Démission du gouvernement de Gabriel Attal : cinq questions sur la gestion des "affaires courantes" dont sont chargés les ministres

Neuf jours après le second tour des élections législatives, Emmanuel Macron a accepté la démission du Premier ministre et de son gouvernement. Gabriel Attal et son équipe conservent cependant plusieurs prérogatives.
Article rédigé par Thibaud Le Meneec - avec AFP
France Télévisions
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Une partie des ministres du gouvernement de Gabriel Attal, à Paris, le 16 juillet 2024. (JACQUES WITT / SIPA)

C'était une question d'heures, c'est à présent chose faite. Présentée une première fois au lendemain des élections législatives, mais immédiatement refusée, la démission du gouvernement de Gabriel Attal a été acceptée dans la soirée du mardi 16 juillet par Emmanuel Macron, a annoncé l'Elysée dans un communiqué. Le gouvernement est donc chargé du "traitement des affaires courantes jusqu'à la nomination d'un nouveau gouvernement"

Dans les faits, un gouvernement démissionnaire "reste en place, tant qu'il n'est pas remplacé par un nouveau gouvernement, pour assurer, au nom de la continuité, le fonctionnement minimal de l'Etat", explique une note du secrétariat général du gouvernement (SGG) datée du 2 juillet, dont l'AFP et France Télévisions ont obtenu une copie. Franceinfo répond à cinq questions sur cette situation institutionnelle particulière.

A quoi correspondent les "affaires courantes" ?

Selon le SGG, les affaires courantes recouvrent d'un côté les "affaires ordinaires" qui participent à "la marche normale de l'Etat" et ne nécessitent "aucune appréciation de nature politique", et de l'autre les "affaires urgentes", dont l'adoption est dictée par "une impérieuse nécessité" (état d'urgence, catastrophe naturelle, trouble à l'ordre public, techniques de renseignement par exemple). "En cas de crise, les cabinets continueront de travailler. On restera en éveil", assure l'un des ministres du gouvernement Attal à franceinfo. 

Rien n'interdit au président de la République de réunir un Conseil des ministres, mais souvent avec un ordre du jour "particulièrement léger". Le chef de l'Etat peut continuer à procéder à des nominations sauf "les plus politiquement sensibles" (par exemple celles des directeurs d'administration centrale), souligne le SGG. Plus les périodes d'affaires courantes ont été longues, plus cette notion a été élargie avec des prérogatives étendues, relève par ailleurs le SGG.

Le gouvernement démissionnaire peut-il présenter de nouveaux projets de loi ?

Aucun gouvernement en affaires courantes n'a présenté de projet de loi sous la Ve République, car toute mesure législative est tenue "pour importante et politiquement sensible", rappelle le secrétariat général du gouvernement. Un tel gouvernement évite aussi de tenir des réunions interministérielles pour "ne pas multiplier le travail inutile", étant donné que l'équipe suivante pourrait remettre en cause les arbitrages rendus.

Il existe cependant deux exceptions principales listées par le secrétariat général du gouvernement. La première concerne la nécessité de prendre des mesures financières urgentes, comme doter la France d'un budget. La seconde est relative à la "nécessité, en cas de crise, de prolonger au-delà de douze jours une déclaration d'état d'urgence". En outre, "il n'y a jamais eu, en période d’expédition des affaires courantes, (...) de projet de loi adopté par le Parlement", rappelle le SGG.

Les ministres élus députés vont-ils retrouver leur siège à l'Assemblée nationale ?

Oui. Dès l'acceptation de la démission du gouvernement, les 17 ministres du gouvernement Attal élus députés retrouvent leur mandat parlementaire. Ils pourront voter à l'Assemblée nationale, à partir de la session qui s'ouvre jeudi, notamment sur la répartition hautement sensible des postes comme la présidence de l'hémicycle. Gabriel Attal devient ainsi à la fois Premier ministre démissionnaire et président du groupe Ensemble pour la République (ex-Renaissance), ce qui pose la question de la séparation des pouvoirs.

"C'est une façon de torturer le droit, explique le constitutionnaliste Benjamin Morel dans Libération. Parce que la Constitution de la Ve République est vraiment écrite et pensée pour empêcher le cumul de la fonction de ministre et du mandat parlementaire. Juridiquement, ça peut tenir, mais ça pose de gros problèmes démocratiques et d'équilibre du régime."

S'ils redeviennent députés, les ministres du gouvernement démissionnaire ne pourront donc pas répondre aux parlementaires, qui ont l'habitude de les interroger chaque semaine. "On ne pourra pas les interroger lors des questions au gouvernement. La crainte économique monte, l'insatisfaction sociale est là, le sujet de la dette aussi… Or le no man's land qui se constitue de fait est très mauvais", peste Philippe Gosselin, député LR de la Manche, auprès de franceinfo.

Est-ce que le gouvernement démissionnaire peut être renversé ?

Non. "Dans un régime parlementaire comme celui de la Ve République, la logique veut qu'un gouvernement fasse usage de pouvoir politique, car il est susceptible de voir sa responsabilité engagée devant l'Assemblée nationale. Ce n'est donc pas le cas d'un gouvernement qui a déjà démissionné", précise à L'Express Anne Levade, professeure de droit public.

C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles le gouvernement ne peut pas présenter de texte en Conseil des ministres. "Il peut sembler inadéquat de saisir le Parlement alors même qu'il est privé de sa prérogative la plus forte, à savoir la possibilité de renverser le gouvernement", explique le SGG. De la même manière, le gouvernement ne peut pas utiliser l'article 49.3 de la Constitution, qui permet de faire adopter un texte sans vote.

Combien de temps cette situation va-t-elle durer ?

C'est la grande inconnue. Il n'y a pas de limite temporelle à cette situation, qui durera jusqu'à la nomination du prochain gouvernement, et non seulement à celle du nouveau Premier ministre. Or, alors qu'aucune force politique n'a obtenu de majorité absolue à l'issue des élections législatives, les tractations achoppent toujours à gauche sur le nom d'un Premier ministre à proposer à Emmanuel Macron, tandis que le "pacte législatif" élaboré par la droite pour servir de base de négociations avec le camp présidentiel est loin d'être concrétisé. 

Selon plusieurs sources ministérielles à l'AFP et France Télévisions, Emmanuel Macron a laissé entendre que cette situation pourrait "durer un certain temps", "quelques semaines", vraisemblablement jusqu'à la fin des Jeux olympiques, dont la cérémonie de clôture a lieu le 11 août. "L'été, de fait, ça fonctionne au ralenti", relativise le ministre du gouvernement, qui imagine la suite : "Il faudra qu'un nouveau gouvernement soit là fin août, début septembre. Mi-septembre, il y a une présentation du budget en Conseil des ministres, avant le dépôt en commission. Il faut aussi respecter ce calendrier-là."

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