"Pièces à conviction". Affaire Kerviel-Société générale : la justice sous influence ?
Dans l'affaire Kerviel, la Société générale a toujours prétendu être victime. En 2012, la justice lui a donné raison, condamnant Jérôme Kerviel à trois ans de prison ferme et 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts. Après cette perte, la banque a bénéficié d'un allègement fiscal de 2,2 milliards d'euros. Aujourd'hui, de nouveaux éléments offrent un tout autre éclairage. En effet, dès les premiers mois de l'enquête, en 2008, un rapport de justice accablait la Société générale et concluait que la banque ne pouvait ignorer les agissements de son trader. Ce rapport a mystérieusement été détruit. En outre, une magistrate proche du dossier affirme, dans un enregistrement clandestin, avoir été témoin de pressions. Pourquoi la justice a-t-elle mis huit ans à pointer des défaillances dans les procédures de contrôle au sein de la Société générale ?
Le 24 janvier 2008, la Société générale accuse son trader Jérôme Kerviel, 31 ans, de lui avoir fait perdre 4,9 milliards d'euros, à l'insu de sa hiérarchie, et d'avoir fraudé pour cacher ses activités. Alors que le monde est secoué par la crise des subprimes qui menace l’ensemble du système financier international, la nouvelle fait l’effet d’une bombe. Dans ce qui va devenir l’"affaire Kerviel", la Société générale a toujours prétendu être la victime. En 2012, la justice lui a d’abord donné raison et a condamné l’ancien trader à cinq ans de prison dont trois ferme et 4,9 milliards d’euros de dommages et intérêts.
Un cadeau fiscal à la Société générale ?
Suite à cette perte, en 2009 et 2010, la banque a bénéficié d’un allègement fiscal de 2,2 milliards d’euros, l’équivalent de 130 euros par contribuable. La loi permet en effet à une entreprise déficitaire et victime de fraude de déduire de ses impôts une partie de l’argent qu’elle a perdu. Mais ce crédit d’impôt n’est possible qu’à condition que les contrôles internes de l’entreprise n’aient pas failli.
Des pressions sur les enquêteurs ?
Aujourd’hui, de nouveaux éléments donnent un tout autre éclairage sur les responsabilités du trader et le rôle de la banque : un enregistrement clandestin et la destruction d’un rapport sensible. Dès les premiers mois de l’enquête, en 2008, un rapport de justice accablait la Société générale : il concluait que la banque ne pouvait ignorer les agissements de son trader. Ce rapport destiné au procureur en charge de l’affaire Kerviel a mystérieusement fini à la broyeuse… Autre révélation : une magistrate proche du dossier a affirmé, dans un enregistrement clandestin, avoir été témoin de pressions.
La justice pointe finalement les lacunes de la banque
En septembre 2016, la cour d’appel de Versailles a revu à la baisse le montant que Jérôme Kerviel est condamné à payer à la Société générale : de 4,9 milliards, il est réduit à 1 million d’euros. Pour la première fois, un tribunal a souligné les fautes multiples commises par la banque.
Pourquoi la justice a-t-elle mis huit ans à pointer des défaillances dans les procédures de contrôle interne de la Société générale ? Les juges auraient-ils agi sous influence ? Quelle est la responsabilité de l’Etat dans cette affaire ?
Une enquête réalisée par Stenka Quillet.
Le reportage est suivi d'un débat animé par Virna Sacchi, qui reçoit Jérôme Kerviel et le magistrat Jean de Maillard.
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