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PMA, filiation, dons de sperme... Quels sont les points sensibles du projet de loi de bioéthique ?

Le projet de loi relatif à la bioéthique fait son entrée à l'Assemblée mardi. Pour tenter de modifier le texte, près de 2 600 amendements ont été déposés en commission spéciale. Plus de la moitié d'entre eux se concentrent sur cinq articles. 

Article rédigé par Valentine Pasquesoone
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 9min
L'hémicycle de l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 septembre 2019.  (ERIC FEFERBERG / AFP)

Le point de départ de plus de deux semaines de débats. Les 577 députés français commencent, mardi 24 septembre, l'examen très attendu du projet de loi relatif à la bioéthique. Jusqu'au 9 octobre, ils examineront les 32 articles du texte, dont la réforme emblématique est l'ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes seules.

>> Loi de bioéthique : suivez en direct les débats à l'Assemblée

Passé en commission spéciale avant son examen dans l'Hémicycle, le texte a fait l'objet de près de 2 600 amendements, parmi lesquels quelque 1 400 déposés par des députés Les Républicains (LR). Sans surprise, l'article 1, qui étend l'accès à la PMA, a provoqué le plus grand nombre d'amendements. Quatre autres points du texte, de la filiation à la recherche sur les cellules souches embryonnaires, ont à leur tour suscité de nombreuses tentatives de révision.

Franceinfo revient sur ces points sensibles du projet de loi, sources potentielles de vifs échanges à l'Assemblée nationale.

L'ouverture de la PMA à toutes les femmes

Le premier article du projet de loi relatif à la bioéthique ouvre l'accès à l'assistance médicale à la procréation à toutes les femmes, qu'elles soient en couple avec un homme ou une femme, ou célibataires. "Cet accès ne peut faire l'objet d'aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l'orientation sexuelle des personnes", précise le texte.

Ce point, qui s'annonce comme l'une des grandes réformes sociétales du quinquennat, a suscité pas moins de 630 amendements lors du débat en commission spéciale. Une large partie du groupe Les Républicains – entre 80 et 90%, selon plusieurs sources interrogées par franceinfo – devrait s'y opposer lors de l'examen du projet de loi.

Au cours des débats en commission, les députés LR Xavier Breton, Annie Genevard ou encore Thibault Bazin se sont inquiétés de cette "PMA sans père", dénonçant un manque de prise en compte de "l'intérêt supérieur de l'enfant". A leurs yeux, la suite logique de cette ouverture de la PMA sera la légalisation de la gestation pour autrui (GPA), qui ne figure pourtant pas de ce projet de loi.

La réforme de l'accès à la PMA divise aussi au sein de la majorité LREM. Certains "marcheurs" tels Annie Vidal et Marie Tamarelle-Verhaeghe s'inquiètent de son extension aux femmes seules. La députée de l'Eure défend un projet parental "partagé entre deux personnes", quand d'autres craignent de créer davantage de familles monoparentales en situation de précarité.

L'établissement de la filiation

Suite logique de l'ouverture de la PMA à l'ensemble des femmes, la délicate question de la filiation est traitée par l'article 4 du projet de loi relatif à la bioéthique. Le projet de loi initial, présenté en Conseil des ministres le 24 juillet, prévoyait l'établissement de la filiation à travers une "déclaration anticipée de volonté". Devant notaire, un couple de femmes se serait ainsi engagé à devenir légalement les parents de l'enfant né d'une PMA. Cette première version du projet de loi envisageait la création d'un titre à part dans le Code civil.

Plusieurs associations ont vivement critiqué ce quatrième article. SOS Homophobie a condamné ce "mode de filiation spécifique pour les couples de femmes avec une inscription du mode de conception sur l'acte de naissance de ces enfants". Evoquant un "bricolage juridique", l'association a jugé ce choix d'une filiation "spécifique" discriminatoire. "En réponse à une attente très forte", le gouvernement a finalement fait évoluer le texte en commission spéciale.

Dans sa dernière version, l'article 4 propose une "reconnaissance anticipée de l'enfant" devant notaire, pratique déjà existante pour les couples hétérosexuels qui ne sont pas mariés. Il n'y aura pas de mention de la PMA sur l'acte de naissance, ni de titre spécifique dans le Code civil. Au centre-droit et à droite, plusieurs voix ont critiqué cette révision de l'article. "Pour avoir l'égalité, vous niez les différences", a ainsi taclé le député LR Xavier Breton, quand d'autres ont dénoncé une "improvisation" ou un manque de reconnaissance de "la femme qui accouche".

L'accès aux origines et la levée de l'anonymat

Le troisième article du projet de loi vient profondément réformer le don de gamètes en France. Le texte lève l'anonymat sur les dons de sperme, en proposant aux enfants issus de ces dons d'accéder à leurs origines une fois majeurs. "Toute personne conçue par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur peut, si elle le souhaite, accéder à sa majorité aux données non-identifiantes et à l'identité de ce tiers donneur", peut-on lire dans le projet de loi. Avant de faire un don, tout Français devra ainsi donner son accord pour la communication de deux éléments : des informations médicales le concernant, sans toutefois permettre de l'identifier, ainsi que son identité. Une personne refusant la diffusion de l'un de ces deux éléments ne pourra pas être donneur.

Pas moins de 250 amendements ont été déposés pour réviser cet article. Le sujet de la levée de l'anonymat promet de faire débat à l'Assemblée, à droite comme à gauche. Comme le rappelle La Croix, le député communiste Pierre Dharréville craint les "effets déstabilisants" de ce changement, ainsi que "les illusions qu'il va provoquer". D'autres, tels que la députée LR Nadia Ramassamy auprès du JDD, estiment que cette levée de l'anonymat va d'emblée créer une pénurie de gamètes, "et faire de l'ouverture de la PMA pour toutes un 'coup d'épée dans l'eau'", faute de dons. A l'inverse, plusieurs élus appellent à aller plus loin, précise La Croix. Matthieu Orphelin, député non-inscrit après son départ du groupe LREM, souhaiterait qu'un enfant issu d'un don ait, dès 16 ans, accès à l'identité de son géniteur.

L'autoconservation des gamètes

Le projet de loi, à travers son article 2, "ouvre la possibilité d'une autoconservation de gamètes pour les femmes comme pour les hommes", afin de leur permettre d'avoir des enfants plus tard. Jusqu'à présent, une telle conservation n'était possible qu'à l'issue d'un don de gamètes, ce "qui pouvait être vu comme créant une contrepartie au don", explique le gouvernement pour justifier cette réforme. Des limites d'âge seront néanmoins posées pour encadrer ce nouveau droit. 

L'article a fait l'objet de quelque 170 amendements. Aux yeux de l'exécutif, l'autoconservation de gamètes ne devait avoir lieu que dans des centres publics ou privés à but non lucratif. Des révisions adoptées par la majorité en commission spéciale ont changé la donne, proposant de conserver des gamètes également dans des centres privés. Le député PCF Pierre Dharréville, comme d'autres opposants à cette ouverture, a dénoncé cette proposition, évoquant sur Twitter une "marchandisation de l'humain".

La recherche sur les embryons

Plusieurs articles du projet de loi relatif à la bioéthique proposent aussi une réforme des travaux de recherche sur les embryons et cellules souches embryonnaires. L'article 14, notamment, révise le régime juridique encadrant cette recherche, afin de faciliter l'étude des cellules souches. Désormais, tout protocole de recherche devra être déclaré auprès de l'Agence de la biomédecine. Une autorisation préalable de l'agence ne sera plus nécessaire, contrairement aux recherches sur les embryons.

Plus de 300 amendements ont été déposés pour modifier cet article. "Le régime d'autorisation n'empêche pas les recherches. Pourquoi donner le signal de la diminution de niveau d'exigence dans le rapport que l'on a à la recherche ?", s'est ainsi interrogé le député LR Thibault Bazin, cité par La Croix.

La culture des embryons, dont la durée maximale est fixée à 14 jours dans le projet de loi, fait également débat. "La science permet aujourd'hui d'aller jusqu'à 14 jours, donc on autorise 14 jours. Et demain, si la science permet d'aller au-delà, on va le faire", a dénoncé Thibault Bazin en commission spéciale. Le gouvernement s'est défendu, assurant que jusqu'à présent, la loi ne fixait aucune limite à ces cultures.

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