: Vrai ou faux La cinquième vague de l'épidémie de Covid-19 prouve-t-elle que le vaccin est inefficace ?
Les hospitalisations augmentent bien moins vite que les contaminations et les vaccinés sont proportionnellement beaucoup moins hospitalisés que les non-vaccinés. Autant de signes de l'efficacité de la vaccination contre les formes graves de la maladie. Les raisons de la reprise de l'épidémie sont à chercher ailleurs.
Des contaminations qui repartent à la hausse, en France comme dans d'autres pays d'Europe. Des Etats qui imposent de nouvelles restrictions sanitaires à leur population, comme en Belgique ou aux Pays-Bas. Voire qui décident de reconfiner et de rendre la vaccination obligatoire, comme en Autriche. La cinquième vague de Covid-19 déferle de façon "fulgurante", a alerté le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, dimanche 21 novembre. Pour les opposants au vaccin et les détracteurs du pass sanitaire, cette reprise de l'épidémie est la preuve que face au virus, ces solutions mises en place par le gouvernement sont inefficaces. Cet argumentaire est relayé par de nombreux internautes sur les réseaux sociaux.
Sur les plateaux de télévision, des figures de l'extrême droite y font également allusion. "On nous avait expliqué que le vaccin serait la solution miracle et qu'on n'aurait plus aucun problème après avoir été vaccinés", a glissé le président par intérim du Rassemblement national, Jordan Bardella, sur LCI le 14 novembre. "Tout le monde comprend bien que le taux vaccinal n'est pas une solution, a renchéri l'eurodéputé RN Nicolas Bay, lundi, sur franceinfo. En métropole, on est autour de 80% de couverture vacinale et pourtant on nous annonce une cinquième vague. Et demain, si on était à 100% de couverture vaccinale, on nous annoncerait sans doute une sixième vague." La cinquième vague prouverait-elle donc que le vaccin ne sert à rien ? Ou est-ce une "fake news" de plus dans cette pandémie ?
"Une vague de contaminations" mais "pas une vague de malades"
Depuis début novembre, les courbes des principaux indicateurs permettant de suivre l'évolution de l'épidémie sont reparties en nette hausse. La France compte désormais plus de 23 000 nouvelles contaminations par jour en moyenne, au 25 novembre. Le taux d'incidence est lui aussi en forte augmentation, dans toutes les classes d'âge et dans toutes les régions. Il frôle les 200, à 193 nouveaux cas pour 100 000 habitants, soit une progression de 55% en une semaine. Il dépasse même ce seuil chez les 6-10 ans (346, +111%) et les 11-14 ans (212, +81%) notamment, d'après le dernier point épidémiologique de Santé publique France (SPF).
La courbe des hospitalisations est elle aussi en hausse, avec actuellement près de 9 000 personnes hospitalisées, dont près de 1 500 en soins critiques. Mais à l'inverse des autres indicateurs, l'augmentation des prises en charge à l'hôpital et en soins critiques reste contenue : respectivement +20% et +16% en une semaine, d'après SPF.
"Pour l'instant, il n'y a pas de réelle augmentation, ni dans les services de réanimation, ni dans les services de maladies infectieuses, confirme à franceinfo Jean-Michel Constantin, anesthésiste-réanimateur à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Les malades qui arrivent ne sont en tout cas pas corrélés avec le nombre de nouveaux cas par jour et ça, c'est rassurant."
"Nous avons aujourd'hui en France une vague de contaminations, nous n'avons pas une vague de malades."
Jean-Michel Constantin, anesthésiste-réanimateur à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrièreà franceinfo
"Une épidémie de non-vaccinés"
De nombreux détracteurs de la vaccination avancent depuis des mois des chiffres bruts, attestant que les vaccinés sont plus nombreux à être hospitalisés pour Covid-19 que les non-vaccinés. Mais les effectifs de ces deux groupes ne sont pas comparables, comme l'expliquait franceinfo à la mi-novembre.
Pour comparer le risque d'hospitalisation en fonction du statut vaccinal des patients, il faut calculer le nombre d'admissions par million de personnes vaccinées ou non vaccinées. A l'hôpital, les non-vaccinés sont, en proportion, six fois plus nombreux que les vaccinés. On dénombre 12,58 nouvelles hospitalisations pour un million d'habitants non vaccinés, contre 2,03 pour un million d'habitants vaccinés, selon les données de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees).
"Cette cinquième vague, c'est majoritairement une épidémie de non-vaccinés, constate sur franceinfo Anne Sénéquier, médecin, co-directrice de l'Observatoire de la Santé mondiale à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Aujourd'hui, plus de 80% des personnes qui sont en réanimation sont des gens non vaccinés."
Un vaccin efficace à 90% contre les formes graves
Les hospitalisations progressent donc bien moins vite que les contaminations, et à l'hôpital la proportion des malades du Covid-19 vaccinés est très inférieure à celle des non-vaccinés. Grâce au vaccin, "le risque contre les formes sévères" de Covid-19 est "très diminué, rappelle sur franceinfo Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l'Institut Pasteur et membre du Conseil scientifique. Vous diminuez de 90% votre risque d'être hospitalisé si vous êtes vacciné, c'est pour ça qu'il est essentiel de se vacciner." Le vaccin "ne protège pas complètement contre l'infection, poursuit-il. Et vous allez tous voir, dans votre entourage, des gens vaccinés qui s'infectent, ce qui contribue à la transmission et à la circulation du virus."
Le vaccin diminue aussi un peu le risque d'être infecté, même par le variant Delta, plus contagieux. "Il y a des données qui suggèrent qu'avant l'arrivée du variant Delta, les vaccins réduisaient la transmission d'environ 60%, avec Delta cela a chuté à 40%", a souligné mercredi le patron de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Un quart des Français non vaccinés
Comment, alors, expliquer cette cinquième vague ? D'abord, parce que tous les Français ne sont pas vaccinés. A ce jour, la France compte 51 millions d'habitants complètement vaccinés, soit 76% de la population. Reste donc 24% des Français qui ne sont pas vaccinés.
Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses tropicales à l'hôpital Tenon à Paris, pointe sur franceinfo cet "angle mort". "Il y a les 6,4 millions de personnes qui ont de 12 à plus de 80 ans, qui sont éligibles à la vaccination et qui n'ont pas encore reçu de dose." Ces non-vaccinés "se rajoutent aux 10 millions de moins de 12 ans pour lesquels on n'a pas encore d'autorisation vaccinale", chiffre l'infectiologue, soulignant que l'ouverture de la vaccination aux enfants français fait "débat". "Ça fait quand même beaucoup de personnes chez lesquelles le virus circule. Et en plus, (...) il circule aussi chez les vaccinés, relève Gilles Pialoux. Donc on a globalement une circulation virale qui est importante."
D'autres facteurs s'additionnent pour expliquer cette reprise. Il y a un "effet climatique, fait remarquer Arnaud Fontanet. Il fait plus froid, les gens se retrouvent plus en intérieur. S'ils n'aèrent pas, ne portent pas de masque, ils s'exposent." "Les modélisations de l'Institut Pasteur en France montrent que le froid et les conditions climatiques pourraient faire augmenter d'environ 30% le taux de transmission du virus", par rapport à l'été dernier, rappelle sur franceinfo Mahmoud Zureik, professeur d'épidémiologie et de santé publique à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines.
Les mesures barrières sont aussi un peu moins respectées, selon la récente enquête de Santé publique France. Quelque 53,5% des sondés assurent se saluer sans se serrer la main ou sans s'embrasser, contre près de 74% à la sortie du premier confinement, fin octobre 2020. Moins de 28% des personnes interrogées disent éviter les regroupements avec leurs proches, contre près de 40% après le premier confinement. Le lavage des mains, l'aératin des logements au moins deux fois par jour, le port du masque en public... Tous ces gestes barrières sont moins observés au fil du temps. Les "raisons" de cette 5e vague en donnent aussi les "clés", fait valoir l'épidémiologiste Arnaud Fontanet.
"Il faut porter des masques, ouvrir les fenêtres et limiter les moments où on se retrouve dans une situation à risque – sans masque dans un milieu clos avec les fenêtres fermées."
Arnaud Fontanet, épidémiologisteà franceinfo
Un vaccin qui perd en efficacité au fil des mois
Cette nouvelle vague naissante s'explique aussi par "une baisse d'efficacité du vaccin" au fil des mois, accentuée par "un variant Delta qui a une charge virale plus élevée que ses prédécesseurs", détaille Arnaud Fontanet. "Six mois après la deuxième dose, vous avez une protection [contre les formes sévères de la maladie] qui est de l'ordre de 50% alors qu'elle était à 90% juste après l'injection."
Or cette chute de la protection conférée par le vaccin à 50% est une bombe épidémique à retardement, note Mahmoud Zureik. "S'il y a 50 millions de Français qui sont vaccinés, cela veut dire qu'avec ces 50 %, il y a 25 millions de personnes en France vaccinées qui peuvent être infectées et qui peuvent transmettre le virus, c'est donc un réservoir énorme." "Si nous laissons flamber les contaminations, on va nécessairement finir par avoir des malades", prévient l'anesthésiste-réanimateur Jean-Michel Constantin.
Une dose de rappel qui "booste" l'immunité
La baisse de l'efficacité du vaccin peut être compensée par l'injection d'une dose de rappel, ouverte à tous les adultes depuis les annonces d'Olivier Véran jeudi. "On sait qu'un mois après avoir reçu votre dose de rappel, la concentration d'anticorps neutralisants est cinq à dix fois supérieure à ce qu'elle était un mois après la deuxième dose, fait valoir Arnaud Fontanet. Le rappel booste vraiment votre immunité."
"Ça divise par 10 votre risque d'infection, par 20 votre risque d'hospitalisation par rapport à des gens qui ont eu une deuxième dose mais pas de rappel."
Arnaud Fontanetà franceinfo
Mahmoud Zureik liste "trois grands piliers" sur lesquels s'appuyer pour aplatir cette cinquième vague : la vaccination, les gestes barrières, en y incluant le pass sanitaire, et le dépistage et traçage des cas.
"Tout l'enjeu du contrôle de la circulation du virus, c'est d'éviter d'avoir un système de santé saturé, résume à franceinfo Bruno Lina, professeur de virologie aux Hospices civils de Lyon et membre du Conseil scientifique. Or, pour l'instant, si on continue à appliquer les mesures que l'on utilise et si on conserve un niveau de protection induit par la vaccination qui est aussi haut que celui qu'on a, il est possible que l'on maîtrise effectivement cette épidémie. La maîtriser, ce n'est pas empêcher le virus de circuler."
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