perdre, comme Jacques Chirac en 1997, battu aux législatives et confronté à cinq ans sans pouvoir, est trop grand. "Ce serait se jeter à l'eau comme les lemmings, avance Philippe Braud. Il n'y a qu'un opposant prêt à prendre le pouvoir, comme Jean-Louis Borloo, pour proposer ça sérieusement."
5 Garder le cap
C'est la formule que martèlent François Hollande, Jean-Marc Ayrault et l’ensemble des membres du gouvernement depuis mai 2012. Le problème, c'est que ce cap est difficile à définir. "François Hollande ne peut pas gouverner dans la clarté, avance Emmanuel Rivière. Car les Français sont contradictoires : ils ne veulent pas de la réforme des retraites, mais réclament une baisse des dépenses publiques car ils refusent d'assumer le poids de la dette. C'est la quadrature du cercle." Même un remaniement gouvernemental serait difficile à négocier, "car il suppose un choix clair".
Taux de réussite : inconnu. Cet équilibre semble aujourd’hui difficile à tenir. Générateur de couacs, de contradictions et de reniements forcés, cette recherche permanente du consensus est difficilement compatible avec l’exercice du pouvoir. Mais le chef de l'Etat n’a pas le choix, car toute autre direction semble mener vers une impasse. "François Hollande savait, quand il a présenté sa candidature pour 2012, qu'il ne pourrait pas diverger de la politique économique de Sarkozy, analyse Philippe Braud. Mais il a promis le contraire. Et c'est cet espoir déçu qu'il paye aujourd'hui."
Pour sortir de ce roncier politique qu’il a lui-même fait pousser, François Hollande n'a peut-être comme seule solution que de bouger le moins possible. "Il a trois ans et demi à tenir, explique Emmanuel Rivière. Et l'élément clé, c'est l'endurance. Car si son image est trop dégradée mais que sa politique porte ses fruits, ce n'est pas à lui qu'on va en attribuer le mérite."
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