Cet article date de plus de quatre ans.

"On ne veut plus cautionner la dégradation du service public" : 1 000 médecins menacent de démissionner de leurs fonctions administratives

Ces chefs de service vont dévoiler mardi la lettre qu'ils entendent envoyer au ministère de la Santé avant de mettre leur menace de démission à exécution. Deux d'entre eux ont raconté leurs motivations à franceinfo.

Article rédigé par Solenne Le Hen - Édité par Pauline Pennanec'h
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Une manifestation de personnels hospitaliers, le 17 décembre 2019 à Paris. (LUC NOBOUT / MAXPPP)

"Je garderai mes fonctions de médecin, je garderai mes fonctions universitaires mais je n’assurerai plus aucune collaboration avec l’administration", lâche le professeur Philippe Lévy. Le médecin est ferme : si lundi 20 janvier la ministre de la Santé n'a pas répondu ou reçu une délégation de médecins, il démissionnera de ses fonctions de chef du service de pancréatologie à l'hôpital Beaujon, à Paris. "On ne veut plus cautionner la dégradation du fonctionnement du service public telle qu’on la constate aujourd’hui", martèle-t-il.

>> "Je veux que l’État comprenne que nous ne sommes pas des machines" : ils racontent pourquoi l'hôpital public est en état d'urgence

Philippe Lévy fait partie des 1 000 médecins de l'hôpital public qui menacent de démissionner de leurs fonctions de chef de service ou d'autres responsabilités administratives si Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, ne débloque pas davantage de moyens financiers pour l'hôpital. 660 d'entre eux avaient annoncé leur intention le 15 décembre dans une tribune publiée dans Le journal du dimanche. Ils attendaient d'être 1 000 pour envoyer une lettre au ministère de la Santé.

Je ne serai pas à l’aise de faire hospitaliser quelqu’un de proche dans certains services, y compris le mien, parce que je sais qu’on ne travaille pas en sécurité.

Professeur Philippe Lévy

à franceinfo

Pour le professeur Lévy, le plan présenté par la ministre de la Santé il y a deux mois est insuffisant. Le manque de moyens, de personnel se fait de plus en plus sentir : "Je vous donne un exemple : quand j’étais jeune chef de clinique, il y avait deux infirmières par salle qui suivaient ma visite. Aujourd’hui, il n’y en a aucune parce qu’elles sont tellement occupées qu'elles n’ont pas le temps de faire la visite avec moi, et donc de comprendre ce qu’ont les malades, et de comprendre les raisons pour lesquelles on prescrit tel ou tel examen, tel ou tel traitement."

"On n’est plus attractif pour les jeunes"

À l'hôpital du Kremlin Bicêtre à Paris, le professeur Xavier Mariette, chef du service rhumatologie, menace lui aussi de démissionner de ses fonctions administratives. Il est attaché à l'hôpital public et réclame davantage de moyens, des hausses de salaire... mais pas pour lui : pour ses équipes, les infirmières notamment. "Aujourd’hui, on n’est plus attractif pour les jeunes", rétorque-t-il. "Les postes d’infirmières dans les hôpitaux ne sont plus pourvus parce que les infirmières préfèrent travailler dans d’autres structures, les médecins commencent à démissionner, les jeunes médecins ne sont plus attirés par l’hôpital", ajoute-t-il.

Le professeur Mariette ne craint pas de démissionner de ses fonctions de chef de service, mais il aurait un pincement au cœur si cela devait arriver la semaine prochaine. "Je ne veux pas croire que ça arrivera, et je ne veux pas croire aujourd’hui qu’un ministre qui a été une hospitalo-universitaire laisse mourir l’hôpital public", dit-il.

Ces deux professeurs craignent à terme un système de santé à deux vitesses : un hôpital public pour les pauvres, et des cliniques privées pour les riches.

1 000 médecins menacent de démissionner de leurs fonctions administratives - Reportage Solenne Le Hen

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.