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Législatives : quatre questions sur l'abstention record au premier tour

Elle devrait atteindre 51,2%, selon notre estimation Ipsos/Sopra Steria, un niveau largement supérieur au précédent record atteint en 2012.

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Dans un bureau de vote à Gardouch (Haute-Garonne), au premier tour des législatives, le 11 juin 2017. (ERIC CABANIS / AFP)

Elle est encore la grande gagnante de l’élection. L'abstention devrait atteindre 51,2% au premier tour des élections législatives, dimanche 11 juin, selon notre estimation Ipsos/Sopra Steria*, publiée à partir des chiffres de la participation à 17 heures, communiqués par le ministère de l'Intérieur. Le niveau serait historique, largement supérieur au précédent record atteint en 2012, où l'abstention avait atteint 42,78% au premier tour. Pourquoi ? Quelles conséquences sur le scrutin ? Franceinfo fait le point en quatre questions.

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Quel est le taux de participation ?

Selon le ministère de l'Intérieur, le taux de participation était de 40,75% à 17 heures, soit à une heure de la fermeture de la plupart des bureaux de vote, sauf dans les très grandes villes comme Paris, où ils devaient rester ouverts jusqu'à 20 heures.

En 2012, il était de 48,31% à la même heure, contre 49,28% en 2007 et 50,51% en 2002. Le 23 avril, au premier tour de la présidentielle, le taux de participation était de 69,42%.

L'abstention finale devrait ainsi atteindre un taux record de 51,2%, selon notre estimation Ipsos/Sopra Steria*. Si ces chiffres se confirment, il s'agira d'un record sous la Ve République.

Dans quels départements a-t-on le moins voté ?

Parmi les départements qui se classent dans la catégorie des bons élèves figurent le Gers (51,23% à 17 heures), les Côtes-d'Armor (48,93%), la Creuse (48,73%) et la Haute-Vienne (48,4%). La Corrèze est le département où les Français s’étaient le plus déplacés à 17 heures (52,36%). Mais, là aussi, on enregistre une baisse de la participation par rapport au précédent scrutin. En 2012, 58,85% des électeurs corréziens s’étaient rendus aux urnes à 17 heures, soit plus de 6 points supplémentaires.

A l'inverse, les départements où l'on avait le moins voté à 17 heures sont la Seine-Saint-Denis (24,74%), le Val-d'Oise (32,92%), les Alpes-Maritimes (34,17%), la Moselle (34,90%) et l'Aisne (34,93%). La Seine-Saint-Denis enregistre une très forte de baisse de la participation (moins 15,76 points) par rapport à la même heure, en 2012 : à l'époque, 40,50% des électeurs s'étaient déplacés à 17 heures.

Pourquoi les électeurs ont-ils rechigné à se déplacer ? 

Plusieurs raisons à cela. "Les législatives sont  un scrutin qui mobilise de moins en moins, comme tous les autres, à l’exception de la présidentielle, souligne sur franceinfo Jean-Yves Dormagen, professeur de sciences politiques à l’université de Montpellier. Elle est la seule, dans notre système, à rester mobilisatrice."

"Comme d'habitude, pour les législatives qui suivent la présidentielle, il y a une partie des gens qui ne s'y intéressent plus et qui estiment que l'essentiel a été fait avec l'élection du président", confirme Cécile Cornudet, éditorialiste au journal Les Echos, sur RMC. "Il faut dire aussi qu'on en est au septième tour cette année, poursuit-elle. Il y a eu les deux primaires de la droite et du centre, et de la gauche, avec un début campagne fin octobre. Cela fait six ou sept mois de campagne parfois violente, avec les affaires, et il y a eu comme un clap de fin avec la présidentielle."

Autre cause : le manque de confiance dans la vie politique. Près d'un tiers (30%) des Français "ne croient plus" en leurs réprésentants, qui les ont "trop déçus", selon une enquête Ipsos/Sopra Steria* réalisée entre le 7 et le 10 juin. Quelque 16% des personnes interrogées expliquent leur intention de ne pas aller voter "parce qu'aucun programme ne leur paraît vraiment convaincant". 18% estiment en outre que "quel que soit le résultat de l'élection, cela ne changera rien".

 

Cette lassitude et ce désintérêt ne traduisent pas pour autant un rejet d'Emmanuel Macron et de son mouvement La République en marche, indique Gaël Sliman, président de l’institut Odoxa. Les abstentionnistes ne "votent pas parce qu’ils ne soutiennent pas Emmanuel Macron, mais soit ils ne veulent pas bloquer ou empêcher d’agir le nouveau président, soit ils pensent que, de toute façon, l’élection est jouée d’avance", explique-t-il. Selon l'enquête d'Ipsos/Sopra Steria, 9% des Français comptaient ne pas se rendre aux urnes "parce que leur vote ne changera rien, La République en marche est assurée de gagner". Le beau temps, ce dimanche, a fait le reste.

Quelles sont les conséquences de cette abstention record ?

Pour être qualifiés au second tour, les candidats doivent obtenir au premier tour au moins 12,5% des voix des inscrits sur les listes électorales. Plus l'abstention est forte, plus le seuil de qualification est donc élevé. Selon les modèles élaborés par Ipsos/Sopra Steria, une abstention de 50,2% signifierait que les candidats devront obtenir au moins 25% des suffrages exprimés pour pouvoir se présenter au second tour. "C’est énorme si on compare au score obtenu par les différents partis lors du premier tour de la présidentielle", explique Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l'université Paris-I Panthéon-Sorbonne, à BFMTV.

Avec une faible participation, peu de candidats peuvent espérer atteindre le second tour. Cela se traduira notamment par un faible nombre de triangulaires et de quandrangulaires. "Avant une loi de 1976, le seuil n'était pas de 12,5%, mais de 5% [des inscrits]. Il s'agissait dans l'esprit du législateur à l'époque de simplifier le paysage politique français pour faire en sorte qu'il n'y ait que deux partis au second tour, explique Dominique Rousseau. Plus le seuil est élevé, plus ça enlève les autres partis. C'était un instrument pour bipolariser la vie politique."

Le fort taux d’abstention pourrait également avoir un impact sur la légitimité de la prochaine Assemblée nationale. "Ce n’est pas une bonne nouvelle pour la démocratie, ni pour les députés élus", analyse Yves-Marie Cann, directeur des études politiques à l'institut de sondage Elabe, interrogé par BFMTV. Une faible participation implique en effet que les candidats au Palais-Bourbon ne devraient "pas leur élection tant à la mobilisation des Français qu’au résultat de la présidentielle". Selon le sondeur, cela aboutirait donc à une "Assemblée faible par rapport au président et au Premier ministre".

La faible participation aura également un impact sur le financement des partis. Pour percevoir une aide publique, une formation doit obtenir au moins 1% des votes dans 50 circonscriptions différentes. Si ces conditions sont remplies, le montant versé est calculé à la proportionnelle : chaque voix obtenue rapporte 1,42 euros par an. Moins de participation, c'est donc forcément moins d'argent dans les caisses des formations politiques.

*Estimation Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France, "Le Point", France 24 et LCP-AN.

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