"La Vallée des fous": "Le cinéma et la navigation sont deux aventures qui ont des points communs", pour le réalisateur Xavier Beauvois

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Jeudi 14 novembre 2024 : le réalisateur, Xavier Beauvois. Il vient de sortir son nouveau film "La Vallée des fous" avec Pierre Richard et Jean-Paul Rouve.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le réalisateur Xavier Beauvois, pendant la 17e édition du Festival du film francophone à Angoulême, le 27 août 2024. (FRANCK CASTEL  / MAXPPP)

Xavier Beauvois est le réalisateur, entre autres, des films N'oublie pas que tu vas mourir qui a reçu le prix du jury au Festival de Cannes en 1995 et Des hommes et des dieux couronné par le Grand Prix du Festival de Cannes en 2010 et par le César du meilleur film en 2011. Qui aurait pu prédire que ce petit garçon allait tomber amoureux du cinéma par le biais de Jean Douchet, historien justement du cinéma, venu donner une conférence à Calais ? Son dernier film La Vallée des fous avec Pierre Richard et Jean-Paul Rouve, notamment, est sorti au cinéma, mercredi 13 novembre.

La Vallée des fous raconte l'histoire de Jean-Paul qui accumule les dettes, ce qui met son restaurant en danger. Et un beau jour, le passionné de voile qu'il est, décide de participer à Virtual Regatta, la course virtuelle du Vendée Globe, depuis son bateau posé au fond de son jardin en s'isolant pendant les trois mois de course dans les conditions d'un vrai skipper. Son but au départ, c'est de gagner de l'argent et au final, il ne va pas gagner la course, mais gagner une chose, c'est sa place au sein de cette famille.

franceinfo : On comprend toute la dimension humaine à travers votre film. N'est-ce pas ce qui vous identifie en tant que réalisateur ?

Xavier Beauvois : Oui, c'est ce qui m'intéresse, l'humain et à travers lui, l'émotion. D'apporter de l'émotion aux spectateurs. Quand je vais au cinéma, c'est pour en avoir, c'est pour rire, pour pleurer et quand je suis de l'autre côté de la caméra, j'essaye d'en donner.

Ce film est un tête-à-tête avec soi-même. Vous nous racontez comment vit un skipper qui se prépare pendant de nombreuses années. Il y a une vraie métaphore et une corrélation entre le cinéma, comment on crée un film et le réalise, et comment on s'organise pour une course.

On s'en est rendu compte en le faisant surtout avec Jean Le Cam. Je lui disais : "mais c'est marrant, tu mets le même temps de préparation que nous, ton budget est à peu près le prix de mon bateau. Le tournage, c'est à peu près le temps du Vendée Globe". On a des moments où on pleure, des moments où on est fâché avec la mer. On peut régler des choses sur le bateau sans regarder la mer et on a des moments d'euphorie absolue, des moments de grâce. Et un tournage, c'est pareil. Après, le film peut se planter complètement aussi, comme eux peuvent se taper un OFNI, un objet flottant non identifié ou le mât qui tombe. Le cinéma et la navigation, ce sont deux aventures qui ont des points communs.

Votre père était préparateur en pharmacie, votre mère professeure de couture et conseillère municipale socialiste dans le Pas-de-Calais. Comment avez-vous vécu cette enfance ? Plutôt comme un film de comédie dramatique, une histoire d'amour, un conte de fées ?

Un truc auquel je voulais échapper le plus tôt possible. Non, ça n'a pas été une enfance formidable. Je pense que c'est en partie grâce à ça que je fais ce métier. C'est pour m'échapper, m'échapper le week-end avec des films de Belmondo, des choses comme ça en VHS et le cinéma m'a un peu sauvé la vie, oui.

Parlons de votre premier grand succès qui vous a quand même valu de recevoir des prix : N'oublie pas que tu vas mourir. Pour le film, vous vous êtes même fait arrêter par la police. Vous avez décidé de vous engager à Mostar en Bosnie-Herzégovine pour documenter votre travail. L'engagement, c'est ce qui vous définit le plus ?

À partir du moment où on a la prétention de parler de quelque chose, il faut connaître. C'est très simple d'écrire une garde à vue, mais si on ne connaît pas de l'intérieur... Donc j'ai rencontré des policiers qui m'ont fait arrêter par d'autres policiers. Vraiment. Et après, c'est plus facile d'écrire. C'est pour ça que le Vendée Globe, j'ai lu tout ce que j'ai pu sur le sujet. J'ai lu les écrits de Bernard Moitessier, j'ai regardé les documentaires, j'ai suivi le jeu, Virtual Regatta quatre fois.

Vous y avez participé, notamment pendant la pandémie.

C'est là où je me suis dit quand même il y a 1 000 000 de personnes qui jouent à ce jeu. Comment sont les premiers ? Même si on fait tout bien, même si on se lève la nuit, mon meilleur score, c'est 65 000e sur un million. Je me suis demandé comment faisaient les premiers et je me suis dit : tiens, si on le faisait en vrai pour de faux, peut-être qu'on aurait plus de chances d'être dans les premiers. Mais c'est un jeu très addictif. Ce sont les conditions exactes du Vendée Globe.

La pudeur est au cœur de ce long-métrage. Je me demandais comment vous aviez vécu le succès Des hommes et des dieux et de N'oublie pas que tu vas mourir, cette reconnaissance ?

Paradoxalement, il faut le digérer assez vite. Il faut éviter de rester là-dessus, ne pas prendre la grosse tête.

"Il faut avouer que c'est un plaisir d'être reconnu par les siens, d'avoir des prix, de voyager dans le monde entier, qu'on me parle encore de ces films, c'est pour ça qu'on travaille."

Xavier Beauvois

à franceinfo

Pour terminer, il y a un dernier personnage qui n'est pas un acteur, c'est un chanteur. Je pense à Peter Doherty qui dit : "Plonger dans la mer froide, c'est comme une dose de cocaïne". Êtes-vous d'accord avec ça ?

Il fait ça tous les jours même l'hiver à Étretat, il se baigne et il est en pleine forme ! Il est accro au fromage normand et aux bains de mer et c'est la première fois qu'il fait une musique de film, donc il s'est beaucoup amusé. Je pense qu'il a envie d'en faire d'autres.

Cela signifie que le cinéma pour vous, c'est votre dose de cocaïne ?

C'est ma dose d'adrénaline plutôt comme un sportif qui a besoin de son endomorphine parce qu'il court tous les jours et le jour où il ne court pas, il est un peu en manque.

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