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Législatives 2022 : comment le camp d'Emmanuel Macron a changé de ton face à Jean-Luc Mélenchon depuis l'entre-deux-tours de la présidentielle

La République en marche et le chef de l'Etat fustigent désormais le projet de la Nupes et du "cartel mélenchoniste" alors qu'ils soulignaient les "valeurs communes" avec la gauche lorsqu'il s'agissait de convaincre l'électorat du leader des "insoumis".

Article rédigé par Thibaud Le Meneec
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le chef de file de La France insoumise à Villeurbanne (Rhône), le 4 juin 2022. (OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP)

Est-ce le signe d'une fébrilité croissante dans les rangs de la majorité présidentielle, à l'approche des élections législatives des 12 et 19 juin ? S'ils se disent confiants dans le fait d'obtenir une majorité absolue à l'Assemblée nationale, les soutiens du chef de l'Etat sont passés à l'offensive dans la dernière ligne droite de la campagne. Avec une cible : Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France insoumise (LFI) et chef de file de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). Un véritable contre-pied par rapport à l'entre-deux-tours de la présidentielle, lorsque La République en marche épargnait le candidat arrivé troisième au premier tour, voire saluait ses positions pour convaincre son électorat.

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Deux mois plus tard, alors que les sondages montrent une progression de la Nupes dans les intentions de vote à quelques jours du scrutin, les attaques redoublent envers la coalition de gauche. Elles viennent notamment de Bercy, où le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, a dénoncé mercredi 8 juin, dans les colonnes du Monde, un projet de "guillotine fiscale", tandis que Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie et des Finances, dépeignait dix jours plus tôt, dans Le Figaro, le leader des "insoumis" en "Chavez gaulois".

"Son parti est en réalité celui de la soumission. Soumission à une idéologie collectiviste. Soumission à un parti autoritaire qui ressemble à un clan."

Bruno Le Maire, ministre de l'Economie

dans "Le Figaro", le 31 mai

Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, évoque quant à lui "l'impasse" du "cartel mélenchoniste" dans une interview à Ouest-France.

Des comparaisons avec Marine Le Pen...

Dans les médias et sur le terrain, les candidats de la majorité sortante et les responsables du camp présidentiel ne retiennent plus leurs coups contre Jean-Luc Mélenchon. Le chef de l'Etat ne cesse d'ailleurs de s'en prendre à son rival de gauche, avec un argument qui revient en boucle dans la bouches des macronistes comme Olivier Véran ou Christophe Castaner. "C'est un projet d'interdiction et de taxation", a critiqué Emmanuel Macron.

"Le projet de la Nupes, c'est un projet où il y a 20 taxations nouvelles, donc ce n'est pas un bon projet pour le pays."

Emmanuel Macron

en déplacement à Clichy, le 8 juin

Le lendemain, jeudi 9 juin, le chef de l'Etat a condamné depuis le Tarn les "extrêmes" qui voudraient "ajouter de la crise à la crise". Le programme économique et écologique de la Nupes serait-il aussi dangereux que celui de Marine Le Pen et du Rassemblement national aux yeux de la majorité ? "Le programme de Jean-Luc Mélenchon est tout à fait jumeau de celui de Marine Le Pen", a assuré Amélie de Montchalin, ministre de la Transition écologique, sur Public Sénat. Selon elle, "ils cherchent l'affaiblissement, ils se font la courte échelle entre eux". 

Il y a quelques semaines, dans l'entre-deux-tours de la campagne présidentielle, les mots étaient pourtant bien différents du côté des soutiens d'Emmanuel Macron. A l'époque, le président sortant s'apprêtait à affronter Marine Le Pen au second tour avec une marge que beaucoup imaginaient bien plus ténue qu'en 2017.

... qui tranchent avec de précédents discours

Alors en campagne pour sa réélection, Emmanuel Macron avait fait un pas en direction des électeurs mélenchonistes, notamment sur l'écologie. "Je souhaite regarder ce qui, venant d'autres propositions, nous permet de clarifier cette ligne [de lutte contre le réchauffement climatique] avec une planification écologique", assurait-il sur France 2, le 13 avril. Relancé sur cette expression employée depuis plusieurs années par Jean-Luc Mélenchon, le président sortant estimait alors que la "méthode" était "bonne".

Au-delà de la question climatique, la majorité semblait établir une distinction claire entre La France insoumise et le Rassemblement national, même avant le second tour. "Sans aucune hésitation, et j'appelle à le faire autour de moi, je vote pour Jean-Luc Mélenchon", expliquait fin mars le ministre Clément Beaune à propos d'un hypothétique duel entre le leader LFI et la candidate du RN, le 24 avril. "Je ne fais pas d'amalgame, (…) même si je pense que Jean-Luc Mélenchon a plusieurs fois au cours des cinq dernières années franchi la ligne rouge de l'esprit républicain."

Et alors que Jean-Luc Mélenchon avait appelé au soir du premier tour à ne pas "donner une seule voix à Madame Le Pen", Richard Ferrand avait salué sa "cohérence" : "Moi qui suis un homme de gauche, qui connais beaucoup de gens qui ont choisi Jean-Luc Mélenchon, nous avons des idées différentes mais des valeurs communes", défendait alors le président de l'Assemblée nationale sur LCP.

"Jean-Luc Mélenchon a clairement donné la direction de la République et de la démocratie face à l'extrême droite."

Richard Ferrand, président de l'Assemblée nationale

sur LCP, le 10 avril

Une majorité menacée par la Nupes ?

Désormais, les responsables macronistes ne retiennent plus leurs coups. Les comparaisons fleurissent, outre la référence à l'ancien président vénézuélien Hugo Chavez, utilisée par Bruno Le Maire. "Sur le fond, il faut regarder ce que Jean-Luc Mélenchon propose", a expliqué sur franceinfo le député Olivier Becht, dimanche 5 juin. Le modèle, c'est la Roumanie de Ceaușescu dans les années 1970, c'est-à-dire plusieurs heures d'interruption d'électricité par jour. Cela veut dire une sorte de chaos économique."

Candidate à sa réélection, la députée LREM Aurore Bergé s'inquiète quant à elle du "chaos qui fera office de déclaration de politique générale" si Jean-Luc Mélenchon s'installe à Matignon après les législatives. Une manière de remobiliser les soutiens d'Emmanuel Macron dans les derniers moments de la campagne, à l'heure où sa majorité absolue paraît en danger.

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