Cet article date de plus de quatre ans.

PMA, GPA, conservation des ovocytes… Les dix modifications majeures apportées par le Sénat au projet de loi de bioéthique

Les sénateurs doivent se prononcer, lors du vote solennel en première lecture, sur un texte largement modifié en commission par rapport à la version votée par l'Assemblée nationale.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le service médical d'un hôpital de Nice consacré à la lutte contre l'infertilité, le 6 octobre 2017.  (A. NOOR / AFP)

C'est l'heure du scrutin au Sénat, sur un texte largement modifié en commission. Chaque sénateur va devoir se prononcer, mardi 4 février, sur l'ensemble du projet de bioéthique lors du vote solennel en première lecture. Dominé par la majorité de droite, le Sénat a validé la mesure la plus emblématique : l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes seules et aux couples de femmes, promise par Emmanuel Macron en campagne. Mais la chambre haute a réservé son remboursement par la Sécurité sociale aux seuls recours motivés par des critères médicaux. Un changement parmi bien d'autres par rapport à la version initiale du gouvernement et de la majorité. 

Voici les dix principales modifications au projet de loi de bioéthique – le plus souvent contre l'avis du gouvernement – et sur lesquelles l'Assemblée nationale pourra revenir en deuxième lecture.

 Le remboursement réservé à la PMA à "caractère médical"

C'est l'un des points les plus importants. Si le Sénat a donné son aval à l'ouverture de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes, il en a limité le remboursement par la Sécurité sociale à la PMA à "caractère médical". Lesbiennes et célibataires en sont donc à priori exclues. "Une marche arrière" dénoncée par Amnesty International France comme "une discrimination (...) prohibée par le droit international". Ce changement par rapport au texte voté à l'Assemblée est issu d'un amendement déposé par la sénatrice LR Muriel Jourda, opposée à la PMA pour toutes. 

Le double don de gamètes interdit

La chambre haute s'est prononcée contre le double don de gamètes. La mesure était défendue par le gouvernement pour autoriser le recours à la fois à un don d'ovocyte et à un don de sperme dans le cadre d'une PMA. Cette pratique est pour l'instant interdite par la loi française, rappelle l'Agence de la biomédecine "L'interdiction actuelle du double don a aussi pour but de maintenir un lien biologique avec au moins l'un des deux parents de l'enfant", explique La Croix. 

La "filiation d'intention" établie par adoption

Pour les couples de femmes, le Sénat propose d'établir la filiation de la mère d'intention, celle qui n'a pas accouché, par voie d'adoption. Un changement par rapport à ce que proposait le gouvernement, qui voulait que les deux femmes du couple soient reconnues à égalité par le moyen d'une reconnaissance anticipée de l'enfant devant notaire.

L'accès à l'identité des donneurs de sperme soumis à leur autorisation

Les sénateurs ont levé l'obligation, pour les donneurs de sperme, de consentir à la communication de leur identité aux enfants qui naîtront de leur don. Les législateurs ont distingué d'un côté l'accès aux "données non identifiantes", accepté de manière irrévocable par les futurs donneurs de gamètes préalablement au don. Et d'un autre côté, l'accès à l'identité, qui devra faire l'objet d'un consentement du donneur au moment où l'enfant majeur né d'un don en fait la demande.

C'est un changement important par rapport à la version votée par l'Assemblée nationale. Celle-ci prévoyait, comme l'explique France 3, que, pour donner son sperme, un homme devait obligatoirement accepter que son identité puisse un jour être révélée à l'enfant né de ce don, si ce dernier le souhaitait. 

Le Sénat a aussi prévu que les anciens donneurs, sous le régime actuel d'anonymat, puissent être recontactés sur leur volonté ou non de communiquer leurs informations personnelles. 

Pas de conservation des ovocytes hors raisons médicales

Le Sénat a supprimé l'article autorisant l'autoconservation des gamètes (ovocytes et spermatozoïdes) hors raisons médicales (cancer, endométriose…). Des inquiétudes s'étaient exprimées sur la "pression sociale" des employeurs à laquelle les femmes pourraient être soumises. 

Outre-Atlantique, de plus en plus de grandes entreprises aident leurs salariées à repousser la date de leur grossesse pour les garder au travail. Ce mouvement a commencé en 2014 : "Facebook et Apple avaient défrayé la chronique en proposant à leurs salariées de les aider à congeler leurs ovocytes pour éviter les grossesses en début de carrière, et consacrer leur trentaine, l'esprit tranquille, à leur boulot", expliquions-nous en septembre dernier. Elles sont désormais imitées par des entreprises comme Tesla ou Starbucks, qui le proposent à leur personnel féminin.

GPA : pas de transcription à l'état civil des actes de naissance établis à l'étranger

Dans le cadre de la gestation pour autrui (GPA), le Sénat a interdit la retranscription d'un jugement étranger reconnaissant "comme mère une femme autre que celle qui a accouché" ou "lorsqu'il mentionne deux pères". Le gouvernement proposait que la "réalité" d'un acte d'état civil étranger soit "appréciée au regard de la loi française".

Le délai pour la culture d'embryons porté à 21 jours

Les sénateurs ont porté à 21 jours le délai autorisé pour la culture d'embryons in vitro à des fins de recherche. Les députés l'avaient déjà fait passer de 7 à 14 jours. Quant à la durée de conservation des embryons, elle passe de cinq à dix ans dans la nouvelle version du texte.

Les embryons chimériques interdits

Le Sénat a rétabli l'interdiction de tout embryon chimérique, alors que le gouvernement souhaitait encadrer l'insertion de cellules souches humaines dans un embryon animal. Les élus de la chambre haute se sont aussi opposés à la modification génétique des embryons à des fins de recherche scientifique et médicale. 

La technique du "bébé-médicament" réintroduite

Contrairement à leurs homologues de l'Assemblée, les sénateurs proposent la réintroduction de la technique dite du "bébé-médicament". Cette technique, que les députés souhaitaient interdire, vise à la conception d'un enfant indemne d'une maladie génétique dont souffre son frère ou sa sœur, et immuno-compatible avec ce dernier ou cette dernière. Ce nourrisson permet la guérison de l'enfant malade, à travers un prélèvement de sang de cordon.

Corps donnés à la science : une possibilité mieux encadrée

Le Sénat a voté un amendement du gouvernement visant à encadrer les conditions de don du corps à la science. En décembre dernier, L'Express avait révélé que des cadavres auraient été conservés dans des conditions indignes au cinquième étage de l'université de Paris René-Descartes, au sein du centre du don des corps. Corps pourris, membres grignotés par des souris, chambres froides pas aux normes… les révélations étaient accablantes.

L'amendement du gouvernement adopté par le Sénat prévoit qu'une personne qui choisit de donner son corps "à des fins d'enseignement médical et de recherche" doit exprimer son consentement "de manière écrite et expresse". Il précise que "ce don ne peut être effectué qu'au bénéfice d'un établissement de santé, de formation ou de recherche titulaire d'une autorisation délivrée par le ministre chargé de l'Enseignement supérieur et de la Recherche".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.