Abstention record, vague En marche !, "dégagisme"... Ce qu'il faut retenir des résultats du premier tour des législatives
La République en marche et le MoDem obtiennent 32,32% des voix au premier tour, devant l'alliance Les Républicains-UDI (21,56%), La France insoumise-PCF (13,74%) et le Front national (13,2%).
Emmanuel Macron est bien parti pour disposer d'une très large majorité à l'Assemblée nationale. La République en marche et le MoDem obtiennent 32,32% des voix au premier tour des élections législatives, dimanche 11 juin, devant les candidats Les Républicains-UDI-divers droite (21,56%), La France insoumise-PCF (13,74%) et le Front national (13,2%). Mais la véritable gagnante du scrutin est l'abstention, qui atteindrait près de 51,3%. Franceinfo fait le point sur ce qu'il faut retenir de cette soirée électorale.
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L'abstention atteint un niveau historique
L'abstention est, cette fois encore, la grande gagnante des élections. Près de 51,3% des Français ont décidé de ne pas se rendre aux urnes au premier tour des élections législatives. Jamais l'abstention n'avait atteint un tel niveau sous la Ve République. Le précédent record, qui date du premier tour des législatives en 2012, était de 42,78%.
Cette faible participation se traduit par un faible nombre de triangulaires et de quadrangulaires au second tour, mais aussi par la quasi-absence d'élus dès le premier tour. Pour être député dès le premier tour, il faut non seulement dépasser les 50% des suffrages exprimés, mais aussi le seuil de 25% des inscrits. Seuls quatre députés ont réussi cette performance : Paul Molac dans le Morbihan, Stéphane Demilly dans la Somme, Napole Polutele à Wallis et Futuna et Sylvain Maillard à Paris.
Dans les autres cas, pour parvenir au second tour, les candidats doivent obtenir 12,5% du nombre d'inscrits dans leur circonscription. Donc, plus l'abstention est forte, plus le seuil de qualification est élevé. Conséquence : seule une triangulaire s'annonce pour le 18 juin, dans la 1re circonscription de l'Aube.
La République en marche s'apprête à réaliser une razzia à l'Assemblée
Emmanuel Macron l'avait prédit. "Les Français sont cohérents : ils nous donneront une majorité pour gouverner et légiférer", assurait le président à la mi-avril. Le résultat pourrait dépasser les espérances du chef de l'Etat, sauf retournement dans l'entre-deux-tours. La République en marche et son allié MoDem obtiendraient en effet entre 415 et 455 sièges après le second tour, un chiffre largement supérieur à la majorité absolue (289 sièges), selon notre estimation Ipsos/Sopra Steria*.
Les autres grands partis se partagent les miettes : entre 70 et 110 députés pour Les Républicains/UDI, 20 à 30 pour le Parti socialiste et ses alliés PRG/Divers Gauche/EELV, 8 à 18 pour La France insoumise et le PCF, 1 à 5 pour le Front national, et 7 à 12 pour les autres formations.
Porté par un début de mandat jugé réussi, selon les enquêtes d'opinion, Emmanuel Macron a profité d'une configuration qui s'est vérifiée à chaque reprise depuis 1981, de Mitterrand à Hollande en passant par Chirac et Sarkozy : un président élu a toujours obtenu une majorité dans les législatives suivant son élection. Mais le nouveau chef de l'Etat ferait bien mieux que ses prédécesseurs François Hollande (331 députés en 2012) et Nicolas Sarkozy (345 sièges en 2007). Même en 2002, Jacques Chirac n'avait obtenu "que" 398 députés de droite. On s'achemine donc vers une majorité écrasante.
Ce raz-de-marée prévisible s'explique notamment par le positionnement "central" de LREM, qui crée un "effet de levier" pour le second tour des législatives. La forte abstention s'est traduite par un très grand nombre de duels au second tour. Face à des candidat LR, PS, FI ou FN, ils bénéficient d'un bon report de voix de la plupart des candidats éliminés, en raison de leur positionnement central, le fameux "ni droite ni gauche".
Le FN et la France insoumise ne confirment pas leurs scores de la présidentielle
Depuis le résultat plutôt décevant de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle (33,9% des voix), les leaders frontistes avaient revu leurs ambitions à la baisse. Ils ne s'attendaient pas, toutefois, à un tel score. Au premier tour des législatives, le Front national obtient 13,20% des suffrages, un score en dessous du résultat de la présidentielle et en deçà de celui de 2012. Il y a cinq ans, le parti créé par Jean-Marie Le Pen avait obtenu 13,6% des voix au niveau national et obtenu deux sièges.
Selon notre estimation Ipsos/Sopra Steria, le FN peut espérer obtenir entre 1 et 5 sièges, bien loin du seuil des 15 députés qui permettrait au parti d'avoir un groupe parlementaire. En cause, selon les ténors du parti, une abstention record, qui a davantage profité aux députés sortants, et un "mode de scrutin" où l'absence de proportionnelle "écarte des millions de nos compatriotes des urnes et d'une représentation digne de ce nom", comme l'a répété Marine Le Pen dimanche soir. D'autres facteurs sont en cause dans l'échec du FN lors de ce scrutin : une campagne ratée, l'afflux de personnalités de droite qui n'a pas eu lieu et l'absence d'accord avec le parti de Nicolas Dupont-Aignan, Debout la France. Seule à tirer véritablement son épingle du jeu, Marine Le Pen est arrivée largement en tête du premier tour dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais, avec 46,02% des voix.
La France insoumise n'a pas non plus transformé l'essai de la présidentielle. Après son score élevé (19,58%), le mouvement de Jean-Luc Mélenchon n'a recueilli que 11,02% des voix au premier tour des législatives. Un score qui peut lui permettre, avec les communistes, d'espérer envoyer entre 8 et 18 députés à l'Assemblée nationale, selon notre estimation.
"La division des forces de gauche se paie très cher", a regretté le dirigeant communiste Pierre Laurent, critiquant le refus d'alliance de Jean-Luc Mélenchon. "L'immensité de l'abstention montre qu'il n'y a pas de majorité pour détruire le Code du travail", a relativisé le leader de la France insoumise, qui, contrairement à la présidentielle, a immédiatement appelé ses électeurs à "ne jamais permettre l'élection d'un candidat Front national". En tête dans la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône, il a appelé à "la mobilisation des milieux populaires et de la jeunesse" pour le second tour. "Ne permettez pas que soient donnés les pleins pouvoirs au parti du président", a-t-il lancé.
La victoire du "dégagisme"
Le "dégagisme", néologisme qui vient du fameux "Dégagez !" des Printemps arabes, a pris tout son sens dimanche 11 juin. De nombreux députés sortants se sont vus éliminés dès le premier tour des élections législatives. Le Parti socialiste est particulièrement affecté. A 22 heures, pas moins de 70 élus sortants avaient déjà été éliminés, sur 364 circonscriptions dépouillées, indique Le Monde .
Même les têtes d'affiches ont fait les frais de cette volonté des Français de renouveler le paysage politique. Le patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a été éliminé dès le premier tour dans la 16e circonscription de Paris. Plusieurs anciens ministres et secrétaires d'Etat de François Hollande ont subi le même sort. Facilement élue dans la première circonscription de Moselle en 2012, Aurélie Filippetti a cette fois-ci été battue avec 11,80% des suffrages. Cécile Duflot, Emmanuelle Cosse, Benoît Hamon, Matthias Fekl ou encore François Lamy ont eux aussi été éliminés d'entrée de jeu.
Certains ténors de droite ont également été écartés dimanche 11 juin. N'ayant pas obtenu l'investiture des Républicains dans son fief des Yvelines, Henri Guaino (LR) a tenté sa chance dans la 2e circonscription de Paris. Sans succès : largement battu au premier tour, il a annoncé arrêter la vie politique.
La menace du "dégagisme" plane également au-dessus des députés sortants qualifiés pour le second tour. Plusieurs se trouvent en ballottage défavorable au second tour. Les socialistes et Les Républicains, principales forces de l'Assemblée nationale en 2012, devraient d'ailleurs perdre de très nombreux sièges après le second tour. Selon notre estimation Ipsos/Sopra Steria*, le bloc du PS ne disposerait que de 20 à 30 sièges, contre 295 au début de la précédente mandature, et l'alliance LR-UDI de 70 à 110 élus, contre 226 aujourd'hui.
*Estimation Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France, "Le Point", France 24 et LCP-AN.
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