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Nouvelle molécule, vitamine D, anticoagulant... Où en sont les traitements contre le Covid-19 ?

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 12min
Un patient atteint du Covid-19 pris en charge dans une unité de soins intensifs de l'hôpital Louis-Mourier, à Colombes (Hauts-de-Seine), le 8 novembre 2020. (ALAIN JOCARD / AFP)

Alors que la vaccination a commencé en France, plusieurs traitements prometteurs sont en cours d'élaboration pour vaincre l'infection par le coronavirus. Franceinfo revient sur quelques pistes, dont certaines ont obtenu le label "priorité nationale de recherche".

La lutte contre la pandémie de Covid-19 ne se mène pas qu'avec les vaccins. Les traitements sont appelés à jouer un rôle considérable. Après la vive polémique provoquée par le recours à l'hydroxychloroquine, promue par Didier Raoult et finalement jugée peu efficace, des protocoles s'élaborent loin du tumulte médiatique. Certains traitements, à base de corticoïdes, ont montré leur efficacité et sont déjà utilisés pour soigner les malades. Les méthodes de prise en charge des patients les plus graves ont évolué depuis le début de la pandémie, mais la marge de progression est encore grande.

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L'Institut Pasteur de Lille (Nord) travaille sur un projet qu'il annonce prometteur. Son objectif est de soigner des malades présentant encore peu de symptômes. Le but : réduire les risques de développer des formes graves du Covid-19 grâce à un médicament à administrer sous forme de comprimé ou de suppositoire. Pour bloquer la maladie dès ses premiers stades, les chercheurs de l'Institut s'intéressent au clofoctol, une molécule déjà utilisée pour soigner des infections res­pi­ra­toi­res béni­gnes.

"L'idée était d'utiliser des inhibiteurs précis pour bloquer le virus."

François Trottein, chercheur du CNRS au Centre d'infection et d'immunité de Lille

à franceinfo

La molécule a déjà été autorisée et ses éventuels effets indésirables sont connus. Ce procédé, appelé "repositionnement", "présente l'avantage d'aller plus vite", relève auprès de franceinfo le chercheur lillois. Si les études montrent son efficacité, le médicament pourrait arriver sur le marché assez rapidement.

L'avancement est tel que l'Institut Pasteur de Lille se dit prêt à passer à la phase de tests sur des humains malades du Covid-19. "On est quand même très confiants sur l'efficacité de la molécule", a indiqué Xavier Nassir, son directeur général, auprès de France Bleu Nord

Une nouvelle molécule d'une société française

Mais c'est toute la recherche française qui est en effervescence. Le statut de "priorité nationale de recherche" a été attribué, pour l'instant, à 15 études (PDF) par le Comité ad hoc de pilotage national des essais thérapeutiques et autres recherches (Capnet), une instance chapeautée par le gouvernement.

La société française Abivax mène l'une de ces études labellisées, appelée miR-AGE. Avec sa molécule ABX464, un nouvel anti-inflammatoire, l'entreprise compte prévenir et traiter l'"orage cytokinique" et l'hyper-inflammation conduisant au syndrome de détresse respiratoire aiguë, et parfois à la mort des malades du Covid-19.

Le traitement se présenterait sous forme de gélules et serait à prendre par voie orale pendant une durée de 30 jours, explique à franceinfo Philippe Pouletty, médecin, entrepreneur, fondateur et président d'Abivax. Comme le traitement de l'Institut Pasteur de Lille, celui-ci serait destiné à des personnes fragiles, malades du Covid-19 et présentant encore peu de symptômes.

La fin de l'étude est attendue pour la fin du premier trimestre 2021. Philippe Pouletty fait valoir un "essai clinique bien bâti", avec 1 034 patients, "randomisé en double aveugle". Autrement dit, les patients sont répartis de façon aléatoire, par tirage au sort, et ni les patients ni les médecins ne savent quelle alternative de traitement les patients prennent.

Si tous les voyants restent au vert pour l'ABX464 et que l'étude est concluante, Philippe Pouletty espère une mise sur le marché, au plus tôt, mi-2021, pour ce traitement qui coûterait au total environ 1 500 à 2 000 euros par patient. Encore peu produites à l'échelle mondiale, seules des doses pour 50 000 patients sont aujourd'hui disponibles. Mais le dirigeant espère pouvoir en fabriquer "plusieurs millions en 2021".

Une forte dose de vitamine D

Les acteurs publics ne sont pas en reste. Le CHU d'Angers (Maine-et-Loire) mène une étude, appelée CoViTrial, également classée "priorité nationale de recherche". Là encore, l'idée est de prévenir les formes sévères du Covid-19Cédric Annweiler, chef du service de gériatrie au CHU d'Angers, explique que l'idée de ce traitement réside sur les bienfaits supposés de l'administration d'une "très forte dose de vitamine D".

"La vitamine D permet de réguler la production de différentes protéines, dont des protéines anti-inflammatoires et des peptides anti-microbiens."

Cédric Annweiler, chef du service de gériatrie au CHU d'Angers

à franceinfo

Il souligne également que la vitamine D joue un rôle sur le système rénine-angiotensine, "le récepteur ACE2, qui est la cible du virus Sars-CoV-2, sa porte d'entrée dans notre organisme". Ce récepteur a été identifié dès le printemps 2020 comme "une protéine clé", comme l'expliquait l'Inserm au mois de mai.

"Sans danger, peu coûteuse, remboursée"

L'essai CoViTrial a regroupé 260 patients et est déjà terminé. Il n'a inclus que des personnes d'au moins 65 ans et malades du Covid-19. Sur l'ensemble, nombre d'entre eux résident en Ehpad et environ la moitié est hospitalisée.

Traiter cette frange de la population est primordial. Cédric Annweiler met en avant le fait qu'environ 80% des personnes qui meurent des suites du Covid-19 sont des personnes âgées. Soixante-treize experts francophones et six sociétés savantes nationales soutiennent déjà ce traitement. Ils évoquent, dans un communiqué daté du 14 janvier, une "mesure simple, sans danger, peu coûteuse, remboursée par l'Assurance-maladie".

Eviter les thromboses

Si des traitements cherchent à réduire l'apparition de formes sévères chez des malades présentant de premiers symptômes, d'autres ciblent directement les personnes hospitalisées. Le CHRU de Nancy (Meurthe-et-Moselle) mène un essai, appelé Covidose, qui cherche à éviter la survenue de thrombose – formation de caillot dans un vaisseau sanguin – chez les malades du Covid-19 hospitalisés (qu'ils soient en réanimation ou non). La problématique est "extrêmement brûlante", souligne Stéphane Zuily, médecin dans le service de médecine vasculaire du CHRU de Nancy. Chez les malades du Covid-19 en réanimation, la thrombose est liée à cinq fois plus de mortalité, relève-t-il.

Pour cet essai, également labellisé "priorité nationale de recherche", il ne s'agit pas de "repositionnement" ou de nouvelle molécule. L'idée est de recourir à l'héparine, un médicament anticoagulant déjà administré. Le principe de cette étude est d'évaluer les bienfaits d'une dose très importante d'héparine, modulée en fonction du poids du patient, pour empêcher la survenue de thrombose, et ainsi sauver des vies, résume celui qui supervise l'essai Covidose.

"C'est ultra-simple et ultra-pragmatique."

Stéphane Zuily, médecin au CHRU de Nancy

à franceinfo

L'héparine, peu onéreuse (environ cinq euros par jour et par patient), est "connue depuis une centaine d'années". Elle est depuis longtemps administrée à tous les patients qui, pour n'importe quelle maladie (de la hernie discale à la pneumopathie), doivent être "hospitalisés pendant plus de trois jours, alités, sans bouger", précise Stéphane Zuily. L'héparine présente également l'avantage d'être disponible facilement, et en grande quantité à l'échelle de la planète, car la thrombose est la "première cause de mortalité dans le monde, avec une personne sur quatre qui en meurt", insiste le professeur.

Toute la subtilité réside dans l'élaboration d'une formule équilibrée qui permette d'éviter la formation de caillots de sang sans pour autant que les patients ne saignent trop. ll faut en effet fluidifier le sang pour éviter les thromboses tout en évitant des saignements abondants. Une posologie que les équipes de l'essai Covidose espèrent élaborer et voir validée pour des prescriptions partout dans le monde.

En résumé, ce type de traitement ne permet pas de prévenir les formes sévères de Covid-19 mais permet aux malades gravement atteints d'éviter d'en mourir. Etienne Decroly, chercheur du CNRS au laboratoire Architecture et fonction des macromolécules biologiques, le classe ainsi parmi les "traitements supportifs", comme l'oxygénothérapie, désormais recommandée, qui permet de globalement réduire la mortalité.

Sérum équin et anticorps clonés

Les recherches sur des traitements progressent aussi en dehors des frontières françaises. En Argentine, par exemple, le gouvernement a autorisé, le 11 janvier, un sérum immunisant développé par des scientifiques argentins pour atténuer les effets du Covid-19. Le traitement est fondé sur des anticorps polyclonaux équins. Ces derniers ont été obtenus en injectant à des chevaux une protéine du Sars-CoV-2, qui est inoffensive pour eux et qui leur fait générer de grandes quantités d'anticorps neutralisants.

Les traitements à base d'anticorps monoclonaux, développés notamment aux Etats-Unis, constituent également un espoir. Donald Trump a été l'un des premiers à en bénéficier, en octobre. Le principe consiste à "isoler les anticorps des patients qui ont eu le Covid" afin "de les reproduire en grande quantité en labo et de les injecter à titre préventif", a expliqué le président du Conseil scientifique Jean-François Delfraissy. Ces anticorps clonés sont ensuite administrés aux patients nouvellement infectés pour limiter la réplication du virus. De tels traitements ont été autorisés aux Etats-Unis et au Canada, et ils pourraient être autorisés en Europe. Leur efficacité continue d'être évaluée : le traitement de l'entreprise américaine Regeneron est ainsi testé dans le cadre de l'essai clinique Recovery.

>> Cinq questions sur les traitements à base d'anticorps monoclonaux, dont Donald Trump a bénéficé

"La porte de sortie de la crise, c'est le vaccin"

Malgré les avancées sur de nombreux traitements, les scientifiques contactés par franceinfo s'accordent à dire que la vigilance sur les gestes barrières doit rester de mise et que la vaccination doit être privilégiée avant de se reposer sur les traitements. "Il faut essayer de ne pas attraper le Covid-19 parce qu'après c'est la loterie", met en garde François Trottein.

Sur la mise au point des traitements, "il y aura encore des surprises, des bonnes et des mauvaises, anticipe Etienne Decroly, d'autant plus que nous faisons face à des variants qui peuvent compliquer la situation". De son côté, Cédric Annweiler souhaite qu'un maximum de personnes se fassent vacciner : "Aujourd'hui, la porte de sortie de la crise, ce n'est pas le traitement, c'est le vaccin."

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