Fissures dans des centrales nucléaires : "Il faut qu’EDF étende son programme de contrôle à d'autres réacteurs", alerte l'IRSN
"Il faut qu’EDF étende son programme de contrôle à d'autres réacteurs", alerte ce vendredi sur franceinfo Olivier Dubois, directeur adjoint de l'expertise de sûreté à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), alors qu'EDF a détecté un autre défaut "non négligeable" dû à un phénomène dit de fatigue thermique sur une soudure d'une tuyauterie de secours dans deux réacteurs, selon l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Les deux centrales nucléaires concernées sont celles de Penly (Seine-Maritime) et de Cattenom (Moselle). Ces fissures sont "dues à des variations répétitives de température sur une longue durée", a-t-il expliqué. Le problème, selon l'expert en sécurité nucléaire, c'est que "ces contrôles sont difficiles à réaliser", car ils s'effectuent "dans une zone où il y a de la radioactivité", a-t-il souligné. Il faut donc faire "suffisamment de contrôles pour trouver les défauts", mais "ne pas en faire trop non plus", pour protéger le personnel.
franceinfo : Ces fissures sont-elles habituelles ?
Olivier Dubois : La fatigue thermique, c'est un peu plus habituel. C'est quelque chose qui est connu. C'était l'origine de la fuite du réacteur de Civaux en 1998. C'est aussi un phénomène qui avait été observé à Dampierre dans les années 92. C'est un phénomène qui est plus connu que la corrosion sous contrainte sur ces tuyauteries, mais il n'était pas attendu à cet endroit-là. Le programme de contrôle d'EDF pour la fatigue n'est visiblement pas adapté puisque les soudures correspondantes n'avaient pas été contrôlées.
Faut-il faire d’autres contrôles ?
Il faut qu’EDF étende son programme de contrôle à d'autres réacteurs et à d'autres soudures des mêmes tuyauteries, puisque la soudure qui était contrôlée sur cette tuyauterie pour rechercher de la fatigue n'était pas celle sur laquelle la fatigue thermique a été trouvée grâce au contrôle fait pour détecter la corrosion. C'est d'ailleurs la recommandation qu'avait faite, après la précédente découverte, l'Autorité de sûreté nucléaire.
Pourquoi ces contrôles ne sont-ils pas faits ? Par manque de moyens ?
Ce n'est pas seulement par manque de moyens, c'est parce que ces contrôles sont difficiles à réaliser. On est dans une zone où il y a de la radioactivité. Le personnel qui fait les contrôles va donc subir des doses et donc il faut tenir compte de l'ensemble de ces contraintes pour faire suffisamment de contrôles pour trouver les défauts quand il y en a. Mais ne pas en faire trop non plus, notamment pour les aspects dosimétrie du personnel.
Ces fatigues thermiques existent parce que ce sont des réacteurs anciens ?
Le terme fatigue thermique est un terme consacré dans le domaine de la mécanique. C'est un mécanisme d'endommagement dû à des variations répétitives de température sur une longue durée. C'est un phénomène qui apparaît sur la durée. Il faut concevoir ces tuyauteries de manière à éviter qu'il y ait des variations répétitives de température. En particulier, il faut bien concevoir les tuyauteries dans les zones où il y a des mélanges entre des fluides froids et des fluides chauds. Donc la conception est quelque chose de très important pour éviter la fatigue thermique. Les tuyauteries qui ont actuellement des fissures liées à la fatigue thermique, il faut les remplacer. En tout cas, EDF s'est lancé dans un chantier de réparation des tuyauteries affectées par la corrosion sous contrainte et réparera de la même manière ces morceaux de tuyauterie affectés par la fatigue.
Ces contrôles peuvent être faits dans quels délais ?
Ils ne peuvent être faits que si les réacteurs sont arrêtés. Les réacteurs sont déjà à l'arrêt, c'est le cas du réacteur Penly 1 et Cattenom 2 et 3. Les contrôles sont en cours. Ensuite les contrôles se feront au rythme des arrêts des réacteurs qu'il faudra peut-être adapter pour réaliser ces contrôles suffisamment vite.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.