Comment sortir de la dépendance au gaz russe
Un mois après le début de la guerre en Ukraine, les 27 pays de l'Union européenne envisagent de mettre en place une plateforme d'achat de gaz commune, visant à réduire la dépendance de l'UE envers les énergies fossiles russes.
Le gaz vecteur de la démocratisation de la Russie ? Pari raté de l'Europe et surtout de l'Allemagne, qui a profondément orienté son modèle sur les importations ces dernières décennies.
franceinfo : Le gaz, il en a beaucoup été question lors du sommet européen des 24 et 25 mars ?
Grégoire Lecalot : Pas question jusqu'ici d'un embargo sur les livraisons de Gazprom, malgré les appels courageux de certains pays, comme la Lettonie, qui dépend pourtant à 100% du gaz de Moscou. Les pays européens sont engagés dans des politiques de réduction de la dépendance.
C'est le cas de l'Allemagne, qui est déjà passé d'une dépendance à 55% avant la guerre à 40% aujourd'hui. Mais un pays ne peut pas changer de fournisseur de gaz sur un simple coup de téléphone. L'Allemagne doit ainsi refaire son réseau de gazoducs, construire des ports méthaniers, qu'elle n'a pas, pour importer du gaz naturel liquéfié, le GNL, par bateau. Elle ne pourra pas se passer de gaz russe avant 2024.
Les États-Unis ont annoncé une aide à l'Europe pour réduire sa dépendance. Cela ne suffira pas ?
Joe Biden a promis 15 milliards de mètres cubes de GNL supplémentaires. Ils seront livrés au Royaume-Uni avant de partir dans les gazoducs européens. Les livraisons américaines vont augmenter, avec 50 milliards de mètres cubes de GNL en 2030. Mais on est loin des livraisons russes. Elles représentent 150 milliards de mètres cubes par an.
Les Européens comptent se tourner vers d'autres fournisseurs : Norvège, Qatar, Algérie. Pour cela, la commission compte mettre en place une plateforme d'achat commune.
Que représente le stockage, que la commission veut renforcer ?
C'est un quart de la consommation européenne de gaz : 100 milliards de mètres cubes. Et si la commission veut rendre obligatoire un remplissage des sites de stockage géologique à 80, puis à 90% à l'entrée de l'hiver, c'est parce que ça n'était pas le cas cette année. Les quantités stockées ont atteint un niveau historiquement bas. Les stocks étaient à 2 milliards de mètres cubes au lieu de 7 à 8.
Et la cause, c'est que les Russes ont réduit leurs livraisons en 2021. Des contrats obligent Gazprom à livrer des quantités minimales. Le géant public russe l'a fait, mais il a peu alimenté les marchés immédiats, ce qu'on appelle le marché spot, sur lequel les fournisseurs européens achètent aussi pour remplir leurs stocks.
A partir de l'été 2021, les livraisons de Gazprom sont passées de 3 à 2 milliards de mètres cubes par semaine. Elles n'ont réaugmenté qu'à partir du déclenchement de la guerre, à l'initiative des Russes, qui avaient besoin de devises. Et les Européens, toujours satisfaits d'avoir plus de gaz russe, ne se sont pas fait prier pour l'acheter.
A noter que si les sotckages étaient à un niveau bas, c'est aussi parce que cette année, Gazprom n'a quasiment pas rempli les sites qu'il possède en Allemagne et en Autriche. Si la commission européenne rend obligatoire le remplissage minimum, le géant russe devra accepter, sous peine de risque d'expropriation, à moins que d'ici là, un embargo ne règle la question.
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