Retraites : 850 000 retraités vont recevoir une revalorisation rétroactive de 600 euros en moyenne, "sans avoir rien à faire", assure le directeur de la CNAV

Cette mesure qui s'applique à partir de mercredi concerne les retraités relevant du régime général et qui perçoivent une retraite minimale. Nous en parlons avec Renaud Villard, directeur de la CNAV, la Caisse nationale d'assurance-vieillesse.
Article rédigé par franceinfo
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Renaud Villard, directeur de la CNAV, la Caisse nationale d'assurance-vieillesse. (RADIOFRANCE)

Le 25 septembre 2024, comme prévu dans le cadre de la réforme des retraites, environ 850 000 personnes pourront percevoir une revalorisation de leur pension. Avec la rétroactivité, le montant pourra atteindre en moyenne 600 euros, en plus des 50 euros en moyenne d'augmentation pérenne, tous les mois.

franceinfo : Renaud Villard, la CNAV verse 160 milliards d'euros de prestations à plus de 15 millions de retraités. Ce montant qui a suivi l'inflation ?

Renaud Villard : Exactement, il a augmenté de 15 milliards en deux ans, du fait de la forte inflation qu'on a connue en 2022 et 2023.

Combien de nouveaux retraités chaque année ?

Entre 800 000 et 850 000, ça dépend un peu des années. Là, on ralentit un tout petit peu, puisqu'il y a des retraités qui doivent attendre trois mois ou six mois, du fait de la réforme.

Cette réforme qui est entrée en vigueur le 1er septembre 2023. Aujourd'hui, le Premier ministre dit être prêt à l'améliorer en discutant avec les partenaires sociaux, tout en préservant le cadre financier. Il évoque par exemple la prise en compte de la pénibilité, des mères de famille, des carrières longues. Concrètement, si ces leviers-là bougent, quel impact cela aura-t-il pour l'assurance retraite ?

Alors sur tout ce qui est pénibilité, accompagnement des seniors, transition emploi retraite, c'est relativement potentiellement peu coûteux, si c'est bien accompagné par le dialogue social. Et là, pour le coup, le Premier ministre a vraiment appelé au dialogue, à la mobilisation des partenaires sociaux. Sur un sujet comme celui-ci, c'est essentiel. Je ne pense pas qu'un sujet aussi important, aussi structurant pour l'entreprise, puisse être vu du haut d'un bureau parisien, quel qu'il soit.

Ça veut dire quoi peu coûteux ?

Cela veut dire que sur la pénibilité et la mobilisation de tous les leviers pour maintenir les seniors dans l'emploi, en réalité, ce sont des dispositifs qui peuvent être autofinancés. Parce que mieux vaut un senior en bonne santé qui n'a pas des troubles musculosquelettiques et qui reste en emploi, qu'un senior qui part le plus tôt possible à la retraite parce qu'en plus il a de gros problèmes de dos. Donc pour le coup, la prévention peut s'autofinancer.

Sur les retraites des femmes, on est sans doute sur des sujets beaucoup plus structurels, structurels sur le marché du travail, mais même structurels sur la retraite elle-même. On a eu une retraite composée d'étages, pour certains constitués dans les années 70, périodes natalistes, etc. C'est plus compliqué finalement de faire de l'ajustement légèrement paramétrique au regard de l'écheveau de la législation.

Et ça prendrait combien de temps pour vous, pour vos équipes ?

Il y a le temps de la concertation, qui peut parfois être long et sans doute indispensable. Sur le plan opérationnel, pour une réforme un peu structurante où on va toucher à plusieurs paramètres, le ticket minimum est d'un an de mise en œuvre.

Un an de mise en œuvre, c'est quel impact pour les finances, pour l'état de l'assurance retraite ?

Tout dépend ensuite des mesures. Pour le coup, on peut avoir des mesures qui symboliquement sont très puissantes sans être extrêmement chères. Inversement, vous avez des mesures qui sont peu visibles, peu connues et qui vont coûter plusieurs milliards. Et là-dessus, le rôle de mes équipes sera justement de fournir le chiffrage au gouvernement - et aux partenaires sociaux si le gouvernement le souhaite - pour que le débat soit éclairé et, on l'espère, apaisé.

L'organisme du COR, le Conseil d'orientation des retraites, en juin dernier, prévoyait quand même un déficit du régime à 0,4% du PIB en 2030. Il va y avoir encore besoin de nouvelles mesures ?

On a un régime de retraite qui est piloté, qui va sans doute avoir encore, à terme, besoin de mesures. La bonne nouvelle, c'est que le déficit se réduit et se réduit beaucoup. Sans réforme, on serait à plus du double. Donc le déficit se réduit. En revanche, effectivement, le Conseil d'orientation a revu ses hypothèses, a été plus prudent sur la natalité, plus prudent surtout sur la productivité, sur la croissance de l'économie. Et de ce fait, on sort en déséquilibre à l'horizon 2030.

Là, on parlait "d'améliorer la réforme", pour reprendre les mots de Michel Barnier, mais deux propositions de loi vont arriver cet automne à l'Assemblée, l'une portée par le RN, l'autre par la France insoumise, visant à abroger cette réforme des retraites. Techniquement, abroger la réforme serait-elle possible, prendrait combien de temps et coûterait combien?

Pour le temps que ça prendrait, c'est exactement le même temps pour faire que pour défaire. Et donc on est sur un horizon de 6 à 7 mois, entre le moment où les décrets d'application sont pris et le moment où ça entre en vigueur pour les assurés. Sur le coût, si on enlevait uniquement les mesures paramétriques, en tout régime, toujours à l'horizon 2030, on est sur environ 11 à 12 milliards.

Aujourd'hui, 850 000 retraités reçoivent une revalorisation de leur pension. De combien en moyenne ?

Alors, la moyenne, c'est à peu près 50 € par mois. Avec l'avantage d'avoir un peu de retard dans le versement, c'est qu'on va verser un an d'un coup. Donc ils vont toucher 50 € tous les mois et puis 600 € d'un coup dans les tout prochains jours. Ils sont en train de recevoir normalement le courrier leur annonçant le nouveau calcul de leur retraite et le calcul du versement. Ces 850 000 retraités qui viennent s'ajouter aux 600 000 qu'on avait déjà mis en paiement, sont des gens qui ont bénéficié du coup de pouce pour les petites retraites. Ce sont des retraités souvent assez âgés, qu'on ne connaissait pas si bien, et dont on a dû reconstituer la carrière. Évidemment, ils n'ont rien à faire, ça arrivera tous les mois sur leur compte.

Est-ce qu'il y en a pour qui ça arrivera plus tard ou là, vous avez inclus tout le monde, tous les retraités dans ce nouveau système-là ?

Pour tous les retraités, salariés ou assimilés salariés, on a inclus tout le monde. Pour certains travailleurs indépendants, dont on a une connaissance parfois encore plus distante de la carrière, là, on sait qu'on a encore des personnes à retrouver et il faudra quelques mois encore. Bien entendu, à nouveau, rien à faire et ce sera rétroactif. Ils n'auront pas douze mois d'un coup, mais quinze ou seize mois. Parce que là, sur les carrières des travailleurs indépendants dans les années 60-70, on est parfois un peu à l'âge de pierre.

Avec le recul, cette réforme a fait quoi pour les petites retraites ?

Elle a pour le coup tenu ce qui était la promesse politique, je n'ai pas à en juger. Il y a eu un vrai accélérateur pour les retraités partis il y a longtemps. C'est 1,5 million de retraités, on ne parle pas de 200 personnes. Il y a eu parfois des débats sur les chiffres. C'est plus d'un milliard qui est mis sur la table chaque année. Et puis surtout, il y a un impact pour tous les nouveaux retraités. Tous les nouveaux retraités, dorénavant, auront en base potentiellement jusqu'à 100 euros de plus, en miroir de ce qui a été fait pour le seuil des retraités. Et mine de rien, pour quelqu'un qui touche une retraite un peu modeste, le potentiellement plus de 100 euros par mois fait du bien.

Un des paramètres de cette retraite qui a provoqué la colère, notamment des syndicats, c'est le décalage de l'âge de départ à 64 ans. Mais concrètement, à horizon 2030, combien de Français vont partir à la retraite à 64 ans ou après ?

À 64 ans ou après, on sait que c'est en gros 60% des Français, c'est-à-dire que 40 % des Français partiront avant 64 ans. Il y en a très peu qui partiront pile à 64 ans. Ce qu'on prévoit, et pour l'instant, on est bien dans la trajectoire, c'est que la réforme, en réalité, ne va pas décaler de deux ans l'âge effectif, l'âge réel du départ à la retraite. Elle va le décaler d'un peu moins d'un an.

C'est-à-dire qu'on allait arriver doucement mais sûrement, à l'horizon 2030-2035, à 64 ans d'âge moyen de départ à la retraite, là on va dépasser un peu les 64 ans et demi. Donc le plus deux ans, c'est dans la loi. En réalité, on a augmenté d'un peu moins d'un an l'âge effectif de départ à la retraite.

Qu'est-ce qu'elle a fait pour les femmes, cette réforme ?

Pour les femmes, au-delà du fait qu'elles sont massivement concernées par les petites retraites, puisque leurs retraites moyennes sont plus basses, il y a une mesure qui a été très peu vue, mais qui est à mes yeux importante. Elle rétablit une forme d'injustice sur les congés maternité. Les congés maternité pour les périodes d'avant 2012 ne donnaient pas droit à un report au compte, c’est-à-dire à cotisation en quelque sorte.

On considérait que c'était un peu des années blanches. On est en train de remonter tous ces congés maternité pour mettre un salaire fictif, un salaire fictif parce qu'on ne sait pas combien gagnait la personne, mais on met le salaire moyen de référence de l'année, ce qui va du coup mécaniquement augmenter les revenus de référence des femmes, des mères de famille en l'occurrence. Ça, c'est un aspect concret qui a été très peu vu, parce que le débat, vous l'avez dit, a porté de manière tonique sur l'âge de départ à la retraite.

Imaginons un paramètre qui pourrait être vu, où la borne d'âge serait ramenée à 63 ans. Est-ce que ça serait possible, et quel temps ça prendrait à vos équipes ?

Alors aujourd'hui, on est à 62 ans et demi. Donc j'aurais le temps de le mettre en œuvre. Et en termes de coût financier, on peut estimer qu'on serait à la moitié de perte. Donc en gros, entre cinq et 6 milliards de financement à trouver pour le système de retraite.

Pour une carrière complète à temps plein, avec la réforme, la retraite minimum est de 85% du smic net. Il y a une proposition du nouveau Front populaire qui était de faire passer le smic à 1 600 euros. S'il était revalorisé, cela donnerait une pension minimum à 85% de cette somme,c'est-à-dire 1360 ?

Absolument, là pour le coup, ce serait mécanique. Quelqu'un qui aurait travaillé toute sa vie, carrière complète aurait ce minimum de retraite et donc ce serait presque 150 euros de plus qu'aujourd'hui. Donc il y aurait un effet à la fois d'aubaine - et tant mieux pour les retraités concernés - mais évidemment un effet pour le financement du système de retraite, parce que des retraites plus importantes impliquent des financements plus importants.

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